Plus rien n’arrête Nvidia. Vendredi dernier, l’entreprise de Jensen Huang a atteint pour la première fois les 2 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Et aujourd’hui, à peine trois semaines après avoir dépassé Amazon et la maison-mère de Google Alphabet, elle a officiellement pris la place du groupe pétrolier saoudien Aramco pour devenir la troisième entreprise la plus valorisée au monde.
Ces chiffres confirment l’insolente santé financière du géant vert, dont les résultats ne font qu’exploser depuis depuis des mois. Début 2023, l’entreprise était valorisée à moins de 500 milliards. Moins de six mois plus tard, c’était la barre symbolique des 1000 milliards qui tombait. Et depuis le début de l’année 2024, cette dynamique a encore accéléré. Entre le 1er janvier et aujourd’hui, sa valeur est passée de 1200 à plus de 2000 milliards de dollars — une hausse de 66 % en l’espace de deux mois !
Si Nvidia est à ce point dorlotée par Wall Street, c’est parce qu’elle bénéficie d’une place privilégiée dans l’industrie la plus en vogue du moment, à savoir l’intelligence artificielle. Elle dispose d’un quasi-monopole sur le hardware spécialisé dans l’IA, et fournit plus de 80 % des puces utilisées par les autres géants de la tech (Microsoft, OpenAI, Meta…) pour entraîner leurs modèles.
Apple en ligne de mire ?
En outre, l’excellente santé d’Nvidia semble partie pour durer. Certes, d’autres géants du hardware sont désormais sur les rangs ; AMD propose déjà un GPU spécifiquement conçu pour l’IA, Intel devrait suivre très bientôt, et des petits nouveaux comme Groq espèrent aussi se faire une place au soleil (voir notre article). Mais force est de constater que le titan des GPU dispose encore de plusieurs années d’avance sur la concurrence.
Ses GPU H100 restent toujours aussi incontournables sur le marché, avec des carnets de commandes qui débordent et du matériel encore plus puissant dans les cartons. Cette année, l’entreprise devrait sortir ses nouveaux GPU H200, déjà annoncés comme la nouvelle référence du hardware IA. En 2025, c’est un autre modèle encore plus performant baptisé X100 qui est attendu. Certains analystes financiers estiment donc qu’Apple, aujourd’hui fermement installée en deuxième position avec environ 2700 milliards de capitalisation, pourrait être rattrapée d’ici un ou deux ans.
Il ne resterait alors qu’une seule entreprise capable de rivaliser en bourse : Microsoft, la seule entreprise valorisée à plus de 3 000 milliards de dollars à l’heure actuelle. Nvidia pourrait-elle également dépasser le titan du software ? Cela s’annonce beaucoup plus difficile. En effet, l’entreprise de Satya Nadella est également en première ligne sur l’intelligence artificielle, comme en témoigne son investissement de 13 milliards dans OpenAI — la firme derrière l’incontournable ChatGPT. Mais vu les bénéfices dégagés par Nvidia en ce moment, plus rien ne semble impossible.
Bulle ou pas bulle ?
D’autres analystes, en revanche, sont un brin moins enthousiastes. Certains estiment que le modèle d’Nvidia comporte une grosse vulnérabilité qui pourrait compromettre sa folle marche en avant. En effet, la firme ne contrôle pas l’intégralité de sa chaîne logistique. Elle sous-traite notamment la production de ses semi-conducteurs à des tiers comme le géant taïwanais TSMC. À ce niveau, la stratégie est radicalement opposée à celle d’Intel ; le PDG Pat Gelsinger a placé ces matériaux au cœur de sa nouvelle stratégie (voir notre article). Or, c’est une région qui fait l’objet de tensions géopolitiques majeures. Et si la situation dégénère, Nvidia pourrait avoir du mal à s’approvisionner. D’autres, en revanche, estiment que ce modèle est une force, et qu’il offre une flexibilité logistique très confortable au géant des GPU.
L’autre point qui fait débat chez les analystes, et qui pourrait éventuellement impacter Nvidia, c’est la santé financière du secteur de l’IA. Certains considèrent que la hype actuelle autour de l’IA a conduit à une énorme surévaluation de tous ces produits, et que nous sommes donc au cœur d’une immense bulle économique qui menace d’éclater d’ici quelques années. Et le cas échéant, Nvidia n’en ressortirait certainement pas indemne. Car si la demande ne va certainement pas faiblir, un tel scénario forcerait sans doute l’entreprise à réduire considérablement ses marges. Rendez-vous d’ici quelques années pour un nouvel état des lieux.
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