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Après l’ESA, la NASA s’attaque aussi au problème du temps sur la Lune

Les deux agences veulent établir un standard de temps universel pour notre satellite, et vont donc devoir se concerter pour éviter de se marcher sur les pieds.

Selon Reuters, la Maison-Blanche a confié une nouvelle mission à la NASA ce 2 avril : l’agence spatiale américaine est désormais chargée d’établir un standard de temps unifié pour la Lune, afin que la conquête de la Lune et des autres corps célestes se déroule dans les meilleures conditions possibles. À première vue, cette démarche pourrait sembler futile ; après tout, on peut simplement se baser sur l’heure terrestre, n’est-ce pas ? Et bien… c’est un peu plus compliqué que cela.

En sciences spatiales, le fait de pouvoir mesurer le temps avec une grande précision est absolument vital, car tous les systèmes de navigation modernes reposent entièrement sur ces données. Pour déterminer leur position exacte à un instant T, les véhicules spatiaux se basent essentiellement sur le temps de trajet des signaux qu’ils échangent avec les systèmes basés sur Terre. Pour éviter une catastrophe, ces calculs doivent donc être extrêmement précis. On se retrouve donc face à un problème, car coordonner toutes ces technologies à la perfection est plus compliqué qu’il n’y paraît.

Le premier élément gênant, c’est que les différents systèmes de navigation comme le GPS américain ou la constellation Gallileo européenne ne se basent pas sur les mêmes standards. Ils répondent à des normes différentes, et les temps de traitement de ces signaux peuvent varier d’un système à l’autre. Problématique lorsqu’on travaille avec des marges d’erreur aussi réduites. Heureusement, il existe des systèmes de conversion et de synchronisation qui permettent de maintenir une précision satisfaisante. Mais ce n’est que le premier élément perturbateur ; pour rester parfaitement à l’heure dans l’espace, il faut aussi se débattre avec… la relativité d’Einstein.

Un problème de temps et d’espace

Parmi la ribambelle d’implications de cette théorie, il y en a une qui est particulièrement importante dans ce contexte : l’espace et le temps sont deux notions intimement liées. Il existe notamment une relation mathématique selon laquelle le temps passe plus lentement pour les objets en cours d’accélération. Et c’est là que le problème devient plus épineux.

En effet, la Terre est nettement plus massive que la Lune, et elle génère donc une force gravitationnelle plus importante. Or, la gravité peut être décrite comme une accélération constante vers le centre de masse d’un objet : par conséquent, le temps s’écoule plus rapidement sur notre satellite ! Un concept pas franchement intuitif, puisque si vous étiez vous-même présent sur place, vous ne ressentiriez aucune différence. Mais pour un observateur neutre situé sur Terre, en dehors de ce référentiel, le temps passe effectivement “plus vite” sur la Lune.

Lune Relativité
© Journal du Geek – MidjourneyAI

Cet écart varie légèrement en fonction de l’endroit exact de la mesure, puisque le champ gravitationnel n’est pas parfaitement uniforme. Mais dans l’absolu, il est assez minuscule, avec une moyenne de 56 microsecondes — environ 50 fois plus court qu’un battement de cil — par jour. Cela peut sembler négligeable, mais c’est tout de même assez significatif pour impacter les systèmes de navigation. Pour éviter le problème, il n’y a qu’une seule solution : établir un nouveau temps de référence spécifiquement taillé pour la Lune.

L’agence spatiale européenne, de son côté, a déjà lancé le processus en mars 2023. À l’époque, les responsables du projet avaient donné quelques exemples qui montrent que le processus sera plutôt complexe, à cause d’un ensemble de questions qui n’ont pas encore de réponse évidente. Certaines sont essentiellement techniques. Par exemple, décréter un standard arbitraire ne suffira pas ; il faudra déterminer dans quelle mesure ce temps lunaire doit être synchronisé avec la rotation de la Terre. Une décision simple en apparence, mais qui cache en fait de nombreuses couches de complexité à cause du problème de relativité mentionné ci-dessus.

L’autre volet du processus est plutôt réglementaire et administratif. Il faudra notamment déterminer qui sera le garant de cette nouvelle norme. Faut-il confier cette responsabilité à une seule institution, ou la partager entre plusieurs organisations ?

Un point de friction entre agences spatiales ?

Cette question devra faire l’objet de longues discussions — mais pour l’heure, les différents acteurs n’ont pas l’air de s’être concertés. Dans son annonce de 2023, l’ESA ne mentionnait pas spécifiquement la NASA. Et en parallèle, l’agence européenne est totalement absente de la dépêche de Reuters qui présente l’initiative jumelle de son homologue américaine. Or, l’Oncle Sam semble bien décidé à prendre la tête de l’initiative, même si l’ESA a lancé le processus un an plus tôt.

Le leadership américain dans la définition d’un standard applicable, avec un degré de précision et de solidité compatible avec les opérations dans l’environnement difficile de la Lune, bénéficiera à toutes les puissances spatiales“, a déclaré le bureau de régulation des sciences et des technologies de la Maison-Blanche.

Se dirige-t-on vers un carambolage réglementaire, avec deux organisations qui tentent chacune de leur côté d’établir un standard “universel” ? Difficile à dire en l’état, puisque ni l’ESA ni la NASA n’ont été particulièrement bavardes sur ces initiatives pour le moment. Mais il semble improbable que cette situation finisse par générer des frictions. Car jusqu’à présent, les deux agences ont toujours maintenu une coopération active sur ce genre de thématique. Par exemple, l’ESA et la NASA travaillent chacune sur un programme qui vise à déployer tout un réseau de communication et de navigation autour de la Lune — Moonlight pour l’Europe, et le LunaNet pour les États-Unis.

Or, les deux camps ont déjà annoncé leur intention de baser ces deux systèmes sur un standard de temps commun afin de maximiser les possibilités de coopération. Cela implique que tôt ou tard, les deux agences vont vraisemblablement entamer des négociations en bonne et due forme. Il conviendra de suivre le processus très intéressant au niveau technique, et qui pourrait même revêtir une petite dimension politique.

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Source : Reuters

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