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NASA : les nouvelles combinaisons spatiales au cœur d’un grand fiasco

Le parti-pris de la NASA de collaborer avec de nombreux prestataires a produit de très beaux résultats, mais l’agence est aussi en train de découvrir le revers de la médaille , avec des conséquences potentiellement très lourdes pour le programme Artemis.

Cela fait déjà quelque temps que la NASA a entamé une transition profonde. Depuis le début de cette nouvelle course à l’espace, cette institution monolithique qui a longtemps fait la pluie et le beau temps au voisinage de la Terre a changé de statut. Au fil des années, elle s’est transformée en coordinateur. C’est désormais une plaque tournante dont la principale mission est de sous-traiter une part croissante de ses activités. Tous ses véhicules spatiaux sont par exemple construits entièrement par des tiers comme SpaceX ou Boeing.

C’est une approche plus moderne et pragmatique qui a indiscutablement bénéficié à l’aérospatiale américaine dans son ensemble. Ce nouvel écosystème permet d’envisager des missions plus ambitieuses que jamais, comme le fameux programme Artemis. Mais ce genre de partenariat comporte aussi de nombreux risques.

En effet, du point de vue d’un prestataire, être sélectionné par la NASA comporte de très nombreux avantages. On peut citer l’image, puisque s’associer à une institution aussi prestigieuse est évidemment valorisant. Mais il y a aussi un aspect financier : travailler avec une entreprise gouvernementale au budget bien délimité est une vraie sécurité.

Par conséquent, les prestataires ont tout intérêt à séduire la NASA avec des propositions très ambitieuses, quitte à arrondir les angles par la suite une fois le contrat signé. Mais lorsqu’ils ont les yeux plus gros que le ventre, cela peut conduire à des échecs cuisants et lourds de conséquences. Et nous en avons eu un nouvel exemple particulièrement flagrant avec la conception de la prochaine génération de combinaisons spatiales.

La NASA attend ses combinaisons

Ce feuilleton avait démarré en 2022, quand la NASA a annoncé son intention de moderniser ces équipements. En effet, les combinaisons spatiales actuellement utilisées par les astronautes pour travailler autour de l’ISS sont de véritables antiquités. La conception remonte à plus de quarante ans, et ces vaisseaux spatiaux à forme humaine sont trop encombrants et peu mobiles pour répondre aux attentes de l’aérospatiale moderne.

Au-delà de ce problème de performance, elles commencent aussi à représenter un vrai problème de sécurité. En 2022, par exemple, elles ont été mises au placard pendant toute la durée d’une enquête sur des fuites d’eau survenues en pleines sorties extravéhiculaires — des événements qui auraient pu avoir des conséquences absolument dramatiques.

Et c’est encore pire pour les combinaisons compatibles avec l’exploration planétaire. Les scaphandres des missions Apollo sont tous hors service depuis belle lurette, et à l’heure actuelle, l’agence ne dispose pas d’une seule combinaison qui permettrait à des astronautes de marcher sur la Lune dans de bonnes conditions. Une mauvaise nouvelle pour la mission Artemis 3, qui doit ramener des astronautes sur notre satellite pour la première fois depuis 1972 d’ici quelques années.

Après un appel à projets, la NASA a sélectionné deux entreprises pour moderniser ses équipements : la jeune startup Axiom et Collins Aerospace, une sous-unité du géant de l’industrie militaire Raytheon. Axiom a hérité de la partie lunaire du programme, tandis que Collins a été chargée de concevoir les combinaisons spécialisées dans les opérations orbitales.

Collins Aerospace vers la sortie ?

En tant que filiale de Raytheon, Collins est un acteur industriel très expérimenté — et ce pedigree a joué un rôle important dans cette affaire. En effet, la firme a proposé un programme très ambitieux qui reposait en grande partie sur des technologies de pointe pas encore tout à fait matures. Selon Ars Technica, l’agence a initialement émis de sérieux doutes quant à la capacité de Collins à valider toutes ces technologies dans les temps. Si cette proposition émanait d’une entité moins réputée, elle aurait sans doute été écartée assez rapidement. Mais la NASA a s’est laissée convaincre par les états de service impressionnants de Collins ; elle a fini par signer le contrat en citant un « haut degré de confiance ».

