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Les premiers passages des légendaires Papyrus d’Herculanum enfin révélés !

Trois étudiants ont réussi à déchiffrer un bout d’une vaste bibliothèque romaine qui résistait aux chercheurs depuis des siècles grâce au machine learning. Un immense succès qui va sans doute marquer un tournant majeur dans l’histoire de l’archéologie.

Une équipe d’apprentis chercheurs vient de faire un pas de géant vers la résolution d’un des plus grands mystères de l’archéologie. Grâce à des outils basés sur l’intelligence artificielle, ils sont parvenus à révéler le contenu d’un précieux parchemin enseveli il y a plus de 2000 ans par une éruption du Mont Vésuve, en Italie. À travers ce petit exploit, ils ont posé les bases d’une approche qui pourrait permettre de déchiffrer des tas de documents autrefois considérés comme totalement irrécupérables, avec des implications potentiellement révolutionnaires pour notre connaissance de l’Antiquité.

L’archéologie est une discipline connue pour sa lenteur — et ce n’est pas parce que les spécialistes ont tendance à lambiner, loin de là. C’est d’abord parce que les gisements les plus intéressants sont excessivement rares, mais aussi parce que le matériel qui est exhumé est souvent en très mauvais état. Il est donc très difficile d’en extraire des informations exploitables. Par conséquent, c’est une science assez ingrate ; les chercheurs doivent consentir à des efforts énormes sans la moindre garantie de résultat en espérant qu’ils auront un jour la chance de tomber sur une perle rare.

Au fil du temps, le processus de détection et d’analyse a toutefois été facilité par l’arrivée de nouvelles technologies très utiles. Des radars à pénétration de sol, des scanners en trois dimensions ou encore des techniques de séquençage et de datation sophistiquées ont ouvert les portes à de grandes découvertes. Mais les avancées de ce genre sont presque aussi rares que les sites archéologiques les plus importants.

Par conséquent, lorsqu’une nouvelle technique prometteuse émerge, c’est toujours un grand moment pour la discipline. La communauté sait que ces outils pourraient leur permettre de découvrir de nouveaux secrets historiques autrefois inaccessibles. Mais le travail des trois compères est particulièrement exceptionnel à ce niveau.

Les Papyrus d’Herculanum, aussi inestimables qu’impénétrables

Tout a commencé à Herculanum, en Italie. C’est un haut lieu de l’archéologie moderne, car cette bourgade a été ensevelie par l’éruption cataclysmique du Vésuve en l’an 79  – exactement comme la légendaire ville de Pompéi. Comme cette dernière, Herculanum est donc un site exceptionnel, où des tas de précieux vestiges ont été préservés par un épais linceul de roche.

On y trouve notamment une luxueuse villa où des archéologues du XVIIIe siècle ont découvert un trésor inestimable : une vaste collection de documents carbonisés, aujourd’hui connus de tous les experts sous le nom de Papyrus d’Herculanum. Il s’agit de la seule et unique bibliothèque d’époque qui a survécu aux assauts du temps. Les archéologues ont vite compris qu’ils avaient affaire à une ressource historique potentiellement révolutionnaire, capable d’apporter des tas d’éléments de contexte inédits sur l’illustre civilisation romaine.

Carbonized Scroll
© Vesuvius Challenge

Mais le problème, c’est que ce support à base de roseaux ne fait évidemment pas bon ménage avec la fournaise qui a dévalé le volcan. Ils ont été complètement carbonisés par l’éruption, et enfermés dans une croûte de cendre qu’il est impossible d’ouvrir sous peine de détruire ces reliques. Quelques bribes de texte ont pu être extraites de rouleaux ouverts par le passé. Mais la procédure a horriblement fragmenté et endommagé le support, empêchant de pousser l’exploitation plus loin.

Fractured Scroll
© Vesuvius Challenge

Un concours collaboratif à 700 000 $

Désormais, plus personne ne cherche à les ouvrir ; ils sont trop précieux pour être ruinés de cette façon. Les spécialistes se concentrent donc sur les techniques d’imagerie non invasive qui permettent de voir à travers cette enveloppe minérale. Brent Seales, un chercheur américain pour qui ces papyrus représentent l’obsession d’une vie, a notamment apporté quelques beaux progrès à ce niveau. Avec son équipe de l’Université du Kentucky, il a développé une technique de cartographie volumétrique qui permet de « dérouler » virtuellement ces textes à partir d’un scan 3D.

Mais sa méthode si prometteuse s’est heurtée à un mur avec les papyrus d’Herculanum. Il se trouve que l’encre utilisée pour la rédaction de ces derniers a exactement la même densité que le support, et qu’il est donc pratiquement impossible de discerner le texte sur les images. En revanche, il estimait quand même qu’un nouvel outil à base d’intelligence artificielle pourrait en extraire quelques informations. Et c’est là que tout s’est emballé.

