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Les éléphants sont encore plus intelligents qu’on ne le pensait

Une nouvelle étude a montré que ces animaux socialement très avancés se donnent des noms entre eux, un peu comme les humains. Et elle pourrait même aider les chercheurs à mieux comprendre les mécanismes de l’évolution du langage.

On sait depuis belle lurette que les éléphants font partie des animaux les plus intelligents de la planète. De nombreuses études ont déjà documenté leur capacité à résoudre des problèmes logiques, à utiliser des outils, ou encore à se souvenir de détails incroyablement précis — ce n’est pas un hasard si l’on parle de “mémoire d’éléphant”.

Mais récemment, une équipe de chercheur a trouvé de nouveaux indices qui illustrent cette fois leur intelligence sociale : il semble que les majestueux pachydermes se donnent des noms individuels, un peu comme le font les humains. Une conclusion pleine d’implications fascinantes.

Le machine learning à la rescousse

Ces travaux sont partis d’une tendance identifiée par Joyce Poole, la directrice scientifique d’Elephant Voices — une organisation spécialisée dans l’étude et la protection des éléphants. « Au fil des années, j’ai observé que l’appel d’un éléphant déclenche souvent une réponse enthousiaste de la part d’un membre particulier de sa famille. Un autre individu, de son côté, répondait par contre à un appel différent, tandis que le reste de la famille semblait ignorer complètement l’auteur du son. Puisqu’il s’agit d’animaux intelligents et socialement complexes, je me suis longtemps demandé si les éléphants pouvaient s’adresser les uns aux autres en utilisant des noms propres », explique-t-elle dans un communiqué.

Avec ses associés, elle a donc cherché à vérifier son hypothèse. Pour cela, l’équipe a rassemblé plus près de 500 vocalisations sociales d’éléphants collectées dans les réserves de Samburu et d’Amboseli, au Kenya. Dans chaque cas, les auteurs ont méticuleusement noté quel individu était à l’origine de l’appel et à quel autre membre du groupe il s’adressait.

Dans un second temps, cette base de données a été adressée à l’équipe de Michael Pardo, chercheur à l’Université d’État du Colorado. Avec ses collègues, il a développé et entraîné un algorithme de machine learning conçu pour identifier des motifs récurrents dans ces vocalisations.

Elephants
© Wolfgang Hasselmann – Unsplash

Chaque éléphant a son petit nom

Au terme du traitement des données, les chercheurs ont identifié ce qu’ils estimaient être une “étiquette vocale”, fonctionnellement assimilables aux noms que les humains utilisent pour s’adresser les uns aux autres.

Encouragés par cette trouvaille, ils ont diffusé ces séquences audio à proximité des groupes d’éléphants enregistrés. Et à chaque fois, ils ont observé que l’individu concerné répondait de façon enthousiaste et énergique au son, tandis que les autres ne réagissaient presque pas !

« Notre étude montre non seulement que les éléments utilisent des vocalisations spécifiques pour chaque individu, mais aussi qu’ils peuvent reconnaître un appel qui leur est destiné et y réagir tout en ignorant ceux qui s’adressent aux autres », explique Michael Pardo. « Cela indique que les éléphants peuvent déterminer si un appel leur est destiné juste en l’entendant, même en dehors du contexte original », se réjouit-il.

Un cas rarissime dans le règne animal

Si ce résultat est aussi intéressant, c’est parce qu’il témoigne d’un phénomène complètement unique dans le règne animal, du moins à notre connaissance. Techniquement, les éléphants ne sont pas les seuls à pouvoir interpeller un individu précis. Mais les autres espèces qui le font, comme les dauphins ou les perroquets, ont recours à une technique différente, qui consiste à imiter la signature vocale de l’individu ciblé. Ces pachydermes, en revanche, ne copient pas la voix de leur interlocuteur ; à la place, ils utilisent des sons originaux qui ne semblent avoir aucune autre fonction. En d’autres termes, de véritables noms propres.

Dauphins
Contrairement aux perroquets ou aux dauphins, les éléphants utilisent des sons assimilables à de vrais noms propres – et cela fait toute la différence. © Ranae Smith – Unsplash

La distinction peut sembler anecdotique, mais elle est en fait très importante. Selon les chercheurs, cela montre que les éléphants disposent de capacités d’abstraction encore plus importantes qu’on ne le pensait — un critère qui témoigne généralement d’une intelligence particulièrement avancée. Une perspective très enthousiasmante pour deux raisons.

Pour commencer, cela pourrait aider les chercheurs à mieux comprendre la dynamique sociale et les capacités cognitives des éléphants. « Ces vocalisations sont incroyablement riches en information, ce qui rend le décodage de leur sens assez difficile. Cela a grandement limité notre capacité à les comprendre, et par extension, à les protéger. En y parvenant, nous pouvons ouvrir des portes supplémentaires pour comprendre comment fonctionne l’esprit des éléphants », explique le co-auteur George Wittemyer.

Une fenêtre sur l’évolution du vivant

Mais le plus intéressant, c’est que les retombées potentielles de ces travaux ne s’arrêtent pas aux pachydermes ; ils pourraient aussi nous renseigner sur les mécanismes évolutifs du langage en général !

« Cela ouvre de nouvelles pistes excitantes sur l’évolution du langage. Nos conclusions sur le rôle de l’imitation dans les noms des éléphants sont encore au stade préliminaire, mais si d’autres recherches les confirment, cela soulèvera des questions fascinantes sur les raisons qui ont poussé l’évolution à doter les humains et les éléphants de moyens de communication aussi singuliers et flexibles », explique Prado.

Elephant Fillette
© RebeccasPictures – Pixabay

Plus largement, cette étude montre aussi à quel point le machine learning peut être intéressant pour la recherche scientifique. En identifiant ces phénomènes, ces outils nous aident à comprendre les nuances obscurs de la dynamique du monde qui nous entoure.

« Les éléphants et les humains sont séparés par une centaine de millions d’années d’évolution, et pourtant nous avons convergé dans de nombreux aspects de nos vies. Nous avons des espérances de vie comparables, des familles étendues avec des vies sociales riches soutenues par des cerveaux hautement développés… », renchérit Frank Pope, PDG de l’organisation Save the Elephants qui a soutenu l’étude. « L’IA nous aide repousser les frontières de notre compréhension du monde naturel, et les éléphants qui s’interpellent avec des noms propres ne sont probablement que le début d’une longue série de révélations à venir. »

Le texte de l’étude est disponible ici.

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1 commentaire
  1. Mais non, nous sommes la seule espèce intelligente. Pour preuve, nous sommes la seule à être capable de détruire notre environnement et la continuité de l’existence des générations qui nous suivront.

Les commentaires sont fermés.

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