La théorie des nœuds, la branche de la topologie qui étudie les boucles fermées, est assez abstraite pour le grand public. En revanche, elle regorge d’implications pratiques dans des domaines divers et variés comme la biologie moléculaire, la chimie organique, science des matériaux, ou encore la physique des fluides. Récemment, des chercheurs lui ont trouvé une nouvelle utilité : ce cadre mathématique pourrait aider les spécialistes de l’astronautique à déterminer la meilleure route possible pour des engins.
Ce problème de navigation est absolument crucial pour le futur de l’exploration spatiale. En effet, pour envoyer une sonde vers un corps céleste lointain, il ne suffit pas de la pointer dans la bonne direction et d’appuyer sur le champignon. Il faut jongler avec les forces gravitationnelles pour trouver un moyen de les exploiter au lieu de lutter contre. La moindre manœuvre planifiée de façon approximative peut s’avérer très coûteuse en carburant et diminuer considérablement le potentiel de la mission.
Des manoeuvres difficiles à planifier
Or, la recherche des trajectoires idéales est un exercice extrêmement complexe. Cela implique de tenir compte d’un très grand nombre de paramètres orbitaux pour identifier ce qu’on appelle les connexions hétérocliniques. Il s’agit des routes optimales entre deux orbites stables, celles qui nécessitent le plus petit changement de vitesse possible (ou, plus spécifiquement, les trajectoires où le Delta-v est minimal).
Pour les identifier, les spécialistes avaient jusqu’à présent le choix entre deux solutions. La première, c’est de faire appel à l’intuition, ce qui revient à jouer aux devinettes. Cette méthode peut produire d’excellents résultats si un spécialiste a un éclair de génie. Mais elle est aussi intrinsèquement hasardeuse, et devient de moins en moins abordable quand la complexité du problème augmente. L’autre approche consiste à se reposer sur des ordinateurs puissants pour identifier des trajectoires prometteuses par force brute. Mais cette façon de procéder est peu efficiente et souvent très chronophage.
Une « carte de métro de l’espace »
Danny Owen, physicien au Surrey Space Center, pense avoir trouvé le compromis idéal. Avec son collègue Nicola Baresi ont constaté que d’un point de vue topologique (l’étude des formes et des espaces), les orbites peuvent être considérées comme des boucles fermées dans certaines conditions, et qu’il est donc possible de les décrire grâce aux concepts mathématiques qui constituent la théorie des nœuds.
En s’appuyant sur les particularités topologiques des espaces qui contiennent ce genre d’orbites, Owen et Baresi ont développé une nouvelle technique qui « révèle clairement toutes les routes possibles qu’un vaisseau spatial peut emprunter pour se rendre d’un point A à un point B ». « Cela rend la planification des missions beaucoup plus simple. On peut le voir comme une sorte de carte de métro de l’espace », explique-t-il à Phys.org.
Et apparemment, cette méthode fonctionne remarquablement bien. Les deux compères ont testé leur technique sur différents systèmes planétaires impliquant la Terre, la Lune, ou encore les lunes galiléennes de Jupiter. Et à chaque fois, ils ont réussi à obtenir des trajectoires extrêmement efficientes.
C’est une très bonne nouvelle, car il se trouve que la NASA et l’ESA sont justement en train de préparer des missions d’exploration des lunes de Jupiter et de Saturne. Une fois que les agences seront fixées sur le design des sondes en question, ils pourront donc utiliser cette approche pour les expédier sur place en utilisant un minimum de carburant. Une fois arrivées à destination, elles auront donc davantage de ressources à disposition pour se repositionner afin de multiplier les angles d’observation. En d’autres termes, leur rendement scientifique potentiel sera donc plus important.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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