La physique fondamentale est en deuil cette semaine. Peter Higgs, le génial théoricien qui a prédit l’existence du boson qui porte aujourd’hui son nom, est mort ce lundi à l’âge de 94 ans, a annoncé l’Université d’Édimbourg. Il laisse derrière lui un héritage scientifique très important, à travers lequel il a notamment contribué à révolutionner la physique des particules.
Son fait d’armes le plus important remonte à 1964, alors qu’il n’était encore qu’un modeste professeur assistant à l’Université d’Édimbourg. À l’époque, il cherchait à percer les mystères de l’interaction forte, une des quatre forces fondamentales de la nature – celle qui donne leur cohésion aux noyaux des atomes. D’après les modèles de l’époque, les particules qui incarnent cette force, les bosons, devraient être totalement dénuées de masse. Or, cette idée était en apparence incohérente avec les lois de la physique quantique.
Une idée qui a transformé la physique
Pour combler cette lacune, Higgs a proposé que l’Univers était parcouru par un champ d’énergie invisible, aujourd’hui appelé champ de Higgs, capable d’imposer une sorte de résistance aux particules qui le traversent – un peu comme un humain qui tenterait d’avancer dans un bassin de liquide visqueux. C’est cette interaction qui donnerait leur masse aux particules. Et surtout, il a suggéré que des fractions de ce champ pourraient se matérialiser sous la forme d’un nouvel objet qui permet aux autres particules d’interagir avec ce champ pour obtenir cette masse : le désormais célèbre boson de Higgs.
L’idée, particulièrement exotique à l’époque, a d’abord été rejetée par les relecteurs de son premier papier. Mais tout a changé à partir de 1967 avec les travaux de Steven Weinberg. Ce dernier a montré que deux autres forces fondamentales de la nature, l’interaction faible et la force électromagnétique pouvaient être décrites comme deux aspects d’une même force : l’interaction électrofaible.
Dans ce nouveau cadre, le boson de Higgs a recommencé à attirer énormément d’attention, et de nombreux chercheurs se sont lancés à sa poursuite. La consécration est arrivée presque un demi-siècle plus tard avec la construction du Large Hadron Collider (LHC). Cet engin, qui reste à ce jour l’accélérateur de particules le plus puissant de la planète, a validé son intuition en annonçant la confirmation expérimentale du fameux boson le 4 juin 2012.
Une expérience historique qui a permis de combler un trou béant dans le modèle standard de la physique des particules. À peine un an plus tard – un délai exceptionnellement court dans ce contexte – , il a immédiatement été nominé pour le Prix Nobel de Physique qu’il a remporté haut la main et sans la moindre surprise aux côtés du Belge François Englert.
Aujourd’hui, ce boson est considéré comme une pièce centrale du grand puzzle de l’univers, à tel point qu’il est parfois surnommé “particule de Dieu“. Même si les physiciens n’apprécient généralement pas ce terme, il illustre bien le fait que cet objet fait aujourd’hui partie des clés de voûte de la physique fondamentale moderne.
Un visionnaire humble et discret
Le physicien, de son côté, est devenu une superstar de sa discipline. Un statut qu’il n’appréciait guère, à tel point qu’il a fui la célébrité de la même façon que son boson a fui les chercheurs pendant des décennies. Il était en effet connu pour sa pudeur extrême et son humilité à toute épreuve (il a même refusé d’être anobli en 1999). Une personnalité qui a profondément marqué ses collaborateurs, presque autant que son oeuvre scientifique colossale.
“C’était un homme discret et modeste”, renchérit Joel Goldstein, un professeur de l’université de Bristol cité par l’Associated Press. “ Il n’a jamais été à l’aise avec la notoriété qu’il a acquise, même si l’entièreté de la physique des particules moderne repose sur son travail”.
“Peter était une personne très touchante. Doux, chaleureux, toujours très intéressé par ce que les autres avaient à dire… ouvert, intéressant et intéressé. Une part importante de l’histoire et des succès du CERN sont liés à lui. Je suis très attristée, et il va énormément nous manquer“, se remémore Fabiola Gianotti, la directrice générale du CERN citée par la même source.
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