Des chercheurs de la prestigieuse université d’Harvard ont récemment présenté un tout nouveau matériau fascinant et potentiellement révolutionnaire : un « métafluide » qui peut être programmé pour en modifier les propriétés.
Ce liquide appartient à la famille des métamatériaux. Ce terme désigne une classe de substances artificielles très particulières. En général, les propriétés d’un matériau (dureté, conductivité…) dépendent surtout de sa composition. Les métamatériaux, en revanche, dérogent à cette règle, car les types d’atomes et de molécules qui les composent ne jouent qu’un rôle assez limité ; ils tirent surtout leurs propriétés de leur structure.
Cette particularité vient du fait qu’ils sont composés d’un grand nombre de particules microscopiques dont la taille, la forme et la disposition peuvent être manipulées par divers moyens, et notamment par l’intermédiaire d’ondes acoustiques ou électromagnétiques.
Cette polyvalence a permis aux métamatériaux de s’imposer dans de nombreuses disciplines sur les dernières décennies. Aujourd’hui, ils occupent par exemple une place importante dans la création de systèmes de pointe dans des domaines comme l’optique ou les télécommunications.
Un fluide aux propriétés variables
Mais aussi intéressants soient-ils, la plupart de ces métamatériaux souffrent aussi d’une limite significative : à quelques exceptions près, ils sont tous solides. Or, la plupart des chercheurs en sciences des matériaux s’accordent à dire que pour exploiter tout le potentiel de ces substances, il faudrait réussir à créer des métamatériaux liquides — et c’est précisément ce que l’équipe d’Harvard a réussi à faire avec son métafluide.
« Contrairement aux métamatériaux solides, les métafluides ont la capacité de s’écouler et de s’adapter à la forme de leur contenant. Notre objectif était de créer un métafluide qui possède non seulement ces attributs remarquables, mais qui offre également une façon de programmer sa viscosité, sa compressibilité et ses propriétés optiques », expliquent les auteurs de l’étude dans un communiqué.
Pour arriver à ce résultat, ils sont partis d’une huile de silicium dans laquelle ils ont suspendu des centaines de milliers de minuscules capsules d’élastomère sphériques remplies d’air qui peuvent se déformer à loisir, et de façon entièrement réversible. Lorsque la pression dans le liquide augmente, la capsule s’effondre sur elle-même et adopte une forme qui ressemble vaguement à celle d’une lentille — et vice versa lorsque la pression remonte.
À notre échelle, cette transition change complètement les propriétés du liquide, à commencer par son opacité. Lorsque les capsules sont rondes, elles diffusent fortement la lumière, ce qui rend le liquide quasiment opaque. Mais après avoir changé de forme, elles concentrent ces rayons, rendant ainsi le liquide transparent. Et pour couronner le tout, en ajustant la taille, l’épaisseur et la concentration des capsules, on peut facilement arriver à des tas de combinaisons différentes.
Un « liquide intelligent »
Encore plus intéressant : la transformation influe aussi sur la viscosité. Lorsque les capsules sont rondes, le métafluide se comporte comme un liquide tout ce qu’il y a de plus classique. En revanche, dans l’autre configuration, il présente des propriétés que l’on associe généralement aux fluides dits complexes, ou non newtoniens ; leur viscosité augmente avec l’intensité des forces qui s’exercent dessus, jusqu’à devenir presque complètement solide. Un peu comme un bol rempli d’eau et de fécule de maïs, on peut facilement y immerger sa main avec la main à condition d’y aller doucement. En revanche, vous pourriez donc piquer un sprint sur un bassin rempli de fluide complexe sans vous y enfoncer.
Pour montrer l’intérêt de leur concept, les chercheurs ont conçu une expérience basée sur un bras robotique hydraulique rempli de ce métafluide. L’objectif était de réussir à saisir trois objets très différents — une bouteille en verre assez lourde, un œuf et une myrtille — avec le même appareil.
Il existe déjà des systèmes suffisamment versatiles pour y parvenir, mais seulement s’ils sont équipés de capteurs spécifiques pour ajuster la pression exercée sur la cible en temps réel. Or, ici, pas besoin de capteur ; d’après le communiqué, c’est le liquide lui-même qui répond directement à la pression, et change de propriétés en fonction de la force appliquée par le bras robotique. Pour cette raison, les chercheurs qualifient leur métafluide de « liquide intelligent ».
La démonstration prouve qu’il pourrait servir dans des systèmes hydrauliques polyvalents, mais à terme, des tas d’autres applications vont sans doute émerger dans des domaines comme l’optique. Il sera très intéressant de voir dans quels domaines ce genre de matériau sera utilisé à l’avenir.
Le texte de l’étude est disponible ici.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
en clair, ils viennent d’inventer le ”sang” qui sera contenu dans les muscles des robots, un fluide d’avenir !