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Cette startup veut greffer des têtes entières dans moins de dix ans

Hashem Al-Ghaili, le sulfureux “visionnaire” qui avait déjà proposé d’assurer le futur de l’humanité grâce à d’énormes fermes à bébés, veut désormais transplanter des têtes humaines d’un corps à un autre à l’aide d’un robot ultra-sophistiqué.

La chirurgie a fait des progrès immenses depuis le 19e siècle grâce à la généralisation de standards d’hygiène extrêmement stricts et de l’anesthésie, mais aussi grâce à l’arrivée de techniques et d’instruments très avancés maniés par des professionnels de plus en plus qualifiés.

Mais il reste certaines procédures que même les plus grands artistes du bistouri ou les robots les plus avancés ne peuvent toujours pas réaliser en dépit de ces perfectionnements remarquables. La greffe de cerveau ou de tête entière, par exemple, relève encore de la science-fiction… pour le moment, du moins, car une start up espère désormais changer cet état de fait.

Un concept dérangeant, mais potentiellement révolutionnaire

BrainBridge, fondée par le sulfureux biologiste et entrepreneur Hashem Al-Ghaili, prévoit d’utiliser un système de chirurgie robotique extrêmement sophistiqué pour transplanter une tête complète d’un corps à un autre. Grâce à un ensemble d’algorithmes de machine learning directement reliés aux instruments du robot, les différentes structures musculaires, circulatoires (veines et artères) et nerveuses, des petits nerfs à la moelle épinière, seraient séparées du torse donneur avant d’être reconnectées à un receveur. Pour faciliter la greffe, l’engin appliquerait également toute une gamme d’adhésifs chimiques compatibles avec la biologie humaine.

Aussi sordide soit-elle, l’intérêt théorique d’une telle procédure est assez évident. Elle pourrait permettre à des personnes atteintes de maladies ou de traumatismes extrêmes de recommencer à vivre normalement. On pense par exemple aux patients entièrement paralysés suite à des dégâts critiques de la colonne vertébrale, ou à ceux qui souffrent de maladies congénitales très handicapantes. Plus largement, ces greffes de tête pourraient aussi être pratiquées en dernier recours chez des patients qui souffrent de défaillance multiviscérale, lorsque plusieurs organes se détériorent simultanément et très rapidement.

Des expériences déjà tentées, mais jamais réussies

Ce n’est pas la première fois que cette idée émerge, loin de là ; il existe plusieurs exemples de recherches sur ce sujet à travers l’histoire. Le médecin soviétique Vladimir Demikhov est souvent considéré comme la première personne à avoir exploré l’idée. Dans les années 50, il a conduit plusieurs expériences de ce genre sur des chiens, avec des résultats très approximatifs qui font froid dans le dos.

Une vingtaine d’années plus tard, c’est l’Américain Robert White qui a fait de même sur des singes. Contrairement à Demikhov, il a réussi sa greffe ; le pauvre primate ainsi recombiné était capable de voir et d’entendre, mais était complètement paralysé et a fini par succomber quelques jours plus tard dans des circonstances atroces, quand le greffon a commencé à être rejeté.

Plus récemment, dans les années 2010, c’est le chercheur chinois Ren Xiaoping qui a retenté l’expérience sur des rongeurs. Il a affirmé avoir réussi une greffe totale de tête sur une souris. Aucune de ses expériences n’a prouvé que l’animal pouvait survivre sur le long terme, mais ses travaux ont attiré l’attention d’un autre chirurgien cette fois italien, Sergio Canavero. En 2013, il a publié un cadre méthodologique appelé HEAVEN où il décrivait un ensemble de procédures qui pourraient permettre d’atteindre cet objectif. Ces travaux ont attiré beaucoup d’attention et généré de vives réactions, certaines enthousiastes et d’autres horrifiées. À ce jour, ses idées n’ont jamais été mises en application.

Depuis, l’idée semblait avoir été plus ou moins abandonnée. Le consensus est que nous ne disposons tout simplement pas de la technologie nécessaire. En outre, beaucoup considèrent que les implications éthiques sont trop floues pour qu’une telle procédure soit justifiable.

Un habitué des concepts subversifs

Il fallait donc un grand habitué des concepts subversifs pour remettre la transplantation de tête à l’ordre du jour, et Al-Ghaili correspond parfaitement à cette définition. En effet, il n’en est pas à son coup d’essai. Si son nom vous rappelle quelque chose, c’est parce qu’il s’est illustré à travers plusieurs concepts médicaux plus exotiques et discutables les uns que les autres. En 2022, nous vous parlions par exemple d’EctoLife, une ferme à embryons dopée à l’IA censée cultiver de petits humains en quantités industrielles pour pallier le déclin de la population.

 

Même si les deux idées sont très différentes, elles présentent toutefois un point commun. A l’heure actuelle, il ne s’agit que de concepts qui sont encore très, très loin d’arriver à la phase concrète — même si Al-Ghaili déborde d’enthousiasme et qu’il espère greffer sa première tête d’ici huit ans. Un pronostic jugé assez ridicule par une bonne partie de la communauté scientifique, et ce n’est pas le charabia pseudo-médical employé dans la vidéo de présentation qui nous convaincra du contraire.

Et c’est probablement une bonne nouvelle. Car à l’heure actuelle, l’humanité n’est sans doute pas préparée à gérer tous les bouleversements éthiques qu’EctoLife et BrainBridge pourraient générer. Pas besoin de réfléchir bien longtemps pour voir poindre des scandales d’eugénisme, par exemple. Si l’on pousse l’expérience de pensée dystopique encore plus loin, on peut aussi imaginer un monde où les individus les plus fortunés pourraient se constituer une progéniture sur mesure, qui pourrait à son tour régulièrement changer de corps pour vivre éternellement en complément d’autres technologies pour inverser le processus de vieillissement. C’est d’ailleurs sur cette idée que travaille Altos, une startup de biotechnologie à 3 milliards de dollars financée par Jeff Bezos. De quoi s’interroger sur le futur de notre civilisation d’ici quelques dizaines d’années…

 

 

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