Alors qu’elle a émergé il y a quelques mois à peine, Mistral est en train de s’imposer comme le fer de lance de l’IA générative à la française. Elle commence à attirer l’attention des poids lourds de l’industrie, à commencer par Microsoft. Cette semaine, la startup parisienne s’est officiellement associée avec l’entreprise de Satya Nadella — une initiative qui va être surveillée de près par les instances européennes.
Cette histoire a commencé avec le déploiement de Mistral Large, le dernier grand modèle de langage (LLM) de l’entreprise. Ce nouveau flagship est d’un modèle multimodal, capable de travailler avec différents types de contenu (texte, images…). Il affiche des « capacités de raisonnement de premier plan », maîtrise cinq langues (anglais, français, espagnol, allemand et italien), et bénéficie d’une « compréhension nuancée de la grammaire et du contexte culturel ».
Ses concepteurs revendiquent des performances impressionnantes. Avec un score de 81,2 %, il se place en deuxième position sur le benchmark MMLU, un test qui permet de mesurer les performances des LLM et les connaissances acquises lors de la phase d’entraînement. Seul GPT-4, le modèle qui sous-tend la dernière version de ChatGPT, fait mieux avec 86,4 %.
Une alliance avec Microsoft et un changement de philosophie
Ce modèle est mis à disposition du public de différentes manières. En premier lieu, il est possible d’y accéder via La Plateforme, une infrastructure cloud hébergée en Europe directement sur les serveurs de Mistral. Les entreprises peuvent aussi le déployer elles-mêmes sur leurs propres serveurs. Mais surtout, Mistral Large sera désormais accessible via Azure, l’immense plateforme cloud de Microsoft, dans le cadre d’un nouveau partenariat commercial qui comprend notamment un investissement de 15 millions d’euros dans la jeune pousse française.
Cette initiative a suscité de vives réactions, car elle s’accompagne d’un grannd changement de philosophie. Mistral 7B, le précédent modèle de la marque était proposé au format open source. En revanche, Mistral Large sera exclusivement disponible via la plateforme de Microsoft.
En pratique, le nouveau produit phare de la pépite française tombe donc entre les mains du titan américain du software. Une situation qui rappelle fortement le cas d’OpenAI, qui s’est longtemps posé en champion de l’open source avant de faire machine arrière… en signant un énorme accord avec Microsoft.
Une douche froide pour le contingent européen
Selon Reuters, ce rapprochement a donc fait pousser des cris d’orfraie du côté des institutions européennes. Pour en comprendre les raisons, il faut remonter un peu en arrière jusqu’à la ratification de l’IA Act, le grand traité européen sur la régulation de l’intelligence artificielle.
Si le texte a mis tant de temps à être validé, c’est en grande partie à cause des réticences de la France. En effet, le gouvernement avait freiné des quatre fers. Il a plaidé jusqu’à la dernière minute pour un assouplissement de certaines règles susceptibles d’entraver la compétitivité de l’Europe dans cette niche technologique d’avenir. L’objectif de ce positionnement assumé depuis longtemps par Emmanuel Macron était clair : favoriser le développement d’un écosystème national et européen solide, performant, et surtout capable de rivaliser avec les cadors de l’industrie pour offrir un certain degré d’autonomie technologique à l’Europe vis-à-vis de la Chine et des États-Unis.
Mistral était d’ailleurs en première ligne de cette campagne de lobbying. La startup, qui se présente comme le champion européen de l’IA, avait elle aussi réclamé une marge de manœuvre plus importante avec un argument de poids. Ses représentants insistaient sur le fait que des restrictions trop sévères seraient une très mauvaise nouvelle pour le leadership européen.
Dans ce contexte, ce mariage avec Microsoft a été vécu comme une hypocrisie, voire une véritable trahison du côté de Bruxelles. Pour Kim van Sparrentak, une députée européenne proche du dossier citée par l’Usine Digitale, « cette histoire semble avoir été une façade pour le grand lobby technologique influencé par les États-Unis. La loi a failli s’effondrer sous couvert de l’absence de règles pour les “champions européens”, et maintenant regardez… Les régulateurs européens ont été bernés », regrette-t-elle.
Vers une enquête de la Commission européenne
Le gouvernement français, de son côté, essaie tant bien que mal de faire bonne figure. Marina Ferrarri, tout juste nommée au poste de secrétaire d’État au Numérique, affirme qu’il faut « se réjouir » du fait que Mistral vienne ainsi s’immiscer dans la relation entre Microsoft et OpenAI. Mais personne n’est dupe, et cette situation a incontestablement généré un gros malaise. La Commission européenne va donc mener une enquête pour décortiquer les termes de cet accord et ses implications.
Tous les efforts de lobbying en faveur de la souveraineté technologique européenne sont-ils donc tombés à l’eau ? La France est-elle désormais condamnée à jouer les seconds rôles et à servir les intérêts des géants américains ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’un sacré revers qui ne va pas aider l’Europe à rattraper son retard dans cette industrie qui déborde d’enjeux stratégiques et économiques.
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L’UE est toujours aussi ridicule… apres 20ans de fuite de cerveaux aux US et meme ailleurs, il serait peut etre temps de se remettre en question? Ah non, c’est pas la philosophie de l’UE.
Pour une fois qu’on nique les allemands, et que c’est pas le contraire, on va pas se plaindre. Mistral va disposer du pognon nécessaire pour se développer à très grande vitesse et larguer Aleph Alpha et DeepL.
La France comme l’Europe ne sont plus des moteurs, juste de frein qui interdisent tout développement serine d’entreprise sur le territoire national.
Ici encore on pointe l’entreprise plutôt que de pointer les responsables et la sommes des incompétences qui conduisent à ces situations.
Tant que l’on refuse de prendre en compte le problème il est impossible d’apporter des remédiations.