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Blue Origin attaque SpaceX sur l’impact environnemental du Starship

La vieille rivalité entre les entreprises de Jeff Bezos et d’Elon Musk repart de plus belle.

Alors qu’ils semblaient avoir mis un peu d’eau dans leur vin ces dernières années, Elon Musk et Jeff Bezos viennent de ressortir la hache de guerre. Blue Origin, l’entreprise de l’ex-patron d’Amazon, a récemment déposé une requête ciblée auprès de la FAA pour se plaindre de l’impact environnemental de SpaceX, et demande à l’agence qui délivre notamment les licences de vol des fusées d’agir en conséquence.

Le document soumis par Blue Origin cible notamment le Starship, l’énorme lanceur en cours de développement dont le quatrième prototype a récemment réussi à rentrer sur Terre depuis l’orbite pour la première fois.

Blue Origin veut limiter les lancements du Starship

Avant de pouvoir décoller depuis la Starbase, la base texane de SpaceX, l’impact environnemental de cet engin hors-norme a déjà fait l’objet de plusieurs enquêtes environnementales de la FAA par le passé. Des démarches ont eu pour effet de retarder considérablement les premiers vols — au grand dam d’Elon Musk, connu pour sa haine viscérale de la stagnation administrative.

Malheureusement pour lui, sa fusée XXL va bientôt devoir s’y soumettre une nouvelle fois pour pouvoir décoller depuis le légendaire Kennedy Space Center de Cap Canaveral, en Floride. Et apparemment, Blue Origin compte faire tout ce qui est en son pouvoir pour l’en empêcher.

Le booster Super Heavy surmonté du Starship
Le booster Super Heavy surmonté du Starship. © SpaceX

Dans la requête, ses porte-parole s’inquiètent de la contamination chimique générée par ces tirs, du bruit et des vibrations qui pourraient perturber les écosystèmes et les populations de la péninsule, et des risques d’explosions et de débris associés à d’éventuels accidents. Ils demandent donc à la FAA de plafonner le nombre de lancements du Starship, et même de réévaluer les résultats de l’enquête environnementale de la Starbase.

« L’impact prévisionnel des opérations du Starship-Super Heavy est plus important que celui de n’importe quel autre système de lancement actuel », argumente Blue Origin. « Avec sa capacité inégalée de 5200 tonnes de méthane liquide, les marges de sécurité pourraient empiéter sur les propriétés d’autres entreprises, du gouvernement et du public. L’impact des opérations du Starship au Kennedy Space Center pourrait être encore supérieur que celui de la Starbase. Par conséquent, l’enquête d’impact environnemental devrait réévaluer soigneusement les risques et les alternatives ».

Conscience écologique ou opportunisme ?

D’un côté, il est difficile de considérer que Blue Origin agit de façon entièrement désintéressée, par pure conscience écologique. L’entreprise de Jeff Bezos, qui avait initialement pour but de concurrencer directement SpaceX, accuse aujourd’hui un retard assez énorme sur son rival : ses lanceurs sont nettement moins performants et décollent moins souvent. Par conséquent, l’impact environnemental de Blue Origin est largement inférieur à celui de SpaceX. La firme peut donc se permettre de jouer la carte écologique… mais certains observateurs risquent de détecter un peu de mauvaise foi dans cette initiative.

En effet, plusieurs des entreprises associées de près ou de loin à Jeff Bezos sont connues pour prendre de nombreuses libertés au niveau environnemental. Par exemple, en 2022, un rapport du CIR a déterminé qu’Amazon avait l’habitude de sous-estimer massivement son impact carbone. Dans ce contexte, on peut se demander si Blue Origin serait aussi regardante sur l’environnement si elle était en position de concurrencer SpaceX. Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que les troupes de Jeff Bezos essaient de mettre des bâtons judiciaires et administratifs dans les roues d’Elon Musk.

Par le passé, Blue Origin a déjà intenté un procès à SpaceX pour l’empêcher d’utiliser ce qui est aujourd’hui son pas de tir principal, essayé de breveter l’usage des barges d’atterrissage régulièrement utilisés par les Falcon 9, et tenté d’endiguer le déploiement de la constellation Starlink. On peut aussi citer la fameuse « affaire HLS » qui a débouché sur un feuilleton judiciaire mémorable.

Une agressivité qui, évidemment, n’a pas du tout plu au gourou de Tesla. En 2021, il a déclaré que Bezos avait « pris sa retraite pour faire des procès à SpaceX à plein temps » et pesté contre les « tactiques obstructionnistes » de son homologue. Il a réagi à cette nouvelle offensive en publiant le jeu de mots « Sue Origin » sur Twitter/X (« to sue » signifiant « attaquer en justice » en anglais).

Au-delà des querelles commerciales, un débat écologique légitime

Mais d’un autre côté, même si l’on peut légitimement s’interroger sur les objectifs de l’écurie bleue dans cette affaire, il est indiscutable que l’impact environnemental de SpaceX et du Starship doivent impérativement être pris très au sérieux.

Sur le fond, l’argumentaire de Blue Origin n’est pas dénué de sens. Le Starship est le lanceur le plus massif et le plus puissant jamais construit ; il est évident que son impact environnemental est tout à fait significatif. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un acteur tiers demande à la FAA de se montrer plus stricte avec SpaceX. À l’été 2023, avant le premier lancement de la fusée, une coalition d’activistes écologistes avait déjà demandé l’ouverture d’une nouvelle enquête plus poussée avec des critères plus stricts, un peu comme Blue Origin le fait aujourd’hui.

Et la situation ne va pas s’arranger, maintenant que le colosse de métal a pris son envol et qu’il s’approche lentement, mais sûrement de la maturité. Surtout lorsqu’on connaît le penchant d’Elon Musk pour la vitesse ; pour référence, SpaceX prévoit de lancer pas moins de… 44 Starships en 2024. Tout l’enjeu sera donc de trouver un certain équilibre entre cette révolution technologique et les enjeux environnementaux.

Or, jusqu’à présent, Elon Musk ne s’est pas toujours montré très réceptif à ces inquiétudes pourtant légitimes. En tant que leader mondial de l’aérospatiale, l’entreprise se doit aussi de montrer l’exemple, et il serait dommage que le formidable travail des ingénieurs soit entaché par l’inflexibilité d’un dirigeant connu pour ses tendances un brin mégalomanes.

Quoi qu’il en soit, la hache de guerre est déterrée, et il conviendra de suivre l’enquête de la FAA pour voir si elle finira par donner raison à Blue Origin ou si elle laissera le champ libre aux ambitions de Musk. La suite au prochain épisode.

 

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2 commentaires
  1. Ah parce que ce qu’il décolle du Kennedy Space Center le Starship ? C’est nouveau ^^ Franchement les gars documentez vous avant d’écrire un article, vous bâclez de plus en plus, tant que ça fait du clique. Ou alors changez de “journaliste”.

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