Dans la soirée du 15 avril, la NASA a enfin donné des nouvelles de Mars Sample Return, cette mission très ambitieuse qui a pour objectif de récupérer les précieux échantillons du rover martien Perseverance. Ces derniers mois, il s’est transformé en véritable casse-tête financier, à tel point que l’on pouvait légitimement commencer à s’inquiéter pour l’avenir de la mission. Bill Nelson, le grand patron de l’agence, et Nixi Foxx, l’administratrice de la division scientifique, sont donc venus remettre les points sur les i : voici ce qu’il faut retenir de cette conférence.
Les deux responsables ont commencé par rebondir sur les conclusions de la commission d’enquête indépendante qui a rendu son rapport en septembre 2023. Ce dernier était particulièrement sévère, notamment sur le budget et le calendrier jugés totalement irréalistes. « Il n’y a actuellement aucun calendrier, aucun planning technique ou budgétaire crédible et cohérent qui peut être réalisé avec le financement annoncé », avaient conclu les investigateurs.
Un calendrier et un budget « inacceptables »
Difficile de leur donner tort. En effet, le budget initial de 4 milliards de dollars a complètement explosé, et atteint désormais les… 11 milliards, soit près de trois fois la somme initiale. Une situation qualifiée d’ « inacceptable » par Bill Nelson, car la NASA ne roule pas sur l’or en ce moment. Le budget scientifique de l’agence a été significativement amputé par le Congrès cette année, et dans ce contexte, une telle dépense forcerait la NASA à cannibaliser d’autres programmes très importants.
Nelson a notamment cité le Dragonfly, un incroyable projet de drone nucléaire qui devrait partir explorer Titan à l’horizon 2028. Il a aussi mentionné le chasseur d’astéroïdes NEO Surveyor, ou encore les sondes Veritas et DaVinci qui doivent partir à la conquête de Venus d’ici quelques années.
L’autre point de friction se situe au niveau du calendrier. La commission d’enquête a déterminé que l’architecture actuelle du programme, supervisé par le légendaire Jet Propulsion Lab, ne permettrait pas de récupérer les échantillons martiens avant… 2040. Un délai là encore jugé « inacceptable » par Nelson. En effet, c’est lors de cette décennie que la NASA projette d’envoyer des astronautes sur place pour la première fois. Or, il faudrait impérativement que les échantillons soient rentrés au bercail avant cette échéance, car ils joueront un rôle central dans le processus de sélection qui permettra de déterminer le site le plus intéressant pour les premiers pas d’un humain sur la Planète rouge.
Autant dire que l’ambiance n’est pas à la fête du côté de l’agence spatiale. Mais heureusement, Nelson et Fox ont insisté sur le fait qu’il n’était absolument pas question de renoncer à la mission. En plus de la somme déjà investie, les enjeux scientifiques sont bien trop importants. « Nous restons déterminés à récupérer ces échantillons, au moins en partie », a martelé Nelson. « Cela reste une priorité majeure pour notre agence », a renchéri Fox dans la foulée.
Une architecture révisée de fond en comble
Par conséquent, la NASA a pris la décision de trancher dans le vif. Cela commence par une décision marquante : désormais, le JPL n’aura plus la responsabilité exclusive du programme. Car malgré sa réputation et ses états de services remarquables, il est incontestable que son programme actuel est voué à l’échec. Au lieu de se reposer entièrement sur le prestigieux laboratoire, la NASA va donc le mettre en concurrence avec d’autres acteurs.
Aujourd’hui, l’agence a émis un appel pour trouver d’autres partenaires susceptibles de contribuer au programme, aussi bien parmi les autres laboratoires de la NASA que dans le privé. Toutes les institutions intéressées auront quelques mois pour proposer des architectures alternatives, capables de se substituer à l’approche actuelle. « Nous ouvrons le programme à tout le monde, parce que nous voulons pouvoir récolter autant de nouvelles idées que possible », a déclaré Bill Nelson.
Toutes ces propositions devront répondre à deux critères prioritaires. Pour commencer, il faudra faire de grosses économies. Bill Nelson explique que pour éviter de phagocyter le reste du portfolio scientifique, la facture devra impérativement se situer entre 5 et 7 milliards de dollars. Une fourchette toujours très importante dans l’absolu, mais déjà beaucoup plus raisonnable. En parallèle, il faudra aussi trouver un moyen de récupérer les échantillons de Perseverance sur la prochaine décennie, avant la date butoir de 2040. Cela permettra aux futurs astronautes martiens d’explorer d’autres zones que le Cratère de Jezero où évolue le rover, pour éviter toute redondance et maximiser le potentiel scientifique de la mission.
Un ensemble de contraintes avec lesquelles il va être très difficile de jongler. Pour y parvenir, la NASA a demandé à ses futurs partenaires de miser sur la sobriété. Pas question de proposer de nouveaux engins révolutionnaires dont le développement pourrait traîner pendant des années et générer de nouveaux surcoûts susceptibles de mettre la mission en péril. À la place, la NASA souhaite que les participants s’appuient sur des technologies qui ont déjà fait leurs preuves par le passé. Cela permettra de faire en sorte que la mission repose sur des bases solides tout en limitant les risques, le coût et la complexité de l’initiative.
Un verdict final en fin d’année
On peut s’attendre à ce que des entreprises comme SpaceX et Blue Origin manifestent un certain intérêt – mais à l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour faire le moindre pronostic sur l’identité des institutions qui vont répondre à cet appel. Pour y voir plus clair, il faudra patienter au moins jusqu’au 17 mai, date à laquelle les participants devront rendre leurs premières ébauches de projet. À partir de là, la NASA va étudier chaque proposition en profondeur et en affiner les détails techniques pendant plusieurs mois. Elle sélectionnera ensuite les propositions les plus pertinentes avant de rendre son verdict final à la fin de l’automne.
Toute la question, c’est de savoir si ces efforts suffiront à sauver cette mission cruciale qui commence à tourner au fiasco. Car en dépit de cette nouvelle initiative, le succès est encore loin d’être garanti. Interrogé sur un éventuel plan B dans le cas où aucune des propositions n’apporterait satisfaction, Bill Nelson a d’ailleurs élégamment esquivé la question. « Quand nos centres mettent du cœur à l’ouvrage, ils peuvent tout faire. J’ai confiance… mais nous verrons ce qu’il en sera à l’automne », a-t-il prudemment annoncé.
Nous vous donnons donc rendez-vous le mois prochain, puis à la fin de l’année pour découvrir le nouveau visage de la mission Mars Sample Return ; en attendant, il ne reste qu’à croiser les doigts pour que les volontaires réussissent à sauver cette mission incroyablement importante pour le futur des sciences martiennes.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
Elon Musk va y aller en personne, pas besoin de robot pour collecter les échantillons répartis sur seulement une à deux journées de marche.
On réduit sensiblement le prix en mettant un humain polyvalent aux commandes.