D’après le South China Morning Post, des chercheurs chinois sont en train de travailler sur une technologie qui pourrait transformer profondément l’aérospatiale : un canon électromagnétique, plus connu sous le nom de railgun, conçu pour propulser des engins directement vers l’orbite.
Le concept est relativement simple et élégant : on fait circuler un puissant courant électrique dans deux rails métalliques pour établir une différence de potentiel, puis on ajoute un projectile conducteur entre les deux pour permettre la circulation du courant. On obtient alors un puissant champ magnétique qui va interagir avec le courant à travers ce qu’on appelle la force de Laplace, ce qui a pour effet de catapulter l’objet à une vitesse prodigieuse avec une grande précision.
Il s’agit d’un grand classique de la fiction; les joueurs peuvent par exemple en utiliser un dans l’excellent Helldivers 2, qui cartonne en ce moment sur Steam, pour pulvériser des insectes extraterrestres et des robots. Mais dans le monde réel, des ingénieurs essaient aussi de faire passer dans le domaine de la réalité depuis plus d’un siècle.
Jusqu’à présent, cette technologie a été explorée dans deux domaines : l’armement et l’aérospatiale. Longtemps, ce sont les États-Unis qui ont mené la charge. C’est une idée avec laquelle la NASA a expérimenté, avant de mettre ces projets de côté à cause d’une ribambelle de contraintes techniques et d’un manque de fonds. À la place, le gouvernement a revu ses ambitions à la baisse et recyclé le concept à plus petite échelle, en construisant des catapultes magnétiques pour lancer des avions de chasse depuis des porte-avions comme l’USS Ford. Mais la Navy a publiquement admis que ces dispositifs se sont avérés décevants.
Catapulter un vaisseau vers l’orbite
À ce jour, L’Oncle Sam semble avoir plus ou moins abandonné ces travaux, y compris dans le domaine de l’armement. Le développement des railguns a laissé place d’autres technologies comme les missiles hypersoniques. Mais ce n’est pas le cas du camp chinois, qui continue de croire dur comme fer à cette technologie.
Depuis 2016, il travaille sur un projet baptisé Tengyun. Son objectif : utiliser un railgun pour accélérer un avion hypersonique monté sur une sorte de traîneau magnétique à une vitesse de Mach 1.6, soit un peu moins de 2000 km/h. Au terme de cette accélération, l’engin pourrait quitter son traîneau avec assez d’énergie cinétique pour se diriger vers l’orbite terrestre basse en réalisant des économies de carburant substantielles.
La particularité du concept, c’est qu’il ne prendrait pas la forme d’un canon traditionnel. À la place, il s’agirait d’une longue piste de lancement magnétique placée dans un tube à vide pour diminuer la friction autant que possible. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est parce que cette description ressemble vaguement à celle des trains maglev comme l’Hyperloop, le fameux concept de train ultrarapide proposé par Elon Musk.
Certes, la technologie sous-jacente est assez différente, et ici, la machine n’a pas vocation à rester sur les rails ; nous parlons bien du lancement d’un engin volant. Mais dans les deux cas, il s’agit de faire circuler un véhicule à grande vitesse sur une piste magnétique. Et il se trouve que la Chine est déjà bien équipée à ce niveau.
Un laboratoire de propulsion magnétique de pointe
CASIC, un prestataire militaire majeur qui dépend du gouvernement, gère l’installation de propulsion magnétique la plus avancée au monde. Dans la province du Shanxi, l’entreprise a construit un long tunnel à vide d’environ 2 km de long doté de rails à lévitation magnétique. Ce dispositif est conçu pour tester des trains maglev ; c’est là qu’un prototype a battu le record de vitesse de sa catégorie le mois dernier, en atteignant une vitesse proche de 1000 km/h.
CASIC mise aussi beaucoup sur cette infrastructure pour faire avancer le projet Tengyun. Cela permettra de conduire une première batterie de tests préliminaires sur des prototypes d’un tel véhicule volant. Mais il ne s’agit que d’un début. La piste magnétique va être étendue, et devrait atteindre une soixantaine de kilomètres de long d’ici quelques années selon le South China Morning Post. Selon un représentant de CASIC cité par le journal hongkongais, cela permettra d’accélérer des véhicules à environ 5000 km/h. Une vitesse exorbitante qui consoliderait le statut du centre de recherche… et qui permettrait aussi de mener des tests encore plus exigeants pour passer à la phase concrète du programme.
Un projet ambitieux sur le long terme
Mais même cet objectif intermédiaire est incroyablement ambitieux, et l’atteindre ne sera pas chose aisée. Les imbroglios autour de l’Hyperloop et des porte-avions nous ont prouvé qu’il est excessivement difficile d’amener un genre de technologie à maturité. Certes, les enjeux ne sont plus tout à fait les mêmes ; les contraintes de rentabilité, par exemple, sont un peu moins importantes que dans le cas d’un train public, puisque l’objectif d’un tel avion spatial ne serait pas de faire circuler un grand volume de passagers. En revanche, les obstacles techniques qui sont déjà nombreux sur les trains maglev n’en deviennent que plus extrêmes lorsqu’on parle d’un tel engin.
Il est encore trop tôt pour juger de la faisabilité du projet, mais les ingénieurs de CASIC semblent déterminés. Il sera donc intéressant de suivre leurs travaux qui pourraient déboucher sur de grands changements dans l’aérospatiale et les transports chinois.
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Hypersonique à Mach 1,6, il va falloir ouvrir un dico les gars…
Bonjour,
Cela me semblait évident, mais le Mach 1.6 auquel vous faites référence désigne la vitesse à la sortie de la première phase d’accélération par le système de propulsion décrit dans l’article, et non pas la vitesse maximale du véhicule qui passera effectivement dans le domaine hypersonique au cours de son ascension.
Bien cordialement,
Ok je comprends mieux, mea culpa