Les pratiques médicales évoluent constamment à la lumière de nouvelles recherches, et c’est tant mieux. Une étude récemment publiée dans Nature Medicine a conclu que la maladie d’Alzheimer, une grave maladie neurodégénérative, a été transmise d’un patient à l’autre lors d’un protocole de traitement qui est entièrement proscrit de nos jours.
Selon l’Institut pour la recherche sur Alzheimer britannique, cette histoire s’est déroulée entre 1959 et 1985. Elle concerne un groupe d’environ 1800 personnes de petite taille, suspectées d’être touchées par un problème de croissance d’origine hormonale. Pour leur permettre de grandir plus vite, des médecins ont eu recours à une procédure qui ferait pousser des cris d’effroi à n’importe quel praticien moderne : ils leur ont injecté des hormones de croissance prélevées dans des cerveaux de cadavres, et plus spécifiquement dans leur hypophyse.
Une procédure interdite depuis belle lurette
Cette pratique a fini par être bannie dans les années 80. En effet, de plus en plus de spécialistes ont suggéré qu’elle aurait pu contribuer à transmettre la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Il s’agit d’une autre maladie neurodégénérative aux conséquences encore plus terribles, qui conduit à une démence puis à la mort. Elle est due à l’accumulation d’un prion, une forme anormale d’une protéine mal repliée sur elle-même. À ce titre, la maladie est souvent considérée comme l’équivalent humain de la vache folle.
Mais malheureusement, certains patients font encore les frais de cette procédure aujourd’hui. Des chercheurs de l’University College de Londres ont identifié cinq patients qui ont développé des symptômes de la maladie d’Alzheimer après avoir reçu ce traitement, alors qu’ils ne souffraient d’aucune prédisposition génétique ou d’autres facteurs de risque notable.
Dans leur étude, ils estiment que l’hormone de croissance injectée aux patients lorsqu’ils étaient plus jeunes pouvait aussi avoir contenu des fragments de substance amyloïde — un agrégat de protéines mal repliées qui est l’un des principaux marqueurs d’Alzheimer.
Quels sont les risques ?
Le cas échéant, il s’agirait de la preuve la plus concrète à ce jour que la maladie est techniquement transmissible d’un individu à l’autre. Mais les chercheurs insistent lourdement sur un point de leur étude qui pourrait être mal interprété : leurs travaux ne signifient en aucun cas que la maladie est contagieuse au sens traditionnel du terme. À l’heure actuelle, absolument rien n’indique qu’il est possible de la transmettre de la même façon qu’une grippe, par exemple.
Ces cas sont excessivement rares, et jusqu’à preuve du contraire, ils sont tous liés à cette procédure éthiquement problématique et désormais interdite. Par conséquent, « cette transmission de la maladie de cerveau à cerveau ne devrait jamais se reproduire », indique Andrew Doig, professeur de biochimie à l’Université de Manchester interviewé par le Guardian.
Il n’y a donc aucune raison de traiter les personnes atteintes d’Alzheimer comme des pestiférés. C’est même tout le contraire. D’autres études suggèrent que les interactions sociales et la stimulation intellectuelle pourraient avoir un impact positif sur le développement de la maladie, même s’il est très difficile d’obtenir des conclusions claires par rapport à cette affliction qui peut prendre des formes très différentes.
Une piste de recherche
La “bonne” nouvelle, c’est que les victimes de cette procédure pourraient un jour permettre de sauver d’autres patients. Leurs cas ont permis aux chercheurs d’obtenir des données précieuses sur les mécanismes physiologiques associés aux plaques amyloïdes, et par extension, sur la manière dont la maladie d’Alzheimer peut progresser dans le cerveau.
Dans leur communiqué, ils expliquent que c’est typiquement le genre d’information dont la recherche a besoin pour se rapprocher d’un éventuel traitement. Car malgré tous les efforts des spécialistes, il n’existe toujours pas de traitement capable de soigner entièrement la maladie à ce jour. Avec un peu de chance, ces travaux contribueront un jour à améliorer les perspectives d’avenir de toutes les familles dévastées par ce diagnostic aux implications extrêmement lourdes.
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