Les batteries au lithium sont partout aujourd’hui ; de votre smartphone aux voitures électriques. Mais elles souffrent tout de même de certains gros défauts, à commencer par leur sensibilité aux températures extrêmes. On sait par exemple que leurs performances souffrent énormément dans des environnements très froids. La plupart des batteries Li-ion standard, par exemple, cessent de fonctionner correctement lorsque le mercure chute en dessous de -20 °C. Mais cela pourrait changer grâce à une équipe internationale de chercheurs qui a développé une batterie au lithium capable d’encaisser une température de -80 °C.
On considère généralement qu’il est pratiquement impossible de concevoir une batterie qui affiche à la fois une densité énergétique importante, une vitesse de charge raisonnable et une large gamme de température opérationnelle. C’est en grande partie à cause des limites physiques des électrolytes, ces matériaux qui permettent aux charges de se déplacer entre la cathode et l’anode pour créer un courant électrique. Lorsque la température baisse, les électrolytes liquides contenus dans l’accumulateur deviennent de plus en plus visqueux. Dans ces conditions, les ions qui portent ces charges ont beaucoup plus de mal à se déplacer d’un pôle à l’autre. En pratique, cela se traduit par une baisse de la conductivité, et donc des performances de la batterie.
Un nouveau mécanisme de transfert très performant
Tout l’enjeu, c’est donc de trouver un électrolyte suffisamment performant et fluide pour qu’il reste conducteur à très basse température. Et c’est précisément ce que des chercheurs de l’université chinoise de Zhejiang affirment avoir développé, en partenariat avec des collaborateurs aux États-Unis. Dans la prestigieuse revue Nature, ils présentent un nouvel électrolyte, conçu à partir d’un solvant appelé fluoroacetonitrile. Selon leur étude, ce matériau ouvre la voie à des batteries au lithium stables, performantes, et capables de fonctionner entre 60 °C et -80 °C.
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, ils revendiquent même des performances assez exceptionnelles à très basse température. D’après Fan Xiulin, le chef de l’équipe à l’origine de ces travaux cités par le South China Morning Post, leurs prototypes ont pu être rechargés à 80 % en dix minutes à peine à -70 °C — des conditions où une batterie Li-ion standard serait pratiquement inutilisable.
Ces exploits sont rendus possibles par un nouveau mécanisme de transport des ions jamais documenté dans la littérature scientifique jusqu’à présent. Les petites molécules qui composent ce fameux solvant forment des canaux à travers lesquels les ions porteurs de charge peuvent se déplacer très facilement, même lorsque les atomes du milieu sont quasiment figés. D’après les auteurs, ce phénomène a pour effet de multiplier la conductivité à -70 °C par 10 000 par rapport aux électrolytes classiques.
Une technologie prometteuse
Ces propriétés pourraient faire une différence considérable dans de nombreux domaines de l’industrie, et tout particulièrement au niveau des véhicules électriques. En effet, la température fait partie des limites qui freinent encore la démocratisation de ces engins dans certaines régions. Les possesseurs de Tesla savent pertinemment que l’autonomie de leur voiture a tendance à chuter considérablement pendant l’hiver.
Il faut donc redoubler de prudence pour éviter les mauvaises surprises. Une batterie conçue sur ce modèle, en revanche, serait pratiquement invulnérable au froid. Cela pourrait permettre d’utiliser des engins électriques dans des zones où elles sont aujourd’hui largement boudées par précaution.
La crise sur le gâteau, c’est que cette approche n’est pas limitée aux batteries Li-ion. Selon les chercheurs, elle convient aussi aux batteries au potassium et au sodium, deux autres technologies considérées comme prometteuses même si elles ne se sont pas encore démocratisées.
Un concept à approfondir
Il faudra toutefois patienter avant d’en arriver là. L’énergie est un domaine où les annonces enthousiasmantes sont très courantes, mais où seule une infime fraction des concepts prometteurs arrive à maturité. Il faut donc prendre quelques pincettes par rapport à ce prototype, qui n’en est encore qu’au stade de preuve de concept. Car pour se faire une place dans l’industrie, des performances impressionnantes ne suffisent pas ; il y a également un tas de facteurs pratiques, économiques et techniques à considérer. Les chercheurs reconnaissent d’ailleurs qu’en l’état, le prix du solvant est encore trop prohibitif pour envisager une production de masse.
Mais d’après le SCMP, l’équipe est confiante. Il sera donc intéressant d’observer si d’autres équipes se penchent sur la question. Car si rien ne garantit que ce fameux solvant sera un jour utilisé dans des batteries commerciales, ces travaux pourraient aussi inciter d’autres experts à chercher d’autres matériaux aux propriétés comparables.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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