Malgré sa surface relativement faible, le Japon est particulièrement exposé aux tsunamis, ces vagues colossales qui peuvent dévaster des centaines de kilomètres de côte en un clin d’œil. Malgré sa surface relativement faible, l’archipel nippon subit environ 20 % des tsunamis à l’échelle globale selon les statistiques des Nations unies.
Une des stratégies les plus efficaces pour se prémunir contre cette menace consiste à construire d’énormes digues mobiles, enterrées près des côtes, qui peuvent se déployer rapidement à l’approche d’une vague meurtrière.
Ces structures peuvent être relativement efficaces pour limiter les dégâts lorsqu’elles sont bien conçues. Mais elles posent aussi un autre problème. Si la vague endommage le réseau électrique, il peut être impossible de replier ces digues. Elles peuvent devenir des obstacles qui compliquent au port, et retarder l’arrivée de ressources humanitaires vitales dans la zone sinistrée.
Mi-digue, mi centrale marémotrice
Pour éviter ce scénario, l’Institut des Technologies de Tokyo a développé un nouveau concept de digue mobile capable de produire elle-même de l’énergie. Selon TechXplore, elle exploite la différence dans le niveau de l’eau de part et d’autre de la structure. Lorsqu’elle est plus haute d’un côté, elle cherche à s’écouler de l’autre pour rétablir un équilibre. Les ingénieurs exploitent ce phénomène en forçant le liquide à passer dans une ouverture sous-marine de 30 centimètres. Ce tunnel est garni de petites turbines, qui peuvent donc produire de l’électricité pendant le passage de l’eau.
Le concept en lui-même n’a rien de nouveau. À peu de choses près, c’est le même principe qui est déjà utilisé des centrales marémotrices, comme celle de l’estuaire de la Rance. En revanche, c’est la première fois qu’il est mis en place dans une structure mobile qui sert avant tout de protecion.
« À notre connaissance, il n’y a pas encore d’autre système dans le monde qui utilise une digue mobile pour générer de l’électricité, et qui utilise ce courant pour alimenter le système lui-même », explique Hiroshi Takagi, chef de l’équipe d’ingénieurs cité par New Atlas.
Dans leur étude, les chercheurs ont identifié 20 ports où cette technologie pourrait faire une différence significative. Ils sont tous positionnés en face de la fosse de Nankai. Il s’agit d’une zone de subduction qui produit en moyenne un tremblement de terre dévastateur chaque siècle, et ces derniers peuvent eux-mêmes être à l’origine de tsunamis catastrophiques.
A la croisée de la prévention et des énergies vertes
La cerise sur le gâteau, c’est que cette digue pourrait aussi s’avérer utile en l’absence de tsunami. Il suffirait de déployer la structure en dehors des périodes d’activité pour obtenir une source d’énergie verte.
Certes, le rendement serait bien plus modeste que celui d’une vraie centrale marémotrice dédiée. Mais il s’agit tout de même d’un avantage non négligeable. « Nos découvertes tracent les contours d’une approche synergique entre la prévention des catastrophes et les énergies renouvelables », souligne Takagi.
Une stratégie nationale de défense contre la nature
Plus largement, ces recherches s’inscrivent dans le cadre d’une grande stratégie nationale de défense contre les caprices de la nature. Le Japon a la particularité d’être à la merci d’une multitude de menaces naturelles, des séismes aux typhons en passant par les glissements de terrain ou les éruptions volcaniques.
Les autorités nipponnes ont donc pris le taureau par les cornes, investissant des sommes énormes dans la prévention et la défense contre ces phénomènes. Cela se manifeste notamment par le financement d’institutions de recherche de pointe comme E-defense, un énorme laboratoire où des chercheurs peuvent construire des bâtiments entiers sur une immense plaque vibrante pour étudier leur résistance à divers phénomènes sismiques.
Ces efforts ont encore été accentués depuis le terrible séisme et le tsunami qui a frappé Tohoku en 2011. Près de 20 000 personnes ont perdu la vie et de nombreuses infrastructures critiques ont subi des dégâts, à commencer par la fameuse centrale nucléaire de Fukushima. Cet incident a motivé l’archipel nippon à accélérer la redéfinition complète des normes de construction, à mettre en place des systèmes d’alerte encore plus avancés, à renforcer l’éducation, et à densifier ses réseaux de coopération internationale.
Cette démarche préventive a produit des résultats assez spectaculaires, et l’infrastructure japonaise est aujourd’hui l’une des plus résilientes au monde. Mais le pays n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Il cherche toujours d’autres manières de diminuer les conséquences de ces catastrophes. Si les tests sont concluants, il y a donc de bonnes chances que cette nouvelle digue mobile autoalimentée rejoigne bientôt l’arsenal défensif du Japon.
« Si cette technologie peut s’établir fermement à travers nos recherches, il n’y a aucun doute qu’elle pourrait constituer une méthode de prévention innovante contre les catastrophes naturelles », conclut Takagi.
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