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Le roi des supercalculateurs trouve la recette d’un « super-diamant »

Frontier, le supercalculateur le plus puissant du monde, a permis à des chercheurs américains et suédois d’ouvrir la voie à un maillage de carbone encore plus résistant que le diamant.

Jusqu’à preuve du contraire, le diamant reste le matériau naturel stable le plus dur qui soit. Grâce à son maillage parfaitement organisé où chaque atome de carbone se lie à quatre de ses voisins, il est incroyablement résistant à la compression. La théorie suggère toutefois qu’il serait possible de produire des minéraux à la dureté encore plus importante. Personne n’y est arrivé pour le moment, mais des chercheurs ont fait un grand pas dans cette direction grâce au supercalculateur le plus puissant de la planète.

Une théorie suggère que dans un environnement riche en carbone pur, des conditions de pression et de température extrême pourraient conduire à l’émergence d’une sorte de « super-diamant ». Ce minéral hypothétique serait basé sur une structure appelée BC8, où chaque atome est lié à 8 de ses voisins. En forçant des atomes de carbone à adopter cette configuration, les chercheurs considèrent qu’il serait possible de créer un matériau 30 % plus résistant à la compression que le diamant naturel.

Carbone Bc8
Une simulation de la structure BC8 du carbone. © Artem R Oganov

« La structure BC8 maintient une forme tétraédrique parfaite, mais sans les plans de clivage que l’on trouve dans la structure des diamants », explique Jon Eggert, physicien et co-auteur de ces travaux. « Dans des conditions ambiantes, la phase BC8 du carbone serait probablement bien plus résistante que le diamant », précise-t-il.

Le problème, c’est que cette structure n’a été observée que dans deux matériaux : le silicium et le germanium. Mais jusqu’à présent, toutes les tentatives d’arriver au même résultat avec des atomes de carbone ont échoué.

Le roi des supercalculateurs à la rescousse

Eggert et ses collègues ont donc fait appel au souverain incontesté de l’informatique haute performance, à savoir le tout-puissant Frontier de l’Oak Ridge National Laboratory. Ce véritable monstre trône au sommet du Top 500, le classement de référence dans le domaine de l’informatique haute performance, depuis juin 2022 — une éternité dans ce domaine. C’était le tout premier engin à passer la barre mythique de l’exaflops, soit un milliard de milliards d’opérations par seconde. Et à ce jour, il n’y a qu’un seul autre supercalculateur public, Aurora, qui est parvenu à le rejoindre dans ce cercle très fermé.

 

Les chercheurs se sont appuyés sur l’engin pour tenter de mieux comprendre le comportement de la matière dans des conditions de pression et de température extrêmes. Ils se sont servis de ses 8 699 904 cœurs (!) pour faire tourner des algorithmes de nouvelle génération basés sur le machine learning. Ils permettent de simuler les interactions entre de nombreux atomes individuels avec une précision époustouflante.

© Oak Ridge National Laboratory

« En implémentant cette approche sur Frontier, nous avons pu simuler précisément l’évolution de milliards d’atomes de carbone dans des conditions extrêmes, et à une échelle de temps et de longueur compatible avec l’expérimentation dans le monde réel », explique Ivan Oleynik, auteur principal de ces travaux.

Le carbone BC8 enfin à portée de main ?

Grâce à la puissance phénoménale du supercalculateur, l’équipe a pu déterminer que les atomes de carbone ne peuvent adopter cette fameuse structure BC8 que dans des conditions de pression et de température précises, au-delà de 10 millions de fois la pression atmosphérique et entre 3700 et 5700 °C.

Bc8 Diagramme Phase
© Nguyen-Cong et al.

Cela explique pourquoi personne n’a jamais réussi à produire un “diamant BC8” : en essayant de pousser ces paramètres au maximum au lieu de viser des valeurs précises, les chercheurs sont tout simplement sortis de cette fenêtre assez étroite.

La bonne nouvelle, c’est que ces travaux ont aussi permis à l’équipe d’identifier des méthodes de compression qui pourraient permettre de synthétiser ce matériau sur Terre. Une perspective assez enthousiasmante. En effet, le diamant occupe une place centrale dans de nombreuses industries comme l’extraction de ressources et la fabrication, qui s’appuient sur la dureté exceptionnelle de ce matériau. Dans ce contexte, un super-diamant de ce genre pourrait permettre de créer des machines-outils encore plus performantes et durables.

Enfin, ces travaux pourraient aussi avoir des retombées en planétologie. En effet, les astronomes ont déjà identifié de nombreuses exoplanètes extrêmement riches en carbone au-delà de notre système solaire. En théorie, les conditions qui règnent dans leurs entrailles pourraient être compatibles avec la formation de carbone BC8. Par conséquent, déterminer les propriétés de ce matériau pourrait permettre de mieux comprendre l’histoire de ces corps célestes. « Une compréhension profonde des propriétés du carbone BC8 devient critique pour modéliser précisément l’intérieur de ces exoplanètes », conclut Oleynik.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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