Selon SpaceNews, une entreprise chinoise associée à l’opérateur de lancement Landspace a récemment déposé la documentation nécessaire pour déployer Honghu-3, une nouvelle constellation de satellites web qui devrait atteindre 10 000 engins. Une initiative qui témoigne de la montée en puissance rapide de la Chine dans ce domaine.
Aujourd’hui, l’orbite terrestre est surtout dominée par la constellation Starlink de SpaceX. Depuis le lancement des premiers appareils en 2019, elle n’a cessé de grandir ; lors du dernier relevé de l’astronome Jonathan McDowell, grand spécialiste du suivi des satellites, la firme en avait déjà déployé pas moins de 5874. Pour référence, selon le site spécialisé OrbitingNow, il y a aujourd’hui environ 6500 satellites actifs autour de la Terre. Si ces chiffres sont exacts, cela signifie que SpaceX gère environ 40 % des satellites mondiaux — et ce n’est qu’un début. À terme, Elon Musk et ses troupes espèrent déployer plus de 40 000 appareils en orbite terrestre basse.
La concurrence n’a pas l’intention de laisser le monopole de ce domaine à SpaceX sans réagir. Mais pour l’instant, les concurrents ne se bousculent pas au portillon. Le projet Kuiper de Blue Origin, qui prévoit de déployer 3,236 satellites web de types Starlink, n’en est encore qu’à ses balbutiements. L’opérateur britannique OneWeb, de son côté, est plus avancé mais toujours loin derrière, avec 648 satellites opérationnels à l’heure où ces lignes sont écrites.
La Chine aux avant-postes
Dans ce contexte, c’est bien le contingent chinois qui semble le mieux positionné pour devenir le principal rival de SpaceX. Les détails techniques relatifs à ces constellations sont généralement très rares, et il est donc difficile de les comparer sur ce terrain ; mais leur nombre témoigne tout de même de l’ambition chinoise dans ce domaine.
En effet, Honghu-3 n’est pas la seule initiative de première catégorie qui commence à prendre forme au pays de Xi Jinping. En fait, c’est même le troisième projet de constellation de 10 000 unités ou plus, avec le programme Guowang géré par l’entreprise gouvernementale China Satellite Network Group (13 000 satellites) et le programme G60 (12 000 satellites). Et derrière ces chefs de file, d’autres entités de plus petite taille commencent aussi à surfer sur cette vague.
Il existe deux lectures très différentes de cette situation. La première est essentiellement géopolitique. L’espace est un domaine de plus en plus important aux niveaux stratégiques et économiques, et les premières nations à y avancer leurs pions vont sans doute disposer d’un avantage considérable sur les prochaines décennies.
Un encombrement de plus en plus inquiétant
La deuxième, beaucoup plus concrète, est surtout logistique et concerne toute la planète, indépendamment des nationalités. Au fur et à mesure que ces mégaconstellations se densifient, le problème d’encombrement de l’orbite devient de plus en plus préoccupant. Cela pose déjà des problèmes pour certains instruments comme Hubble. Le vénérable télescope est régulièrement photobombé par des satellites de communication, ruinant ainsi de précieuses images scientifiques.
Au-delà de la science, de plus en plus d’experts s’inquiètent aussi du problème des collisions. En 2021, Hugh Lewis, un expert interviewé par Space.com, expliquait que les satellites Starlink étaient déjà à l’origine d’environ 50 % des risques d’impacts en orbite terrestre basse — un chiffre qui a forcément augmenté entre temps.
En extrapolant avec des dizaines de milliers d’engins américains et chinois parqués dans cette zone, il ne s’agirait plus simplement d’un scénario abstrait, mais d’une issue quasiment inévitable. Il faudra donc absolument développer des systèmes d’évitement très sophistiqués pour éviter un scénario de type Syndrome de Kessler. Ce terme désigne une réaction en chaîne où des débris viendraient percuter d’autres satellites jusqu’à produire un immense nuage, rendant ainsi l’orbite terrestre complètement impraticable. Et les conséquences seraient terribles pour les communications, l’exploration spatiale, et ainsi de suite.
L’idéal serait donc que les opérateurs se montrent raisonnables — mais se reposer uniquement sur la bonne volonté de ces entités qui ont énormément à gagner serait assez imprudent. Il faudra donc espérer que les décideurs politiques prendront conscience du risque posé par cette dynamique avant que la situation ne devienne ingérable, et qu’ils mettent en place des mesures pour limiter le trafic en orbite terrestre basse.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.