En explorant la jungle de micro-organismes qui résident dans le corps humain, une équipe de l’Université de Stanford a fait une découverte étonnante : les chercheurs sont tombés sur ce qui semble être une toute nouvelle classe d’entités biologiques présentes en abondance dans le microbiote humain. Ces objets, baptisés « obélisques », présentent quelques points communs avec les virus sans toutefois rentrer dans la même catégorie.
Leur première caractéristique, c’est la structure particulière de leur génome. Il semble composé entièrement d’ARN, l’alter ego de l’ADN qui sert d’intermédiaire dans la synthèse des protéines indispensables au bon fonctionnement de l’origénisme. À ce niveau, ils ressemblent donc à certains autres virus. On peut citer ceux qui provoquent la fièvre hémorragique Ebola ou le COVID-19.
Une petite boucle d’ARN
Mais ces nouvelles entités se distinguent de ces derniers par leur structure. Dans les obélisques, tout cet ARN est empaqueté sous forme de toutes petites boucles. À ce titre, ils rappellent fortement une autre catégorie : les viroïdes. Il s’agit d’une classe de particule virale découverte dans les années 70. Ces objets sont composés d’une seule boucle d’ARN circulaire, et dépourvus de la capside protectrice qui enveloppe le matériel génétique de nombreux virus.
En outre, le génome de ces viroïdes ne semble encoder aucune protéine. A la place, ils interagissent directement avec le génome de leurs cibles. Les premiers exemples ont été identifiés chez les plantes, où ils sont à l’origine de maladies potentiellement dévastatrices. Ils peuvent donc avoir un impact important sur les cultures, ce qui a poussé les chercheurs à creuser davantage.
On pensait initialement que ces viroïdes n’existaient que chez les plantes. Mais d’autres découvertes sont rapidement venues nuancer cette idée préconçue. Au fil de ces travaux, les biologistes ont découvert des structures qui ressemblaient à s’y méprendre à ces viroïdes chez d’autres êtres vivants, même s’ils ne correspondaient pas exactement.
Par exemple, on sait désormais que le virus de l’hépatite D est aussi composé d’une boucle d’ARN. Plus récemment, d’autres exemples ont été identifiés chez des champignons et de nombreuses espèces animales. Aujourd’hui, la chasse à ces petites boucles est devenue un champ de recherche très actif.
Pas vraiment des virus
Dans la continuité de ces travaux, les chercheurs de Stanford ont commencé à chercher des objets comparables chez les humains. Pour y parvenir, ils ont développé un programme sophistiqué dont l’objectif est d’analyser des bouts de génome du microbiote humain pour identifier des séquences de nucléotides susceptibles de former ce fameux cercle. Ils ont ensuite appliqué leurs conclusions à une vaste base de données publique composées de 5,4 millions de séquences génétiques de microbes présents dans le corps humain.
Au bout du processus, ils ont identifié près de 30 000 objets d’intérêt. Ils présentaient tous cette forme très particulière. Mais il ne pouvait pas s’agir de virus à proprement parler, car ils étaient bien trop petits (généralement autour des 1000 nucléotides).
En outre, ils présentaient des séquences susceptibles d’encoder des protéines impliquées dans la réplication de l’ARN. Cela les rend plus complexes que de simples viroïdes. Les auteurs de l’étude en ont donc déduit qu’ils avaient affaire à une nouvelle catégorie d’objets qui méritait d’avoir son propre nom.
Des implications pour la médecine… et les origines de la vie
Ce qui rend ces travaux potentiellement très importants, c’est que la présence des obélisques est loin d’être anecdotique. En effet, les chercheurs en ont trouvé dans 7 % des bactéries du microbiote intestinal, et dans la moitié des bactéries typiquement présentes dans la bouche.
Il y a donc fort à parier qu’ils participent d’une manière ou d’une autre au grand ballet de micro-organismes qui est si important pour le fonctionnement de notre corps. Désormais, toute la question va être de savoir quel rôle ces obélisques pourraient jouer dans ce système. « C’est très intéressant de se demander ce que les obélisques font là, et comment elles pourraient affecter tout cet équilibre », explique Anamarija Butković, virologue à l’Institut Pasteur citée par Nature.
Et la cerise sur le gâteau, c’est que ces travaux pourraient bien dépasser le cadre de la médecine. En effet, puisque les viroïdes sont relativement petits, simples et capables de s’autorépliquer, certains chercheurs pensent qu’ils pourraient avoir joué un rôle central dans l’apparition de la vie sur Terre. Par analogie, l’étude des obélisques pourrait donc révéler des détails cruciaux sur nos origines.
Le texte de l’étude en prépublication est disponible ici.
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