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Entre la Chine et les États-Unis, la guerre des puces est déclarée

En réponse au CHIPS Act, la Chine a décidé d’interdire l’usage des CPU Intel et AMD dans les ordinateurs et les serveurs de ses fonctionnaires. Et ce n’est peut-être que le début.

D’après le Financial Times, la Chine a mis en place une série de nouvelles régulations qui visent à interdire l’usage de processeurs AMD et Intel dans les ordinateurs et les serveurs du gouvernement. Cette mesure bloque aussi l’usage du système d’exploitation Windows et d’un certain nombre d’autres services occidentaux.

Cette nouvelle réglementation, présentée en décembre 2023 et implémentée discrètement ces dernières semaines, vise à favoriser des alternatives domestiques jugées « sûres et fiables ». Il s’agit évidemment de puces d’origine chinoise produites par des entreprises comme Huawei ou SMIC.

Le premier objectif de cette mesure, c’est de favoriser le développement de l’industrie chinoise du hardware. Cette dernière a longtemps été moquée par le bloc occidental, car les puces produites par les fondeurs locaux étaient traditionnellement très en retard par rapport à celles des géants américains comme Intel et AMD. Mais depuis quelques années, cette industrie a entamé une grande transformation. Ses chefs de file, comme SMIC, affichent des progrès assez impressionnants (voir ci-dessous). Et le gouvernement veut sans doute mettre toutes les chances de son côté pour alimenter cette bonne dynamique.

Un pied de nez à l’Oncle Sam

Au-delà du côté purement technologique, il existe aussi une seconde lecture beaucoup plus politique de la situation. Pour rappel, à l’été 2022, les États-Unis ont signé le CHIPS Act, une loi à 280 milliards de dollars conçue spécifiquement pour « contrer » l’influence technologique de la Chine, notamment dans le domaine des semi-conducteurs. C’est un secteur exceptionnellement important au niveau stratégique que l’Oncle Sam a historiquement dominé de la tête et des épaules ; mais la vigueur actuelle de l’industrie chinoise a poussé le gouvernement américain à agir pour conserver sa supériorité.

Avec le CHIPS Act, il espérait sans doute mettre un grand coup de massue sur la tech chinoise… mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Car en réponse, la Chine a énormément investi dans le développement de ses propres puces. Résultat : au lieu de s’enliser, son industrie a été propulsée dans un nouvel âge d’or. Même s’il est encore trop tôt pour parler de vrai dépassement, le meilleur ennemi des États-Unis dispose désormais d’un écosystème relativement mature. Et surtout, il a considérablement réduit sa dépendance au matériel américain et européen, et peut donc continuer d’avancer en dépit des sanctions occidentales qui étaient censées le paralyser.

L’industrie américaine, victime collatérale du CHIPS Act ?

Comble de l’ironie, ce sont même les champions américains qui pourraient faire les frais de cette situation. D’après le Financial Times, en 2023, Intel réalisait encore 27 % de ses bénéfices sur le marché chinois. Même constat chez AMD, où la Chine représente environ 15 % des ventes totales. Dans l’immédiat, ces chiffres ne devraient pas plonger de façon dramatique. Mais cela pourrait changer si la Chine décidait d’implémenter des mesures encore plus agressives à l’avenir.

Si son industrie des semiconducteurs continue de progresser au rythme actuel, le pays de Xi Jinping pourrait vite se retrouver dans une position où il pourra se permettre de bannir purement et simplement les puces occidentales, auquel cas les retombées économiques seraient largement plus importantes.

Ce scénario reste encore largement hypothétique en l’état actuel des choses. Mais plus le temps passe, plus il semble que les États-Unis se soient tiré une balle dans le pied avec le CHIPS Act. Il conviendra donc d’observer attentivement l’évolution de cette dynamique sur les prochaines années, car elle pourrait avoir des retombées de plus en plus importantes au niveau géopolitique.

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