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Sauna ou jacuzzi ? Une exoplanète pleine d’eau divise les astronomes

Certains chercheurs estiment que TOI-270 d est recouverte d’un océan liquide; d’autres considèrent que son atmosphère est constituée d’un fluide supercritique. Mais tous s’accordent à dire que la dernière trouvaille du JWST est un objet d’étude fascinant.

Grâce au James Webb Space Telescope, des astronomes ont pu découvrir une nouvelle curiosité cosmologique assez unique en son genre qui est en train de susciter des débats passionnés chez les spécialistes. Il s’agit d’une exoplanète baptisée TOI-270 d qui héberge vraisemblablement d’immenses quantités d’eau… mais les scientifiques n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les conditions qui existent à la surface. Certains estiment qu’il s’agit d’une sorte jacuzzi cosmique, tandis que d’autres y voient plutôt une sorte d’immense sauna.

Ces théories ont émergé à cause de la composition globale de la planète. Les données rapportées par le roi des télescopes contenaient les signatures chimiques de l’hydrogène, du méthane et du dioxyde de carbone, et en très grandes quantités. Par contre, il n’y avait pas la moindre trace d’ammoniac, un élément chimique que les chercheurs s’attendent généralement à trouver dans des atmosphères riches en hydrogène.

Un vaste jacuzzi cosmique…

Pour expliquer cette incohérence apparente, l’équipe à l’origine de cette étude s’est appuyée sur une des propriétés de l’ammoniac : il a la particularité d’être fortement soluble dans l’eau. Les chercheurs ont donc formulé une hypothèse assez alléchante. Ils estiment que TOI-270 d pourrait être une planète dite hycéenne, c’est-à-dire totalement recouverte par gigantesque océan très profond.

Le cas échéant, cette étendue d’eau serait assez particulière à cause de la situation orbitale de la planète : elle fait l’objet d’un verrouillage gravitationnel par rapport à son étoile. Cela signifie que l’un de ses côtés fait face à son corps parent en permanence, exactement comme la Lune par rapport à la Terre. Par conséquent, la moitié de cet océan hypothétique serait extrêmement chaud. « Il pourrait atteindre les 100 °C, voire davantage », suggère Nikku Madhusudhan, co-auteur de l’étude cité par le Guardian. Un véritable jacuzzi à l’échelle planétaire, en somme.

Cette équipe estime que son hypothèse tient la route, car une pression atmosphérique gigantesque pourrait empêcher toute cette eau d’être vaporisée instantanément. Mais tous leurs collègues ne partagent pas cette interprétation.

… ou un sauna supercritique ?

D’autres astronomes de l’Université de Montréal ont réalisé des observations complémentaires de la planète, et leurs conclusions sont très différentes. Ils estiment que dans tous les cas, TOI-270 d serait trop chaude pour que l’on puisse envisager la présence d’un océan à proprement parler. « De notre point de vue, la température est trop élevée pour que l’eau reste à l’état liquide », explique Björn Benneke, auteur principal de cette seconde étude.

Leur hypothèse s’appuie majoritairement sur l’abondance de vapeur d’eau dans l’atmosphère de l’exoplanète. Ils considèrent qu’une telle saturation en H2O serait fondamentalement incompatible avec la présence d’un océan liquide. « A la surface, les températures pourraient atteindre les 4000 °C », estime Benneke dans le Guardian.

À la place, son équipe estime donc que l’eau y existe sous forme de fluide supercritique. Ce terme désigne un état de la matière qui survient lorsque la température et la pression dépassent leurs points critiques respectifs. Dans ces conditions, les gaz et les liquides tels qu’on les connaît n’existent plus, et la matière peut seulement prendre la forme d’un solide. Mais si la pression demeure insuffisante pour compacter les atomes de cette façon, on se retrouve alors avec une sorte de bouillie d’atomes surchauffée, à mi-chemin entre le liquide et le gaz — un fluide supercritique. Selon cette interprétation des observations, TOI-270 s’apparenterait donc davantage à un sauna infernal qu’à un océan bouillant.

diagramme de phase
© Ben Finney, Mark Jacobs – Wikimedia Commons

Des traces de vie potentielles ?

Il y a cependant un point sur lequel ils tombent d’accord : il y a une probabilité certes infinitésimale, mais bien réelle que l’exoplanète héberge des formes de vie extraterrestres.

En effet, les deux équipes ont détecté la présence de disulfure de carbone (CS2), une espèce chimique qui, sur Terre, est associée à de nombreux processus biologiques. Il peut être produit par le métabolisme de micro-organismes décomposeurs et par certaines variétés de plantes, notamment les brassicacées comme le chou ou le brocoli. C’est donc une découverte très enthousiasmante, surtout lorsque l’on tient compte de la présence d’eau et de la température potentiellement tolérable du côté non éclairé de l’exoplanète.

Mais gare aux conclusions hâtives : le simple fait de détecter ce composé chimique ne signifie pas forcément qu’il a été généré par des êtres vivants. Il peut aussi provenir de processus géologiques. Par exemple, sur Terre, de petites quantités de CS2 sont émises lors d’éruptions volcaniques. Or, pour le moment, il est impossible de déterminer l’origine exacte de ce gaz.

« Nous ne pouvons pas le relier à une activité biologique », insiste Madhusudhan. « C’est relativement facile d’en produire dans une atmosphère riche en hydrogène. Nous devons être extrêmement prudents sur notre façon de communiquer sur ce genre de découverte, car c’est facile pour le public de croire que nous sommes déjà en train de trouver de la vie », conclut-il dans son interview au Guardian.

Les textes des deux études sont disponibles ici et .

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