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Cette startup veut monter des réacteurs nucléaires sur… des camions

Nano Nuclear espère lancer une grande révolution de l’énergie avec ses petits réacteurs nucléaires modulaires transportables – mais la route est semée d’embûches.

Traditionnellement, les centrales nucléaires comme celles qui produisent plus de 60 % de l’électricité française sont des installations de très grande taille, notamment pour des raisons de rentabilité et d’intégration au réseau. Mais certains estiment que l’avenir appartient aux petits poucets ; c’est le cas de la startup Nano Nuclear, qui travaille sur des microréacteurs nucléaires avec l’objectif de décarboner des industries entières et d’alimenter des régions reculées en énergie.

L’entreprise travaille sur deux modèles distincts, tous les deux baptisés en référence à des divinités de la mythologie nordique. Le premier, Odin, est développé en collaboration avec des chercheurs issus de l’Université de Cambridge. Le deuxième, Zeus, bénéficie de l’expertise des universités de Californie et Berkeley. Les différences sont assez minimes ; dans les deux cas, il s’agit de petits réacteurs nucléaires modulaires, ou SMR (small modular reactor). Ils sont inspirés de ceux qui permettent à certains navires comme le porte-avions Charles de Gaulle, le fer de lance de la marine française, de naviguer sans escale sur de longues durées.

Des réacteurs mobiles très prometteurs

Forcément, en termes de production brute, ces engins ne pourront jamais rivaliser avec les réacteurs des centrales traditionnelles. Ces dernières tournent typiquement autour du gigawatt (GW) ; ces microréacteurs, en revanche, ne peuvent pas dépasser les 20 MW, soit 50 fois moins. Leur intérêt se situe plutôt au niveau de la flexibilité.

En comparaison, ils sont si petits et si légers qu’ils peuvent tenir sur la remorque d’un camion, sur un wagon de train, ou dans un conteneur standard. Il est donc possible de les construire sur un site dédié, puis de les transporter et de les déployer dans n’importe quelle zone desservie par les infrastructures de transports traditionnelles — et notamment dans des régions insulaires et rurales où l’approvisionnement en énergie peut être difficile.

Une industrie à 1000 milliards ?

Sur le papier, cette approche présente un autre avantage majeur. Avec une chaîne logistique solide qui permettrait de produire ces réacteurs en masse, leur coût pourrait chuter drastiquement. Le cas échéant, ils deviendraient extrêmement attractifs. James Walker, le PDG et chef du développement de Nano Nuclear, estime donc pouvoir construire un modèle commercial extrêmement rémunérateur sur la base de ces engins. « Quand nous arriverons à vendre 1000 microréacteurs sur une base annuelle, nous parlerons d’une industrie à 1000 milliards de dollars », estime-t-il dans une interview à Recharge.

Des questions sur la rentabilité…

Mais il va encore falloir patienter avant d’en arriver là. Car même si Walker se montre extrêmement confiant, il reste plusieurs obstacles majeurs à la démocratisation de cette technologie. Pour commencer, il faudra démontrer que ces SMR pourront produire de l’énergie à un prix raisonnable. Et jusque là, cela s’est avéré très difficile.

En effet, Nano Nuclear n’est pas la première entreprise à miser sur ce concept. En 2020, c’est NuScale qui avait séduit l’industrie avec son concept de SMR à 77 MW, la pièce maîtresse d’un programme baptisé Carbon Free Power Project. Mais les investisseurs ont vite déchanté. À peine trois ans plus tard, la startup a été forcée d’abandonner son projet à cause du coût exorbitant de l’électricité produite.

Pour l’instant, Nano Nuclear tient bon, et estime toujours que sa stratégie lui permettra de garantir des tarifs abordables. Pour y parvenir, elle compte notamment s’écarter un peu la recette traditionnelle. Elle veut utiliser de l’uranium à teneur élevée faiblement enrichi, appelé HALEU (pour high-assay low-enriched uranium). Il contient de l’uranium enrichi entre 5 et 20 %, contre 3 à 5 % pour le matériel qui alimente les centrales traditionnelles. Selon les porte-paroles de la startup, cette stratégie permettra aux SMR d’atteindre des rendements plus élevés et de réduire les besoins de maintenance.

…et une infrastructure inadaptée

Mais la partie n’est pas encore gagnée pour autant, car il n’est pas évident de trouver du combustible HALEU. En effet, pour le moment, il n’y a pas une seule installation capable d’en produire de aux États-Unis ou en Europe de l’Ouest. Pour s’en procurer, il faudrait se tourner vers la Russie. Une option inenvisageable aujourd’hui pour des raisons politiques évidentes.

En janvier 2024, le Département britannique de la sécurité énergétique britannique a annoncé le lancement d’un programme de production de combustible HALEU — une première de notre côté du continent. Mais malgré ces signaux encourageants, le constat reste le même : l’infrastructure nécessaire est encore très loin d’être en place et il faudra des investissements faramineux pour en arriver là.

Le dernier problème, c’est la question de la sécurité. L’avantage des grandes centrales, c’est qu’elles peuvent être surveillées en permanence et de très près par les autorités. En revanche, il serait nettement plus difficile de maintenir le même niveau d’exigence avec des centaines, voire des milliers de microréacteurs disséminés aux quatre coins de la planète.

Vous l’aurez compris, ce n’est pas demain la veille que les collectivités pourront investir dans leur propre microréacteur nucléaire mobile. Mais il s’agit tout de même d’une technologie intéressante et relativement prometteuse qui mérite d’être explorée. Il sera donc intéressant de suivre les progrès de Nano Nuclear. En cas de succès, cette prise de risque pourrait lui rapporter gros, et amorcer un changement de paradigme à grande échelle.

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Source : Recharge

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