Jeudi, les équipes du Joint European Torus ont annoncé que leur appareil avait battu un nouveau record de production d’énergie lors de sa toute dernière expérience. Ce grand programme international basé en Angleterre, tire sa révérence avec un grand coup d’éclat, et va désormais passer le relais à des programmes encore plus ambitieux comme ITER après plus de quarante ans de bons et loyaux services.
Comme ITER, le JET est un tokamak, un grand réacteur en forme de donut conçu pour imiter les réactions thermonucléaires qui ont lieu au cœur des étoiles. L’objectif est d’y faire fusionner des isotopes de l’hydrogène dans un plasma emprisonné par un puissant champ magnétique, afin de produire une quantité d’énergie phénoménale en une fraction de seconde. Et c’est exactement ce qui s’est passé le 8 janvier dernier.
69 MJ pendant cinq secondes
Avec seulement 0,2 gramme d’un mélange de tritium et de deutérium, le même couple d’isotopes utilisé par le tokamak de Cadarache, le JET a réussi à produire une réaction qui a généré 69 mégajoules pendant cinq secondes.
Dans l’absolu, cette quantité d’énergie n’a rien de révolutionnaire. Pour référence, il faut à peu près 2,6 MJ d’énergie pour faire bouillir un litre d’eau à température ambiante. Autant dire que nous sommes encore très loin des performances d’une vraie centrale opérationnelle. Ce qui est plus impressionnant, c’est que cela représente un gain de 17 % par rapport à son précédent record, établi en décembre 2021. Une hausse loin d’être négligeable, connaissant les défis techniques qui se cachent derrière.
La fusion expérimentale, une affaire de compromis
En effet, pour permettre à deux atomes de fusionner, il faut les forcer à se rapprocher suffisamment près l’un de l’autre pour que leurs noyaux positivement chargés réussissent à surmonter la répulsion électrostatique qui les maintient normalement à bonne distance. La seule manière d’y parvenir, c’est de faire en sorte qu’ils se percutent avec une violence extrême. Ces collisions sont rendues possibles par une température très importante (environ 15 millions de degrés Celsius au centre du Soleil) qui confère une énergie cinétique massive aux atomes.
Mais le souci, c’est que notre étoile dispose d’un avantage énorme à ce niveau : la densité phénoménale de son cœur. Jusqu’à preuve du contraire, il est pratiquement impossible de la reproduire en laboratoire. Il faut donc compenser avec une température nettement plus importante, typiquement de l’ordre de 150 millions de degrés dans les tokamaks expérimentaux. Pour atteindre ce seuil, il faut bombarder le contenu du réacteur de particules à haute énergie et d’ondes électromagnétiques à l’aide d’immenses bobines supraconductrices — un régime très difficile à maintenir sur de longues durées.
Les opérateurs doivent donc jongler avec ces paramètres pour produire autant d’énergie que possible pendant une durée aussi longue que possible. Certains tokamaks cherchent plutôt à pousser la température aussi haut que possible pendant une fraction de seconde ; à l’extrême opposé, d’autres se contentent d’une production d’énergie plus modeste, mais maintenue sur une durée plus longue.
C’est la combinaison de ces deux facteurs qui rend le record du JET impressionnant. Maintenir une température de 150 millions de degrés pour produire de l’énergie pendant cinq secondes — une durée éternité dans ce contexte — est un sacré exploit technique.
Place à ITER
Malheureusement, le JET est désormais arrivé à l’extrême limite de ses capacités. Il s’agissait de la toute dernière expérience de fusion majeure, plus de quarante ans après ses débuts en 1983. Mais la bonne nouvelle, c’est que tous ses successeurs, à commencer par ITER, pourront s’inspirer de cette carrière bien remplie.
« Pendant tout son cycle de vie, le JET a été remarquablement utile en tant que précurseur d’ITER. Il a permis de tester de nouveaux matériaux, de développer de nouveaux composants innovants, et surtout de générer des données sur les opérations au deutérium-tritium (D-T) », souligne Pietro Barabaschi, directeur général d’ITER. Autant d’éléments précieux qui aideront l’immense tokamak européen à atteindre ses objectifs.
Mais mieux vaut ne pas être trop pressé. Les premiers plasmas du réacteur situé dans le sud de la France n’arriveront pas avant 2025. Le passage à la phase concrète, avec les premières opérations D-T, n’est pas attendu avant 2035. Et il faudra encore des années, ou plus vraisemblablement des décennies de travail avant d’arriver au projet DEMO, qui tâchera enfin de récupérer toute cette énergie aujourd’hui sacrifiée sur l’autel de l’expérimentation. Il conviendra donc de s’armer de puissance pour suivre le développement de cette technologie qui pourrait totalement transformer notre civilisation.
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Que de défis devant nous ! Le quantique, l’intelligence artificielle et l’énergie de fusion… C’est certain que notre futur sera bien différent que ce que nous connaissons aujourd’hui. Et nous le devrons à tous ces chercheurs qui œuvrent pendant des années dans leurs labos. Chapeaux bas et un grand merci à tous ces scientifiques qui consacrent parfois une vie entière à faire avancer la connaissance !