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Mon petit renne : pourquoi la série Netflix pose problème ?

Véritable carton sur Netflix, la série de Richard Gadd est aussi au cœur d’une polémique.

C’est un succès que Netflix n’avait pas anticipé. Sortie il y a maintenant plus de cinq semaines, la série Mon petit renne caracole toujours en tête des productions anglophones les plus vues du moment. Elle est bien partie pour s’inscrire au classement des plus gros hits de la plateforme américaine. Il faut dire qu’elle a profité d’un bouche-à-oreille très favorable.

Cette chronique sur l’érotomanie — une croyance délirante et obsessionnelle d’un individu persuadé qu’une célébrité ou une personne inaccessible est amoureuse de lui — retrace une histoire vraie. L’humoriste et comédien Richard Gadd s’est inspiré de sa vie pour faire éclore ce récit en sept épisodes sur Netflix. Mais si le public et la critique ont particulièrement réceptifs, Mon petit renne est aujourd’hui au cœur d’une vaste polémique. Tandis que Gadd espérait protéger les personnes qui se cachent derrière ses protagonistes fictifs, une campagne de recherches a été organisée sur les réseaux sociaux pour retrouver la “vraie Martha”.

Entre fiction et réalité

La femme qui aurait inspiré le personnage de Martha a été invitée sur le plateau de l’animateur britannique Piers Morgan la semaine dernière. Dans un long entretien, diffusé sur YouTube, elle nie les faits et qualifie la série “d’œuvre de fiction” et “d’hyperbole”. L’interprète de Donny Dunn a de son côté été forcé de prendre la parole pour demander aux spectateurs d’arrêter de spéculer sur la véritable identité des personnages. Il s’est confié, lors d’une interview accordée à The Hollywood Reporter :

“La série existe dans une sorte de monde fictif, même si c’est basé sur la vérité. Si je voulais que l’on retrouve les vraies personnes, j’en aurais fait un documentaire”.

Pour rappel, la série Netflix s’ouvre sur un écriteau “ceci est une histoire vraie” en lieu et place des traditionnels “inspiré de faits réels”. À la différence de nombreuses des productions du genre, Mon petit renne ne s’embarrasse pas de détails et appuie sur le caractère réel de son œuvre. Pourtant, l’auteur lui-même concède avoir ajouté une part de fiction. Ce choix, comme de nombreux autres opérés par la série et la plateforme, est critiqué par des professionnels de l’industrie culturelle. Le N rouge a-t-il pris ses dispositions pour protéger les personnes vulnérables dont sa série s’inspire ?

De lourdes conséquences

Cette affaire fait la lumière sur un métier de l’ombre, celui des responsables de conformité des chaînes traditionnelles. Ces services s’assurent, dans le cadre de fictions inspirées de faits réels, que certains détails soient assez maquillés pour empêcher l’identification des véritables personnes. Le scénariste de Doctor Who, Russel T Davies, compte parmi les nombreuses personnalités à s’être exprimée à ce sujet. Celui qui a une certaine expérience en matière de conformité éditoriale confiait au Times s’étonner de la manière dont Netflix avait géré ce projet. Selon lui, la BBC aurait par exemple été “beaucoup plus stricte. La conformité et la politique éditoriale nous rendent fous ici, mais je peux dormir la nuit”.

Cette question éthique a aussi été posée à Benjamin King, directeur des relations publiques de Netflix en Grande-Bretagne. Il assure que la plateforme, et la société de production Clerkenwell Films, ont pris “toutes les précautions pour dissimuler l’identité des personnes impliquées dans cette histoire. En fin de compte, il est évidemment très difficile de contrôler ce que font les spectateurs, en particulier dans un monde où tout est amplifié par les réseaux sociaux”. L’ancien producteur Richard Osman a indiqué à The Rest is Entertainement que la série serait sans doute “le patient zéro” pour Netflix. “Tout l’argent dépensé pour la conformité et le suivi, c’est juste au cas où. C’est (Mon petit renne ndlr) l’exemple classique du juste au cas où”.