En mars 2023, avec deux autres entrepreneurs, il a lancé un grand concours collaboratif pour inciter d’autres experts à déchiffrer ces textes. Motivées par une récompense de plusieurs centaines de milliers de dollars, plus de 1500 équipes se sont donc lancés dans l’aventure, en mettant toutes leurs avancées en commun pour faire avancer le processus le plus vite possible.

Le machine learning, la clé du coffre-fort

Quelques mois plus tard, un physicien nommé Casey Handmer a enfin réussi à isoler un détail qui a fait toute la différence : des petits motifs extrêmement discrets qui lui ont rappelé des lettres grecques. Cette observation a motivé Luke Farritor, un doctorant américain, à plonger tête la première dans ce vieux mystère. Il a élaboré un modèle de machine learning pour tenter de déchiffrer ces signes. Et ces efforts ont payé. Il est devenu la première personne à transcrire quelques lettres, révélant ainsi le mot « porphyras » — « pourpre » en grec. Un succès qui lui a permis de remporter un prix de 40 000 $.

Dans la foulée, deux autres contributeurs particulièrement productifs se sont distingués. Le premier était Youssef Nader, un étudiant égyptien qui est parvenu au même résultat que Farritor juste après lui. Le deuxième était Julia Shillinger, un étudiant de l’Institut Fédéral des Technologies de Zurich qui a conçu un outil de segmentation pour cartographier le manuscrit dans son intégralité.Ensemble, ils ont formé un trio de choc qui a réussi à extraire 15 colonnes de texte complètes d’un de ces papyrus carbonisés.

Le résultat de leur travail a été passé à une équipe de papyrologues, des spécialistes de l’étude des manuscrits anciens qui se sont chargés de la traduction. Ils y ont découvert des textes d’un adepte de la philosophie épicurienne qui parlait de musique, de nourriture, et du fait de profiter de la vie. Cette validation spectaculaire a permis aux trois compères de rafler le grand prix de 700 000 $, et de se poser en pointures de l’archéologie analytique avant même d’avoir terminé leurs études. Quel début de carrière !

Une approche révolutionnaire qui va transformer l’archéologie

Mais le plus intéressant, c’est qu’il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg. En effet, les chercheurs espèrent désormais pouvoir appliquer cette technique à tous les autres papyrus d’Herculanum. Plus de 800 documents de ce type ont déjà été exhumés, et il en reste probablement des tas d’autres qui attendent sagement d’être découverts.

« Nous n’avons toujours pas trouvé la bibliothèque principale de la villa, qui contient sans doute beaucoup plus de littérature grecque et latine », explique l’historien Garrett Ryan sur le site de la compétition. « Des milliers, voire des dizaines de milliers de rouleaux doivent encore être enterrés. Si ces textes sont découverts, même si seulement une fraction d’entre eux peut être déchiffrée, ça va transformer complètement notre connaissance de la vie et de la littérature d’époque. Ça serait l’avancée la plus importante à ce niveau depuis la Renaissance », jubile-t-il.

Il sera donc fascinant de suivre les retombées de ces travaux, et de savourer toutes les découvertes magistrales qui pourraient émerger dans un futur proche grâce à ces nouveaux outils à base de machine learning. Certains spécialistes parlent déjà d’un moment historique, d’un véritable tournant générationnel susceptible de marquer le début d’une nouvelle ère de l’archéologie.

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7 commentaires
  1. Alors … ” Achtez du poisson , un peu de raisin … et passer au caviste pour acheter du zythogala …”

  2. Enfin un article bien ecrit ! C’est tellement rare dans la presse numerique, il faut donc le souligner.
    Clair, précis et passionnant à lire.
    Je ne fais jamais de commentaires habituellement mais la qualité de cet article m’en a donné envie.
    Bravo a la journaliste junior, continuez comme ça.

  3. Des textes considérés comme perdus écrits par les auteurs antiques pourraient être re-découverts! Oui forcément parmi ces papyrus certains doivent traiter de sujets banals mais ça reste une avancée extrêmement prometteuse.

  4. M FAGE, je connais l’histoire latine que j’ai apprise au collège. L’éruption du Vésuve a bien eu lieu en 79 av JC sous le règne de l’empereur TITUS -78 à -80 av JC. La gaule n’était pas conquise.

  5. Monsieur Trouve
    Pompéi et Herculanum ont été ensevelies en 79 APRÈS J-C….
    Quelle audace d’affirmer une énormité comme vous le faites….tout comme le règne de Titus qui lui aussi est APRÈS J-C….et la Gaule était donc conquis….Monsieur Trouve…vous avez perdu😜

Les commentaires sont fermés.

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