Que pouvez-vous faire avec 3 Go d’internet par semaine ?

Selon un rapport de l’Arcep, publié en décembre dernier, le numérique représente 2,5% de l’empreinte carbone nationale. L’organisme gouvernemental ajoutait que si “cette part demeure modeste comparativement à d’autres secteurs, la croissance annuelle de la consommation énergétique du numérique (volume de données, terminaux) doit nous interroger”. Najat Vallaud-Belkacem, directrice de l’ONG One et présidente de France Terre d’Asile, s’est penchée sur la question au travers d’une tribune publiée chez nos confrères du Figaro. L’ancienne ministre de l’Éducation nationale avance l’idée d’une limitation de la consommation de données, elle recommande 3 Go par semaine et par personne. Selon elle, les bénéfices seraient multiples. Il permettrait de réduire la facture environnementale d’internet tout en responsabilisant les citoyens sur leurs usages et leurs pratiques.

“Si nous savons que nous n’avons que trois gigas à utiliser sur une semaine, nous n’allons sans doute pas les passer à mettre des commentaires haineux ou fabriquer des fakes”. 

Mais cet appel à une action politique d’ampleur est-il réaliste ? Comment s’inscrit-il dans le quotidien des Françaises et Français, à l’heure de la dématérialisation, de la démocratisation des plateformes de streaming par abonnement et de l’essor de la culture vidéoludique ? Que peut-on faire avec 3 Go d’internet par semaine ?

Deux épisodes du Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir

Depuis la pandémie, la SVoD est devenue la norme pour bien des spectateurs. Les plateformes du genre fleurissent, faisant la démonstration de leurs forces de frappe respectives grâce à des catalogues très fournis. Tandis que le secteur devient plus concurrentiel, les différentes entreprises misent sur de nouvelles formules et augmentent leurs prix, pour offrir à leurs abonnés une expérience Premium. La qualité se vend désormais à prix d’or, c’est souvent elle qui constitue l’argument principal d’un changement de forfait vers une formule plus onéreuse. Mais dans un contexte de consommation internet limité, que peuvent représenter 3 Go par semaine, avec les différentes configurations proposés par Netflix, Canal+ ou encore Prime Video.

Sur Prime Video, il faudra compter 6,84 Go par heure en qualité optimale contre 0,38 pour la résolution la moins importante. Si l’on prend le premier épisode de la série phare de Prime Video, Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, et que l’ont choisi de miser sur un entre-deux, il faudra compter 1,4 Go par heure. En suivant les recommandations de Najat Vallaud-Belkacem, les utilisateurs devront se contenter de deux épisodes par semaine, sous réserve d’être à la “diet numérique” le reste du temps. Même son de cloche pour Netflix, qui annonce une consommation maximale de 7 Go par heure avec les potards à fond. De son côté, Canal+ mise sur une consommation de 2 Go par heure pour sa qualité maximale (495 Mo pour l’intermédiaire et 85 Mo pour la minimale). Dans tous ces cas, le recours à la UHD ou la 4K devient presque impossible, alors même que les utilisateurs tendent vers des expériences Premium. 

83 fois Master of Puppets de Metallica

Le streaming vidéo n’est pas la seule pratique entrée dans les habitudes des internautes. Les plateformes telles que Deezer, Spotify ou Apple Music représentent désormais une part importante de la consommation mensuelle de données chez les Français. À mesure que la qualité progresse, la facture augmente également. Si les acteurs du secteur sont moins transparents sur la consommation en data de leurs applications, on estime qu’une heure de streaming équivaut à 40 Mo en qualité normale (sans l’affichage vidéo) contre 150 pour une qualité maximale. Ainsi, pour atteindre les 3 Go par mois préconisé par Najat Vallaud-Belkacem, il faudra en théorie écouter 75 heures de musique par semaine, soit peu ou prou 83 fois l’album Master of Puppets de Metallica.

À noter que l’affiche vidéo, qui correspond souvent à des extraits de clip ou des animations, ajoute à la facture. Il est possible de modifier les paramètres via les préférences de l’application sur Spotify par exemple pour choisir un affichage moindre.

Un peu moins d’un an pour télécharger Baldur’s Gate III

Côté jeu vidéo, nos consoles sont aussi extrêmement gourmandes en data. Avec une industrie qui tend vers la prouesse technique et visuelles, rares sont les mastodontes vidéoludiques à passer sous la barre des 100 Go. Les joueurs le savent d’ailleurs, il vaut mieux avoir une connexion rapide pour pouvoir profiter de son dernier achat le plus rapidement possible. Mais lorsque la consommation est limitée à 3 Go par semaine, même en mutualisant avec ses proches, comment profiter du dernier jeu qui fait parler ? Selon les recommandations de l’ancienne ministre de l’Éducation nationale, un joueur devrait patienter presque un an après l’achat de son jeu pour pouvoir en profitant, sans compter les mises à jour souvent nécessaires à son bon fonctionnement dans la durée. En prenant le cas de Baldur’s Gate III, 122 Go sur la balance, il faut compter plus 40 semaines pour enfin pouvoir essayer le meilleur jeu de l’année 2023.

Moins d’une heure par jour sur TikTok

Selon un récent rapport de We Are Social et Meltwater, les Français passent en moyenne 38 heures par mois sur le réseau social le plus populaire dans l’Hexagone : TikTok. La plateforme chinoise est en pleine croissance, ce chiffre s’élevait seulement à 21 heures en 2022. Plutôt gourmande en data, l’application consommerait environ 804 Mo par heure. Une heure par jour pendant une semaine sur le réseau social équivaudrait ainsi à 5,8 Go. Reste que TikTok n’est pas la seule plateforme à avoir les faveurs des internautes français. On estime à 2 heures et 24 minutes le temps moyen passés sur tous les réseaux sociaux accessibles dans l’Hexagone.

Si les déclarations de l’ancienne ministre peuvent paraître irréalistes, elles s’ancrent dans un contexte où les usages du numérique sont interrogés pour leur impact environnemental et sociétal. Reste qu’appliquer de telles restrictions aurait de lourdes conséquences sur l’accès à la culture, au divertissement et à l’information.

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