Mardi 4 juin à 22 h, la NASA a tenu une conférence au sujet du télescope spatial Hubble, un engin certes formidable mais aussi très vieux et pas épargné par les années. Pour continuer d’observer l’univers alors qu’il vient de souffler sa 34e bougie, il va falloir faire quelques concessions et changer de manière de travailler.
Pour rappel, Hubble était récemment passé en coma artificiel après la défaillance d’un nouveau gyroscope. Ces composants, normalement au nombre de six, sont des organes vitaux qui lui permettent de s’orienter avec une grande précision pour réaliser ses observations. Historiquement, ils ont provoqué bien des maux de tête aux ingénieurs, car ils ont déjà flanché à plusieurs reprises. La NASA a d’ailleurs envoyé un équipage d’astronautes pour les remplacer entièrement en 2009, lors de la toute dernière mission d’entretien du télescope.
La moitié d’entre eux a rendu l’âme sur les dernières années, et malheureusement, la NASA a estimé que le quatrième gyroscope qui a flanché récemment était désormais irrécupérable. On se retrouve avec seulement deux gyroscopes opérationnels. Un état de fait regrettable, car il en faut au moins trois pour que le télescope puisse fonctionner de manière optimale.
Une solution potentielle aurait été d’organiser une sixième mission de maintenance — mais la NASA en a décidé autrement. L’agence avait déjà déclaré que la réparation de 2009 serait la dernière. Et elle n’a pas changé d’avis depuis. Mais cela ne signifie pas pour autant que la NASA va abandonner notre dinosaure préféré à son sort. L’agence a bien l’intention de le rentabiliser autant que possible jusqu’au dernier moment. C’est d’autant plus important qu’il reste irremplaçable à l’heure actuelle, malgré son âge avancé. Pour bénéficier d’un nouveau télescope aussi polyvalent, il faudrait attendre le LUVOIR, un projet d’observatoire pas encore validé qui ne décollerait de toute façon pas avant 2039 au plus tôt.
Un seul gyroscope aux commandes
Pour y parvenir, la NASA a décidé de faire passer Hubble en One-Gyro Mode. Cela signifie qu’à partir de maintenant, il va se reposer sur un seul et unique gyroscope pour s’orienter, au lieu de trois jusqu’à présent. Et cela implique de faire quelques concessions. Pour commencer, Hubble aura besoin de plus de temps pour passer d’une cible à l’autre, et les astronomes pourront donc planifier moins d’observations. En outre, il va aussi perdre en flexibilité, et sera privé de certaines fenêtres d’observation qui étaient autrefois parfaitement exploitables. Par exemple, il n’aura plus la possibilité de suivre les cibles mouvantes plus proches que la planète Mars. Il ne pourra donc plus jamais braquer son objectif sur la Lune ou sur Vénus, par exemple.
Des sacrifices finalement assez modestes par rapport aux bénéfices potentiels. Si l’on fait abstraction de la baisse de productivité, la plupart des observations ne seront pas impactées ; Hubble pourra toujours réaliser des observations de grande qualité à condition de prendre son temps. En parallèle, le vrai avantage de cette approche, c’est qu’elle devrait prolonger considérablement la durée de vie du télescope. Ce mode de fonctionnement permet de garder un gyroscope en réserve. Si le cinquième tombe en panne à son tour, la NASA pourra continuer d’opérer de la même façon en utilisant le dernier exemplaire.
« D’un point de vue opérationnel, nous pensons qu’il s’agit de la meilleure approche pour supporter les contributions scientifiques d’Hubble jusqu’à la prochaine décennie », explique Mark Clampin, directeur de la division astrophysique de la NASA.
Objectif 2035
Les ingénieurs estiment que cette stratégie devrait permettre de continuer l’exploitation d’Hubble jusqu’à la moitié de la prochaine décennie. « Après révision de nos pronostics, nous avons conclu qu’il y a au moins 70 % de chance qu’au moins un des gyroscopes continue de fonctionner normalement jusqu’en 2035 », a expliqué Patrick Crouse, responsable d’Hubble au prestigieux Goddard Space Flight Center.
Et cela tombe bien, car c’est autour de cette date que le télescope commencera de toute façon à retomber dans l’atmosphère — un saut de l’ange incandescent qui marquera la fin définitive de sa mission. La seule option pour repousser cette échéance serait de rehausser son orbite d’ici là. Mais la NASA semble avoir tiré un trait sur ce scénario. Elle a notamment décliné la suggestion du milliardaire Jared Isaacman, qui avait proposé de financer une mission privée pour ramener Hubble sur une orbite plus élevée. « Notre position, après avoir exploré les différentes options commerciales, c’est que nous n’allons pas courir après ce genre de mission », a déclaré Mark Clampin.
En d’autres termes, même estropié, Hubble a encore de beaux jours devant lui. Il pourra sans doute continuer d’émerveiller les astronomes et le grand public pendant une dizaine d’années. Les amoureux de l’espace auront donc largement le temps de faire leur deuil.
Entre-temps, il sera aussi intéressant de suivre le développement de ses successeurs potentiels. Certes, le Nancy Grace Roman, qui va rapporter un véritable « torrent de données » à partir de 2027, pourra assumer une petite partie de ses responsabilités. Mais il sera tout de même incapable de combler le vide laissé par Hubble pendant ses décennies de bons et loyaux services. A terme, il faudra forcément lui trouver un vrai héritier. L’avenir nous dira s’il s’agira du fameux projet LUVOIR ou d’un appareil entièrement différent.
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