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La découverte de graphène défie la théorie sur l’origine de la Lune

Des chercheurs chinois ont identifié ce matériau constitué de carbone pur dans les échantillons de la sonde Chang’e 5. Une découverte qui pourrait forcer les planétologues à reconsidérer l’histoire de la Lune.

Depuis deux jours, toute la sphère scientifique a les yeux rivés sur Chang’e 6, la sonde chinoise qui vient de rentrer sur Terre après un voyage historique vers la face cachée de la Lune. Mais en attendant les résultats des premières analyses de ses échantillons, d’autres chercheurs continuent d’étudier ceux qui ont été rapportés par sa grande sœur Chang’e 5 il y a quatre ans. Et ces travaux continuent de produire des résultats fascinants.

Dans une étude repérée par le South China Morning Post (SCMP), des chercheurs ont révélé que le matériel collecté par Chang’e 5 contient du graphène, un matériau constitué d’une seule couche d’atomes de carbone pur. Une conclusion qui pourrait remettre en question la principale théorie sur la formation de la Lune.

Le carbone pour expliquer l’origine de la Lune

Même s’il existe plusieurs scénarios possibles, il est aujourd’hui communément admis que la Lune est née il y a environ 4,5 milliards d’années lors d’une collision cataclysmique entre la Terre et Theia, une protoplanète d’une taille comparable à celle de Mars. L’impact aurait arraché une énorme quantité de matériel qui se serait réparti dans un vaste disque orbital avant de se condenser en un nouveau corps céleste.

Si cette hypothèse dite de l’impact géant est aussi prévalente depuis la fin du 20e siècle, c’est parce qu’elle est particulièrement cohérente avec les études conduites depuis quelques dizaines d’années. Par exemple, on sait grâce aux échantillons rapportés par les missions Apollo que notre planète et sa voisine sont étonnamment proches au niveau géochimique. Les isotopes dont la Lune est composée ressemblent beaucoup à ceux que l’on trouve dans le manteau de la Terre, ce qui pointe vers une origine commune.

Un autre facteur important qui a largement contribué à cette théorie, c’est qu’un élément très important manque à l’appel sur la Lune : le carbone. Cet élément est extrêmement abondant sur Terre, et c’est même une composante fondamentale de la vie telle qu’on la connaît. En revanche, la NASA a constaté qu’il était beaucoup moins abondant dans les échantillons d’Apollo, et la théorie de l’impact géant pourrait expliquer cette faible concentration.

En effet, des modélisations de l’événement ont montré qu’un tel impact aurait instantanément vaporisé une immense quantité de matériel pour former une synestia – un énorme “donut” de matière pulvérisée en rotation rapide. Sous forme gazeuse, tout le carbone contenu dans les débris se serait entièrement échappé dans l’espace avant que la synestie ne s’agglomère pour former la Lune. Pour expliquer le fait que échantillons de la NASA en contiennent tout de même des traces, les chercheurs ont conclu qu’il provenait sans doute de sources dites « exogènes », comme des météorites.

Du « carbone indigène » et des mécanismes de capture

Or, de nouveaux éléments forcent désormais les chercheurs à reconsidérer cette théorie. En 2020, une équipe de chercheurs japonais a montré qu’il existait de petites émissions d’ions de carbone un peu partout sur la Lune (voir ce papier de recherche).

Selon les auteurs, cela suggère qu’il existe des sources de carbone dites « indigènes ». Dans ce contexte, ce terme fait référence à du carbone directement originaire de la Lune, par opposition au carbone exogène mentionné ci-dessus. Cela pourrait sembler anecdotique, mais la présence de carbone indigène a des implications assez profondes ; cela signifie que les chercheurs devront peut-être affiner le modèle de formation de la Lune qui est globalement accepté aujourd’hui, voire même le reconsidérer entièrement.

C’est pour cela que la découverte de graphène dans les échantillons de Chang’e 5 est si excitante : ce matériel est une excellente surface d’attaque pour étudier ces différentes hypothèses. Les chercheurs chinois se sont donc intéressés à la structure des échantillons à petite échelle. À l’aide de plusieurs techniques de microscopie et de spectrométrie, ils ont pu déterminer ce graphène n’était âgé “que” de deux milliards d’années, ce qui est bien plus jeune que la Lune. Et surtout, ils ont constaté que la structure du graphène est cohérente avec des « processus à haute température résultant d’éruptions volcaniques ».

un feuillet de graphène
La structure du graphène, un matériau constitué d’une seule couche de carbone pur. © AlexanderAlUS via Wikimedia Commons

Selon le SCMP, cela aurait pu permettre au fer contenu dans ces zones relativement riches en carbone d’interagir avec les molécules carbonées. PLus spécifiquement, cela aurait donné lieu à une « catalyse minérale » susceptible de former du graphène. Ce qui est important, c’est que cela suggère l’existence d’un mécanisme de capture du carbone sur la Lune.

Ce dernier pourrait expliquer l’accumulation de carbone indigène dans les sols. Il faudra conduire d’autres études pour mieux comprendre toutes les nuances de ces phénomènes ainsi que leurs implications. Mais il s’agit déjà d’un point de départ très intéressant. Selon les chercheurs, ces découvertes pourraient bouleverser notre compréhension de la chimie lunaire et, par extension, de son histoire.

La face cachée de la Lune, la pièce manquante du puzzle ?

Et le plus enthousiasmant, c’est que de nouveaux éléments pourraient très bientôt permettre aux chercheurs d’effectuer de grands progrès sur ces questions. En effet, la toute dernière sonde chinoise, Chang’e 6, vient de rentrer au bercail avec des échantillons tout frais.

Chang'e 6 Orbite
La sonde Chang’e 6. © CGTN via The Planetary Society

La différence, c’est que ce matériel provient cette fois de la face cachée de la Lune – une région à la fois radicalement différente et très mal connue pour le moment.

On peut donc s’attendre à ce que de nouveaux résultats fascinants émergent très rapidement, avec des implications potentiellement profondes pour le futur des sciences planétaires.

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7 commentaires
    1. Bah oui. Ca en intéresse certains… Culture générale, qu’on appelle ca.
      Et en plus, c’est écrit très correctement.

    2. Oui , ça nous change du niveau d’Hanouna ou autres c..ries de télé-réalité qu”on peut trouver sur d’autres médias comme la TV par exemple. C’est rafraichissant de se remplir le cerveau plutôt que de le vider…

  1. La lecture des articles est liée à nos centres d’intérêt. Et là, je peux bien vous assurer que nos centres d’intérêt sont aussi divers que nous sommes nombreux sur Terre. Moi, j’en raffole.

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