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Le cycle de l’eau secret de l’Amazonie déraille, et c’est inquiétant

Le système hydroclimatique unique de l’Amazonie est en train de se transformer sous l’effet du réchauffement climatique – une dynamique inquiétante qui risque fort d’avoir des conséquences pour tout le reste de la planète.

La forêt amazonienne est un écosystème absolument fascinant. En plus d’abriter quasiment 10 % des espèces vivantes connues et de jouer un rôle déterminant dans le cycle planétaire du carbone, on y trouve aussi un système hydroclimatique complètement unique, caractérisé par un cycle de l’eau complexe et encore relativement mal compris qui n’existe nulle part ailleurs sur Terre. Or, une étude récente a montré que l’activité humaine est déjà en train de le bouleverser en profondeur, alors que les chercheurs commencent tout juste à comprendre sa dynamique.

Ce système, les spécialistes l’ont surnommé AAA, en référence à ses trois piliers — l’Atlantique, les Andes et le fleuve Amazone, avec le célèbre bassin qu’il alimente. Tout commence dans l’océan Atlantique, à l’est du continent. Son évaporation soulève des quantités massives de vapeur d’eau qui circulent dans de véritables autoroutes.

Ces “rivières aériennes”, comme les appellent parfois les spécialistes, échangent constamment de l’eau avec la forêt vierge à travers les précipitations et l’évapotranspiration — le mécanisme par lequel les plantes recyclent l’humidité du sol vers l’atmosphère. Après avoir traversé tout le continent d’est en ouest, ces rivières aériennes ne continuent cependant pas leur route vers le Pacifique. À la place, elles se retrouvent coincées par les Andes, un immense mur rocheux qui les force à pivoter vers le sud.

Une plaque tournante écologique majeure

Cet air complètement saturé en eau se met alors à déverser des pluies diluviennes qui alimentent directement le fleuve Amazone, le cours d’eau le plus puissant de la planète, et ses innombrables affluents qui replongent ensuite dans l’Atlantique.

Amazon Aaa Pathway
© Beveridge et al.

Lorsque cette dynamique a été identifiée, les chercheurs y ont d’abord vu un système d’irrigation à l’échelle du continent. Mais en étudiant le système AAA de plus près, plus les chercheurs ont vite réalisé qu’ils avaient affaire à quelque chose de beaucoup plus complexe que prévu, avec des retombées importantes pour toute la planète.

Par exemple, l’équipe de la biologiste américaine Claire F. Beveridge a pu montrer avec une étude récente qu’il est responsable d’environ 40 % des apports sédimentaires de l’Atlantique. Un facteur qui a des implications profondes pour les cycles des nutriments locaux, et par extension, sur toute la dynamique marine terrestre. « La traînée du fleuve Amazone pénètre l’Atlantique sur des milliers de kilomètres, et sa composition la rend vitale pour l’équilibre marin des nutriments et la séquestration du dioxyde de carbone », écrivent les auteurs dans leur papier.

Mais en cherchant ainsi à identifier les relations intimes entre ces différents écosystèmes, les chercheurs ont aussi observé une tendance préoccupante.

Le système AAA bat de l’aile

Historiquement, le système AAA a toujours été affecté par un cycle lui-même conditionné par El Niño et La Niña. Pour rappel, il s’agit de phénomènes climatiques périodiques qui se manifestent respectivement par un réchauffement et un refroidissement de la surface du Pacifique, avec une influence majeure sur la météo globale. Mais en analysant des données relevées en Amazonie sur les dernières années, Beveridge et ses collègues ont observé que ces fluctuations étaient devenues bien plus importantes. Ces variations ont pris des proportions telles qu’El Niño et La Niña ne suffisent plus à les expliquer.

Un constat tout sauf anecdotique, car cette dynamique a des implications très concrètes. En effet, ce détraquage semble fortement corrélé à d’autres phénomènes problématiques, comme une fonte accélérée des glaciers des Andes et des sécheresses record dans le nord du bassin. Et c’est particulièrement inquiétant, car ces éléments influencent directement le système AAA qui en subit alors les conséquences à son tour. On se retrouve donc dans un cercle vicieux qui pourrait complètement transformer la région sur le long terme – avec tout ce que cela implique pour le reste de la planète.

« Les changements combinés tout au long du système AAA et leurs impacts cumulés avancent trop vite pour que les systèmes socioécologiques puissent s’adapter, ce qui menace directement leur résilience », souligne l’équipe.

Le réchauffement climatique, l’origine du mal

Or, il n’y a qu’un facteur capable d’expliquer tous ces symptômes. Comme vous l’avez probablement déjà deviné, il s’agit de la hausse des températures associée au réchauffement global. En d’autres termes, c’est l’activité humaine qui semble bien à l’origine de tous ces changements.

L’équipe de Beveridge insiste donc sur l’importance de préserver cette région cruciale pour toute la planète et ses habitants. Or, pour y parvenir, il faudra sans doute continuer à explorer ce fameux système AAA, car tout indique désormais qu’il jouera un rôle central dans le futur des habitants de la Terre.

« Jusqu’à présent, la plupart des efforts de recherche et de conservation se sont concentrés sur le biome terrestre de la forêt vierge. Pourtant, la persistance de ce biome repose largement sur ce système AAA », regrette la co-autrice Elizabeth P. Anderson.

« Nous espérons que cette étude va contribuer à la reconnaissance du système AAA, afin de cultiver une approche plus holistique de l’Amazonie et de sa connexion avec les gens et la nature dans d’autres régions d’Amérique du Sud, mais aussi du monde entier », conclut Beveridge.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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1 commentaire
  1. Les hommes vont commencer à s’en inquiéter lorsqu’il sera vraiment trop tard, car je ne vous apprends rien en vous disant que notre planète n’est pas une bicyclette !!!

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