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Cette startup a un projet fou : extraire de l’hélium-3 sur la Lune

Interlune pourrait devenir la première entreprise à lancer l’exploitation commerciale des ressources de la Lune – mais la route est encore très longue.

Deux pointures de Blue Origin, l’entreprise d’aérospatiale de Jeff Bezos, viennent d’officialiser l’existence d’une startup qui débarque avec un objectif très ambitieux : extraire de l’hélium-3 sur la Lune, puis le rapatrier sur Terre.

Aller récolter des ressources sur d’autres planètes n’est pas une nouvelle idée, loin de là. Mais pour l’instant, personne ne s’est encore véritablement attaqué à l’exploitation commerciale de la Lune, aussi bien dans le privé que dans le public.

Interlune veut désormais changer cet état de fait. Il s’agit d’une entreprise fondée par Rob Meyerson, l’ancien Président de Blue Origin, et surtout par Gary Lai, un ingénieur très respecté qui occupe notamment le poste d’architecte en chef de New Shepard, le véhicule suborbital de l’entreprise. Ensemble, ils ont choisi de se focaliser sur l’hélium-3 (3He ou He-3), un isotope qui pourrait s’avérer précieux pour la recherche et l’industrie.

Un matériau plein de potentiel

Pour commencer, ce matériau présente des propriétés quantiques très particulières lorsqu’il est refroidi à des températures proches du zéro absolu. Il est donc étudié par des spécialistes qui tentent de comprendre ces phénomènes, avec des implications potentielles pour l’informatique quantique.

Parmi les autres applications potentielles, on peut citer le nucléaire. Grâce à sa capacité à capturer des neutrons de manière très efficace, il peut se rendre utile dans de nombreuses expériences de physique nucléaire. Il a aussi été proposé en tant que combustible potentiel pour la fusion nucléaire. En théorie, l’He-3 aurait l’avantage de générer moins de sous-produits radioactifs que le couple tritium-deutérium sur lequel misent les projets les plus ambitieux, comme ITER.

Le tokamak d’ITER. © ITER Organization

Enfin, certains considèrent aussi qu’il pourrait être utile en imagerie médicale, dans l’industrie des supraconducteurs, ou encore en tant que combustible pour un nouveau système de propulsion spatial.

Très rare sur Terre…

Mais le problème, c’est que l’hélium-3 est excessivement rare sur Terre. Si l’on exclut la croûte terrestre, d’où il est pratiquement impossible de l’extraire, on estime qu’il n’y a que quelques kilos d’He3 exploitables sur l’ensemble de notre planète.

Ces maigres ressources proviennent en partie de la désintégration radioactive du tritium, un isotope de l’hydrogène. Ce dernier est produit en très faible quantité dans les réacteurs à fission nucléaire, et sa transformation ne produit que très peu d’He-3. Il existe aussi dans des gisements naturels d’hélium, mais la concentration est généralement ridiculement faible (environ 0,000 2 %).

Pourtant, il existe un gigantesque réacteur qui est capable d’en produire des quantités nettement plus importantes : la fournaise thermonucléaire du Soleil. Dans le cœur de notre étoile produit la plus grande partie de son énergie à partir de réactions de fusion qui font intervenir différentes variantes de l’hydrogène pour former de l’hélium-4, une autre variante de ce gaz noble.

En parallèle, d’autres processus peuvent conduire à la fusion d’un noyau de deutérium et d’un proton pour former de l’hélium-3. Ce dernier est ensuite disséminé aux quatre coins du système solaire par les vents solaires. Mais quasiment aucune de ces particules n’arrive à la surface de la Terre, car elles sont déviées par la magnétosphère. Aujourd’hui, il est donc impossible d’en accumuler des quantités suffisantes pour répondre aux besoins potentiels de toute une industrie.

