En Allemagne, des dizaines de milliers de livres ont été retirés des rayonnages des bibliothèques universitaires ces dernières semaines. Ces manuscrits, écrits au XIXe siècle, sont contaminés à l’arsenic, un pigment minéral volatil particulièrement toxique. Aux États-Unis aussi, un grand ménage est en cours depuis quelques années. En 2019, deux restauratrices américaines lancent le Poison Book Project, une liste (non exhaustive) qui vise à cataloguer les ouvrages contaminés à l’échelle internationale.
En France pourtant, rien ne bouge. Jusqu’à il y a peu, la BnF réfute toute contamination de ses livres. Pourtant, en croisant les références et en analysant certains ouvrages au spectromètre, le collectionneur Julien Navas découvre “plus d’une dizaine de livres” issus du Poison Book Project à la BnF, ainsi que plusieurs autres ne figurant pas sur la liste, mais dont la contamination à l’arsenic ne laisse aucun doute. Ce passionné jamais à court d’histoire folle avait déjà fait parler de lui il y a deux ans, pour avoir fondu une bague de fiançailles à partir de 10 kg de processeurs. En début d’année, il trouvait un diamant rarissime dans un parc américain. Cette fois, il tire la sonnette d’alarme.
Collectionneur de livres empoisonnés, Julien Navas a pris l’habitude de consulter les ouvrages contaminés à l’arsenic de la BnF. “Non seulement ils sont consultables sur place, mais en plus aucune précaution particulière n’est prise“, alerte-t-il. Au fil de ses recherches, il détaille comment, et sans la moindre prévention de la part de la bibliothèque, il a pu entrer en contact avec des livres empoisonnés. Plus troublant encore : si le collectionneur averti prenait soin d’emporter sa propre paire de gants pour éviter une contamination prolongée, les employés de la BnF quant à eux, les manipulaient à mains nues, contaminant au passage l’air ambiant et les livres environnants.
Un pigment hautement toxique
Au début du XIXe siècle, on voit apparaître en Europe un grand nombre d’ouvrages à la couverture vert émeraude. Cette couleur, particulièrement éclatante, provient d’un pigment appelé “vert de Paris“, ou encore “vert de Schweinfurt“, très utilisé à l’époque. Seul problème, il est particulièrement toxique, car fabriqué à partir d’arsenic. S’il n’est plus utilisé depuis la fin du XIXe siècle à cause de sa toxicité — découverte notamment en Angleterre après de nombreux cas d’intoxication via des papiers peints — le pigment continue d’être présent dans bon nombre d’ouvrages, qui restent disponibles en libre accès.
Au-delà de sa toxicité, l’arsenic est considéré comme un poison éternel : ses pigments minéraux ne disparaissent pas avec le temps, et se contentent de flotter un peu plus dans l’air à chaque fois que le livre est manipulé, sans jamais s’estomper. Un danger sanitaire non seulement pour les employés de la BnF, mais aussi pour les visiteurs qui consultent chaque année des ouvrages anciens, et qui visitent les expositions temporaires.
La France n’est pas épargnée
Contrairement à ce qu’affirme la BnF “il y a plus d’une dizaine de livres appartenant au Poison Book Project” dans l’enceinte de la bibliothèque. Beaucoup d’autres absents de la liste restent cependant accessibles, et Julien Navas estime à plusieurs dizaines — voire centaines — les références empoisonnées. Sachant que l’Allemagne et les États-Unis estiment à 3% le nombre de livres contaminés à l’arsenic parmi les manuscrits datant du XIXe siècle, il paraît peu probable que la BnF, et plus généralement la France, soient aussi peu concernées par le phénomène. Officiellement, la BnF a depuis quelques mois, opéré une timide opération de contrôle. Certains ouvrages ont été retirés de la consultation pour analyse, mais seulement quatre ont été reconnus contaminés. Ils seront prochainement numérisés, afin de permettre aux curieux de consulter les livres directement en ligne.
En plus de la BnF, plusieurs universités sont concernées. Sans compter les musées, les bibliothèques privées et celles appartenant à des particuliers, qui n’ont fait l’objet d’aucune vérification particulière.
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d’ici là, on va apprendre qu’un fou à volontairement contaminer des livres comme dans ”le nom de la rose”.
mais hormis dans les biblio, des livres contaminés y’en a plein les villes, rien que dans les boites à livres en libre service c’est la foire aux bactéries et virus. pendant le covid elles se sont même multipliées, un non-sens.