Netflix a un passif

Ce n’est pas la première fois que les méthodes de Netflix en matière de “true crime” sont pointées du doigt. Tandis que l’appétit du public pour les histoires criminelles se fait plus grand, le N rouge s’est lancé dans la création d’une vaste librairie de contenus du genre. La série Dahmer avait également fait couler beaucoup d’encre à sa sortie en 2022. Le programme inspiré de la vie du tueur en série avait été critiqué par les familles des victimes, qui l’accusait de glorifier Jeffrey Dahmer. Certains regrettaient aussi de ne pas avoir été consultés, même si le créateur Ryan Murphy s’en était défendu.

Plus largement, cette “starification” de criminels pose de nombreuses questions, notamment sur la manière qu’ont souvent ses productions à invisibiliser les victimes pour se concentrer sur leurs agresseurs ou tueurs. Mon petit renne s’en sort mieux que la production américaine, la série s’attache à montrer cette histoire de harcèlement autrement que par le prisme de l’horreur. Si Mon petit renne apparaît plus nuancée que la plupart des récits du genre, la découverte de “véritable identité” de Martha reste un problème que Netflix devra prendre en considération. Rappelons que pour l’instant, rien ne permet d’affirmer que la femme invitée sur le plateau de Piers Morgan est bien celle qui a inspiré la série.

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5 commentaires
  1. Quelle série incroyable tout de même avec une mise en abyme vraiment bien réalisée. Maintenant c’est le succès qui fait le problème éventuel mais aussi (peut-être) la solution.

  2. Toujours TOUJOURS se méfier quand Piers Morgan est impliqué dans un programme. Ce type est une ordure charismatique et donc dangereuse. Mon Petit Renne est une excellente série terriblement addictive et remarquablement interprétée, comme beaucoup d’autres programmes britanniques. Si les gens derrière leurs écrans deviennent obsédés ce n’est pas la faute de l’auteur encore moins puisque l’histoire est la sienne ou très proche du cauchemar qu’il, et personne d’autre, a traversé. Les réseaux sociaux sont une calamité, raison pour laquelle je n’y suis pas. C’est une triste histoire et la véritable Martha, qui qu’elle soit, a visiblement besoin d’aide et de soutien médical. Mais que chacun assume ses responsabilités. Quand je vois que des ados amateurs de crimes sanglants servent d’experts dans l’émission CRIMES de Morandini je réagis de suite en laissant un commentaire de suite pour m’indigner de la pratique, en plus des ados dans une production Morandini… idem pour Piers Morgan partout où il passe il laisse une odeur de poubelles. Il suffit de se renseigner et que les parents fassent leur job et contrôlent et limitent l’accès de leur progéniture à des contenus ou réseaux malsains. Aujourd’hui on dirait que ce sont les grosses qui régissent la vie de famille et ça finit parfois en drame. Vous les avez voulus, les avez faits et bien maintenant assumez les et assumez leurs paroles, gestes et actions. C’est de VOTRE responsabilité.

  3. “La vraie Martha” s’est faite connaitre de son propre chef à la chaîne. Elle a menti sur un bon paquet de choses et, elle continue de mentir. Transformer leurs victimes, par le récit, en harceleurs, est un classique des érotomanes et donc c’est bien ce dont il s’agit ici aussi. La série n’a RIEN à craindre légalement car la série est soigneusement écrite de sorte à déguiser les personnes réelles. Elle n’est MÊME PAS diffamatoire car elle ne présente clairement pas Martha sous un si mauvais jour, mais montre simplement à quel point elle est malade (et le protagoniste aussi d’ailleurs). Donc il n’y a pas de raison de polémiquer et réécrire bêtement les articles américains à scandale est juste d’une tristesse…

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