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Vous pouvez désormais jouer à Doom grâce à des bactéries

A condition d’avoir accès à un laboratoire de biologie, quelques compétences en programmation… et beaucoup, beaucoup de temps.

À chaque fois que quelqu’un imagine un nouveau type de système informatique original, la communauté des gamers a tendance à se poser la même question : peut-il faire tourner Doom ? Au fil des années, des bidouilleurs ont réussi à jouer au titre légendaire d’id Software sur des tas d’appareils plus insolites les uns que les autres, des calculatrices scientifiques aux montres connectées en passant par les tests de grossesse.

Récemment, c’est Lauren Ramlan, une doctorante du prestigieux MIT, qui a apporté sa contribution à cette pratique insolite. Dans une vidéo repérée par RockPaperShotgun, elle a imaginé une façon de jouer à Doom… sur un écran à base de bactéries.

Conceptuellement, l’idée est assez simple. Il s’agit de reproduire le fonctionnement d’un écran binaire, capable d’afficher seulement du blanc ou du noir, en utilisant des bactéries en guise de pixels. Plus spécifiquement, il s’agit d’E. coli, une bactérie que l’on trouve naturellement dans le système digestif de presque tous les organismes à sang chaud.

Cette petite bête est aussi l’un des modèles les plus courants dans des tas de branches de la biologie. Une petite requête sur le moteur de recherche académique Google Scholar révèle qu’au moins 4 200 000 études scientifiques ont déjà été conduites sur cette espèce, et le nombre réel est sans doute beaucoup plus élevé.

Lors de ces travaux, E. coli fait régulièrement l’objet de modifications génétiques qui consistent à y insérer un gène responsable de la production de GFP (green fluorescent protein). Comme son nom l’indique, il s’agit d’une protéine fluorescente verte qui est généralement utilisée pour mettre différents phénomènes chimiques en évidence.

Du cel-shading au cell-shading

Mais Ramlan avait une autre idée derrière la tête : exploiter la GFP pour imiter le fonctionnement des points lumineux qui constituent un écran.

La doctorante est partie d’une souche modifiée qui contenait ce gène GFP, mais aussi un gène promoteur et un gène inhibiteur. Ces derniers offrent un certain degré de contrôle sur cette lumière. Il suffit de mettre les bactéries au contact d’une protéine appelée AHL pour lever l’inhibition et déclencher la fluorescence. Dans ce contexte, cela revient à allumer un pixel.

À partir de là, elle a établi un modèle à base d’équations différentielles et écrit un code en Python pour décrire la concentration des différentes espèces chimiques nécessaires au fonctionnement du système. Ramlan a ensuite écrit un autre programme pour convertir les images de Doom. La première étape était de compresser les graphismes au même format que ses plaques de culture de bactéries, soit 32 x 48 pixels.

Ensuite, un autre morceau de code se charge d’identifier quels pixels dépassent un certain niveau de luminosité. Cela permet de déterminer quelles bactéries doivent recevoir la protéine AHL qui déclenche la fluorescence. Ou en d’autres termes, lesquels de ces « biopixels » doivent être allumés. Au bout du processus, elle a donc obtenu un système qui permet de jouer à Doom grâce à une interface entièrement biologique !

Un taux de rafraîchissement qui se mesure en heures

Du moins, en théorie, car les performances sont évidemment très limitées. Si limitées, en fait, que la doctorante s’est contentée d’une simulation pour obtenir des données à ce niveau. Et pour cause : la fluorescence prend un peu plus d’une heure à se manifester, et plus de huit heures pour disparaître ! Rien à voir avec les pixels classiques, dont le temps de réponse se mesure en millisecondes.

On obtient donc un framerate d’environ une image toutes les 8,3 heures, alors que certains moniteurs modernes peuvent dépasser les 400 images par seconde. À ce rythme, Ramlan estime qu’il faudrait environ… 600 ans pour terminer ce jeu que les speedrunners arrivent à boucler en une grosse demi-heure.

La bio-informatique, un champ de recherche fascinant

Il convient de préciser à nouveau que ce ne sont pas les bactéries qui apportent la puissance de calcul nécessaire ; elles se chargent uniquement de l’affichage. Mais d’autres apprentis sorciers de la bio-informatique ont déjà réussi à faire tourner des programmes en utilisant des éléments biologiques. Par exemple, en 2022, des chercheurs américains ont réussi à apprendre les rudiments de Pong à un « mini-cerveau » artificiel constitué de neurones humains.

Si cette thématique vous intéresse, nous vous recommandons aussi cette fascinante expérience du vidéaste Thought Emporium (en anglais). Il travaille sur un système de machine learning biologique à base de cellules de rats capable d’apprendre à jouer à Doom. Autant de preuves de concept saisissantes qui suggèrent que les systèmes bio-informatiques, et tout particulièrement ceux appliqués à l’IA, pourraient avoir de beaux jours devant eux.

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