Ce jeudi 25 avril 2024, alors qu’il donnait un discours sur l’avenir de l’Europe à la Sorbonne, le président de la République Emmanuel Macron a remis sur la table la question de la majorité numérique. Il a également appelé à intensifier le contrôle sur les contenus en ligne et à protéger la jeunesse des contenus dangereux. Un projet difficile à contredire tant il coule de sens. Pour autant, son application est loin d’être simple. Au point que certains élus appellent plutôt à entamer une réflexion globale sur nos usages du web en Europe.
Une “question de survie”
Parmi les combats qui tenaient à cœur à Emmanuel Macron durant son second mandat, celui du web tient bonne place. Après avoir comparé l’espace numérique à une “jungle” pour les jeunes, il estimait il y a peu que la lutte contre le cyberharcèlement, la pédocriminalité et le revenge porn — entre autres sujets brûlants — était devenue une véritable “question de survie“. Il faut dire que les adolescents sont de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes à accéder aux réseaux sociaux : en 2021 rapporte la CNIL, près de deux tiers des moins de 13 ans avaient déjà enregistré un compte sur les réseaux sociaux. En 2022 selon l’Arcom, 2,3 millions de mineurs auraient consulté un site pour adulte, avec une moyenne d’âge estimée à 11 ans pour le visionnage d’un premier film pornographique.
En 2023, le gouvernement avait pris le problème à bras-le-corps, en promulguant, le 7 juillet 2023, une loi imposant aux réseaux sociaux de refuser l’inscription aux enfants de moins de 15 ans, sauf si un des parents donne son accord. En plus de cette majorité numérique, les plateformes auraient également été contraintes d’exiger certaines restrictions aux comptes de mineurs, avec des outils destinés aux parents, comme la possibilité pour un représentant légal de contrôler le temps d’écran de sa progéniture, ou encore de demander la suspension de son compte.
Pourquoi la majorité numérique est déjà compromise ?
Si la France estime que la majorité numérique est une étape nécessaire vers la sécurité des jeunes en ligne, “le processus sera long“, estime déjà Olivia Tambou, maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, spécialiste de droit de l’Union européenne et de droit numérique au micro de Public Sénat. Plus complexe encore, tous les États membres accusent des politiques et des pratiques différentes en matière de numérique, ce qui risque de compromettre l’application concrète d’une réglementation commune.
Ainsi, l’âge de cette entrée dans la majorité numérique est déjà loin de faire consensus. L’article 8 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit que “le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l’enfant est âgé d’au moins 16 ans“, mais laisse aux États concernés la possibilité de prévoir un âge compris entre 13 et 16 ans. Ainsi, la France a choisi une majorité à 15 ans, tandis que l’Allemagne et les Pays-Bas ont plutôt misé sur 16 ans. La Belgique et plusieurs autres pays nordiques ont quant à eux opté pour 13 ans.
L’impossible vérification
Comme avec la vérification de l’âge sur les sites pornographique, la vérification de l’âge sur les réseaux sociaux s’annonce difficile, voir complètement impossible, sous peine de contrevenir aux principes fondamentaux de liberté en ligne. D’autant plus que si la France semble plutôt favorable à l’application d’un tel projet, la Commission européenne veille au grain.
Pour la sénatrice de Seine-Maritime Catherine Morin-Desailly (Union centriste), l’arrivée d’une potentielle majorité numérique doit s’accompagner d’un accompagnement plus global : “Il faut regarder comment créer des habitudes de moindre dépendance dès le plus jeune âge, s’occuper de la question de la surexposition. Et par la suite, vérifier que les dispositifs de formation à l’école fonctionnent bien, et se pencher sur la montée en compétences numériques de tous, notamment les parents“. Parmi les solutions proposées, le Digital Service Act voté en 2022 pourrait voir son champ d’action renforcé.
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