Netflix n’a pas toujours eu la cote avec les adaptations d’anime. La plateforme a maladroitement tenté depuis plusieurs années de s’inspirer des figures cultes de l’animation japonaise, en livrant sa vision ratée de Death Note et Cow-boy bebop. La plateforme semble finalement avoir (un peu) appris de ses erreurs, et s’est lancé dans une spirale de succès, initiée il y a quelques mois par l’adaptation live-action de One Piece, le manga culte d’Eichiiro Oda.
Il y a quelques jours, la plateforme signait l’arrivée d’une nouvelle adaptation en prise de vue réelle, celle de City Hunter, Nicky Larson pour les intimes francophones. Après la revisite de Philippe Lacheau en 2018 à l’accent bien franchouillard, cette nouvelle adaptation du manga — la première produite en langue originale japonaise — s’impose comme un drama-comédie efficace, au point de s’emparer de la première place du classement des films Netflix les plus visionnés en France, et de détrôner le second volet de Rebel Moon, réalisé par Zack Snyder. Pourtant, si l’adaptation de Tsukasa Hojo a toutes ses chances pour s’imposer comme une référence dans le lore de City Hunter, c’est parce qu’elle réussit là où toutes les autres échouent.
Nicky Larson se met à la page
Diffusé de 1990 à 1995 dans le Club Dorothée, l’anime Nicky Larson met en scène un héros attachant et sympathique, mais complètement obsédé sexuel, incapable de résister aux personnages féminins qui l’entourent. Le ton est assumé, et se veut volontairement comique : les tentatives du détective pour arriver à ses fins aboutissent rarement, les femmes le méprisent. Pourtant, Nicky Larson est décrit comme un héros, capable de résoudre les affaires les plus alambiquées, et de sauver n’importe quelle demoiselle en détresse, pour peu que cette dernière porte des bas et des décolletés affriolants.
Les femmes sont systématiquement objectifiées, rarement présentées comme des personnages importants, et ne servent qu’à appuyer les actions “comiques” de Nicky Larson, qui tente par tous les moyens de les séduire. En 2024, en pleine ère post #Metoo, force est d’admettre que certaines scènes de l’anime original ont du mal à passer l’épreuve du temps.
C’est justement là que l’adaptation de Tsukasa Hojo brille par sa justesse. Le nouveau film de Netflix ne renie pas les origines de Nicky Larson. Au contraire, le héros est toujours aussi obsédé par les poitrines généreuses, et se plaît à séduire tout ce qui bouge. Reste que si le fond est le même, la forme se veut légèrement plus moderne. Cette fois, le héros quitte son rôle de harceleur / agresseur sexuel notoire pour devenir une figure toujours loufoque, mais cette fois attentive au consentement éclairé de ses conquêtes. C’est peut-être un détail, mais c’est cela veut dire beaucoup sur la manière dont est construit le personnage.
Comment vieillissent les séries de notre enfance ?
Derrière cette relecture de City Hunter, pas de “bien-pensance” ni de censure, mais un questionnement résolument actuel sur les héros de notre enfance, et la manière dont ces derniers peuvent continuer d’exister à l’écran. Comme beaucoup de personnages de sa génération, Nicky Larson a mal vieilli. Le filtre de nostalgie opaque qui nous pousse à regarder encore et encore la série originale n’y changera rien : en 2024, faire l’apologie de certains comportements ne passe plus. Pas question évidemment de censurer l’œuvre originale, qui s’impose comme le témoignage de son époque. En revanche, lorsqu’il est question de réadapter le manga culte, il est bon de se poser quelques questions quant à la réactualisation du personnage, plutôt que de rester dans la copie anachronique.
Loin de trahir l’œuvre originale, cette nouvelle adaptation est ce qui pouvait arriver de mieux à Nicky Larson : grâce à elle, le héros controversé s’offre enfin la seconde jeunesse qu’il méritait. Parce que oui, derrière les blagues graveleuses et le male gaze, City Hunter est un manga brillant et (vraiment) très drôle.
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