…mais beaucoup moins sur la Lune

C’est là qu’intervient Interlune. Comme son nom l’indique, elle envisage d’aller récupérer de l’hélium-3 directement sur notre satellite. En effet, contrairement à la Terre, notre voisine n’est pas protégée par un puissant champ magnétique. Sa surface est donc bombardée en permanence par les vents solaires. Ces derniers y déposent des quantités bien plus importantes d’He-3, qui se retrouve alors emprisonné dans le régolithe — la poussière de roche qui recouvre la Lune.

premier pas homme sur la lune aldrin
Le régolithe lunaire (ici, avec l’empreinte légendaire du premier pas de Buzz Aldrin) contient des quantités non négligeables d’hélium-3. © NASA

Selon Ars Technica, les spécialistes estiment qu’environ un million de tonnes de ce précieux isotope auraient pu s’y accumuler, notamment sous forme de gaz. Et Interlune espère bien en récupérer une partie pour lancer son exploitation à grande échelle sur Terre.

Un projet d’extraction très (trop ?) ambitieux

L’initiative est certes séduisante — mais il reste de nombreuses questions quant à la faisabilité pratique d’un tel projet. Pour commencer, il faudra développer une technologie capable d’extraire ce gaz du régolithe. Or, même si l’He-3 y est relativement abondant par rapport à la Terre, sa la quantité absolue par unité de surface reste faible. Il faudra donc traiter des dizaines, voire des centaines de tonnes de régolithe pour extraire un misérable gramme de gaz.

Or, pour traiter autant de matériel, il faudrait avoir recours à des machines volumineuses et massives — typiquement le genre d’équipement qui est très difficile à transporter d’une planète à l’autre. Il faudra donc probablement se contenter de modèles de petite taille, et le processus risque donc d’être affreusement lent.

Mais il en faut plus pour décourager Interlune. Toujours d’après Ars Technica, l’entreprise veut envoyer une première preuve de concept sur la Lune dès 2026. Elle sera chargée de mesurer la concentration d’He-3 dans le régolithe, et essaiera ensuite d’en extraire une partie. Si cette expérience est un succès, la startup veut ensuite implanter un prototype d’usine lunaire en 2028, puis passer aux opérations à grande échelle à l’horizon 2030.

Starship Artemis
Des variantes spécialisées d’engins comme le Starship pourrait aider à rapatrier le matériel extrait de la Lune. Mais pour l’instant, il n’existe aucun véhicule opérationnel capable de le faire efficacement. © NASA

À ce stade, il faudra aussi ramener tout ce gaz sur Terre. Or, pour l’instant, il n’y a aucun système qui permet d’effectuer ce genre de transfert. Il faudra donc développer des systèmes de transport spécialisés. Enfin, il faudra estimer la viabilité de ce modèle commercial. Car s’il existe effectivement une vraie demande pour l’He3, le coût sera sans doute exorbitant à cause de cette chaîne de production extrêmement complexe.

L’aube d’une ruée vers l’or lunaire ?

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un projet très hasardeux qui ne verra pas le jour avant plusieurs années — dans le meilleur des cas. Mais il conviendra de suivre attentivement les progrès d’Interlune, car son initiative pourrait aussi inciter d’autres entreprises à se lancer dans l’exploitation de la Lune.

En effet, il n’y a pas que l’He-3 qui attise les convoitises sur notre satellite ; il regorge aussi d’autres matériaux utiles. On peut citer des métaux comme le fer, l’aluminium, le titane ou le silicium, mais aussi des terres rares qui pourraient bénéficier à des industries comme l’automobile électrique ou les énergies renouvelables. Par conséquent, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que des entreprises commencent à envisager sérieusement d’exploiter les ressources de la Lune.

Un rendu d'un astronaute sur la Lune lors de la mission Artemis 3
© NASA

Reste à voir qui va remporter cette course ; rendez-vous à la fin de la décennie pour obtenir les premiers éléments de réponse.

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Source : Ars Technica

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