© NASA

Mais malheureusement, il s’agissait en fait d’une très, très grosse erreur de jugement. Toujours d’après Ars Technica, Collins a enchaîné les déboires techniques et complètement dynamité son budget depuis 2022. La situation est apparemment si dramatique que la firme cherche désormais une porte de sortie. Selon les sources d’Eric Berger, un des insiders les plus réputés de l’industrie, l’état-major de l’entreprise cherche en ce moment à renégocier l’ensemble du contrat… ou même à s’en extraire complètement.

Le cas échéant, cela laisserait la NASA dans une situation très compliquée. En substance, elle reviendrait à la case départ après avoir perdu deux années précieuses, dans un contexte où il devient extrêmement urgent de remplacer les combinaisons actuelles.

Toute la question, c’est donc de savoir qui va récupérer les responsabilités de Collins si l’entreprise finit effectivement par se désister. La piste la plus évidente serait de se reposer entièrement sur Axiom, qui a présenté des résultats nettement plus encourageants jusqu’à présent.

Mais il s’agit d’une pente glissante. Après tout, il s’agit d’une jeune entreprise relativement inexpérimentée dans cet exercice d’ingénierie extrêmement exigeant. Est-ce bien judicieux de lui en demander encore davantage, sachant elle a déjà fort à faire avec son propre cahier des charges ? La question mérite d’être posée, car cela éviterait au moins de repartir à zéro. Mais d’un autre côté, la NASA pourrait aussi chercher un nouveau partenaire expérimenté. À l’heure actuelle, personne ne semble savoir ce que l’agence a l’intention de faire.

L’industrie, une épée à double tranchant

On le constate avec Collins, mais ce n’est pas la seule entreprise concernée. Boeing en est également un exemple flagrant. Depuis 2021, le géant américain a rencontré énormément de difficultés dans la conception du Space Launch System (SLS). Le budget de » énorme fusée censée être une des pierres angulaires du programme Artemis a explosé et les délais se sont accumulés, forçant la NASA à chercher une alternative.

Et cette mauvaise dynamique continue encore en ce moment avec la capsule Starliner, un autre véhicule de Boeing conçu pour emporter un équipage en orbite terrestre basse.

La capsule Starliner de Boeing
La capsule Starliner lors d’un vol non habité vers l’ISS. © Bob Hines / NASA

Là encore, le développement a accumulé des années de retard. Et lorsqu’il s’est enfin élancé pour son premier test le 5 juin après un report dû à des fuites d’hélium, les galères ont continué. Une fois en orbite, cinq de ses propulseurs ont rencontré des difficultés… et quatre fuites supplémentaires ont été identifiées ! Résultat, l’engin se retrouve coincé au contact de l’ISS. Pour le moment, les deux astronautes arrivés à bord ne savent toujours pas quand ils seront autorisés à rentrer sur Terre.

Dans une moindre mesure, on peut aussi citer SpaceX. Le Starship sera aussi un élément central du programme Artemis. Mais il a aussi accumulé un certain retard qui a suscité de sérieuses inquiétudes du côté de la NASA.

Certes, les succès récents du véhicule permettent toutefois de rester optimiste. Mais dans tous les cas, la conclusion est la même : ces partenariats avec l’industrie sont toujours risqués pour la NASA. Le nouvel exemple de Collins devra servir de leçon. L’agence devra peut-être demander davantage de garanties aux prestataires et se montrer plus exigeante sur le processus de sélection.

Reste à voir si cela suffira à remettre le programme Artemis sur de bons rails, car dans ces conditions, le calendrier semble tout simplement intenable.

 

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1 commentaire
  1. Collins ne travaillait que sur les combinaisons d’EVA, mais pas sur les combinaisons lunaires. Ça, c’est chez Axiom Space, heureusement.
    Cela dit, SpaceX dispose de combinaisons pour les EVA, alors il ne m’étonnerait pas que ces dernières finissent par être utilisées par la NASA, moyennant sans doute quelques améliorations.

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