Il est de notoriété publique que comme les autres pollinisateurs, les abeilles sont des clés de voûte de nombreux écosystèmes et, par extension, contribuent à la survie de l’espèce humaine. Mais à l’avenir, elles pourraient sauver des vies de manière encore plus directe. Selon une étude récente, ces insectes fascinants sont capables de détecter des cancers du poumon dans le souffle des humains.
Lorsqu’on songe aux animaux qui disposent de l’odorat le plus performant, ce sont généralement les canidés qui viennent à l’esprit en premier. Le meilleur ami de l’Homme et ses cousins sont effectivement dotés d’un nez particulièrement exceptionnel, et notre espèce a appris à lui faire confiance dans de nombreuses activités. On peut citer les missions de secours ; les chiens n’ont pas leur pareil pour retrouver des alpinistes ensevelis par des avalanches ou des personnes ensevelies sous les décombres après un séisme. Les forces de police s’en servent également pour localiser des explosifs ou des substances illicites.
Les insectes aussi ont le nez fin
Plus récemment, le corps médical a aussi commencé à s’intéresser à ce superpouvoir. On sait par exemple que certains chiens sont capables de sentir une glycémie anormalement basse chez une personne diabétique, et de l’alerter avant même qu’elle n’en perçoive les premiers signes. Plus récemment, des chercheurs ont aussi commencé à explorer leur capacité à détecter plusieurs formes d’infections et même de cancers rien qu’à l’odeur.
Mais les chiens ne sont pas les seuls animaux qui disposent d’un odorat surdéveloppé. C’est aussi le cas de nombreux insectes, dont les abeilles. Leurs antennes sont capables de réagir à de nombreux composés chimiques avec un niveau de sensibilité bluffant. Elles s’appuient sur ce sens très fin pour localiser des fleurs matures, pour détecter les phéromones émises par leurs congénères, ou encore pour traquer les intrus au sein de leur ruche.
Les chercheurs de l’Université d’État du Michigan se sont donc demandé si, comme les chiens, ces insectes pourraient être capables d’identifier la signature chimique des tumeurs associées aux cancers.
Des résultats très convaincants
Pour tester cette hypothèse, l’équipe à l’origine de ces travaux a conçu deux “parfums” différents. Le premier imitait le souffle d’un humain en bonne santé ; dans le deuxième, ils ont ajouté des substances comme le trichloréthylène ou le 2-methylheptane pour simuler le souffle d’une personne atteinte d’un cancer du poumon.
Les chercheurs ont ensuite installé de minuscules électrodes sur la tête d’une série d’abeilles. Ce dispositif permet de mesurer des variations de leur activité cérébrale afin de vérifier si elles réagissaient à ce cocktail. Avec cette approche purement physiologique qui exclut toutes les variables comportementales, ils espéraient obtenir des résultats bruts parfaitement objectifs.
Devant les échantillons de contrôle, les chercheurs n’ont constaté aucune réponse de la part des abeilles. En revanche, une fois les cobayes confrontés à ces composés volatils associés au cancer, les chercheurs ont observé un véritable feu d’artifice neuronal. Et ce même avec des concentrations très faibles. Ces résultats prouvent que les abeilles sont capables de détecter la signature chimique du cancer du poumon, et avec une sensibilité bluffante.
« Les abeilles ont détecté des concentrations très faibles ; c’était un résultat très fort », explique Debajit Saha, co-auteur de l’étude. « Elles peuvent différencier des changements infimes dans la composition chimique du souffle, de l’ordre d’une partie par milliard », précise-t-il. Pour référence, c’est l’équivalent d’une goutte de liquide diluée dans une citerne de 50 000 litres !
Ravie par ces résultats préliminaires, l’équipe a poussé son expérience plus loin. Les chercheurs ont mis différents types de véritables cellules pulmonaires, certaines saines et d’autres cancéreuses, en culture. Ils ont ensuite répété leur protocole basé sur la réponse neuronale. Et là encore, les résultats ont été impressionnants : les abeilles ont encore réagi aux tumeurs malignes. Et après avoir disséqué ces données, les chercheurs ont réalisé qu’elles étaient aussi capables de distinguer les signatures chimiques des lignées cellulaires associées à différents types de cancer du poumon. Un point tout sauf négligeable, car toutes les variantes de la maladie ne sont pas prises en charge de la même façon au niveau clinique.
Vers de nouveaux tests non-invasifs
Dans leur communiqué, les chercheurs suggèrent que ces travaux pourraient ouvrir la voie à de nouveaux dispositifs de détection du cancer. Saha et ses troupes prévoient désormais de concevoir des tests basés sur le souffle pour détecter ces composés chimiques typiques du cancer du poumon, même en très faible quantité. Une sorte d’alcootest spécialisé dans les tumeurs, en somme. Ce genre de test comporterait des avantages évidents par rapport aux méthodes invasives, comme les biopsies.
Il s’agirait d’un outil formidable, sachant que les chances de survie du patient sont généralement bien plus élevées lorsque la maladie est détectée très tôt. Il sera donc intéressant de voir si ce produit arrive à maturité, et le cas échéant, s’il est possible de le décliner pour détecter d’autres formes de cancer.
Le texte de l’étude est disponible ici.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.