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Mark Zuckerberg veut une intelligence artificielle générale open source, et on n’y croit pas

Le patron de Meta est en train d’armer son entreprise pour qu’elle puisse concurrencer les ténors du secteur dans la course à l’intelligence artificielle généraliste. Il annonce aussi son intention d’adopter un modèle open source… mais il y a de quoi être sceptique.

Aujourd’hui, un certain nombre d’entreprises de tout premier plan dans le domaine de l’IA poursuivent le même objectif : concevoir une intelligence artificielle générale (ou AGI, pour Artificial General Intelligence), c’est-à-dire susceptible de réaliser toutes les tâches intellectuelles dont les humains sont capables. On peut notamment citer OpenAI ou DeepMind. Mais ce jeudi, un nouveau concurrent est entré dans l’arène : Mark Zuckerberg a annoncé que Meta allait désormais se focaliser sur la construction d’une AGI, et au format open-source s’il vous plaît.

« C’est devenu de plus en plus clair que la prochaine génération de services nécessite de construire une intelligence artificielle entièrement générale », a-t-il déclaré dans une vidéo postée sur Instagram. “Construire les meilleurs assistants IA, les meilleures IA pour les créateurs, pour le commerce, et ainsi de suite — cela nécessite des avancées dans tous les domaines de l’IA, du raisonnement à la planification en passant par la programmation, la mémoire, et les autres capacités cognitives”. 

 

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Une grande campagne de séduction

Concrètement, cela va se traduire par une grande restructuration interne de l’entreprise. FAIR (Fundamental AI Research), le groupe de recherche IA de Meta, va se rapprocher de l’autre branche qui est aujourd’hui spécialisée dans la production d’IA générative pour les différents services de l’entreprise.

Cette manœuvre est sans doute une manière d’encourager les esprits les plus brillants de l’industrie à adhérer à sa vision, en leur garantissant qu’ils vont s’inscrire dans un projet très ambitieux sur le long terme. En effet, la tech a toujours été une industrie très compétitive où les professionnels les plus talentueux, ceux qui sont le plus à même de faire émerger de vraies innovations très rémunératrices, sont excessivement rares. Ils s’arrachent à prix d’or, et n’hésitent pas à changer d’écurie pour travailler sur des thématiques qu’ils jugent plus stimulantes.

C’est d’autant plus vrai dans une jeune industrie comme l’IA, et les poids lourds du secteur font des pieds et des mains pour s’attacher les services des gens les plus compétents. Nous l’avons par exemple constaté en 2022 avec Ian Goodfellow qui a quitté Apple pour rejoindre Deep Mind, ou plus récemment pendant l’imbroglio autour du renvoi de Sam Altman, avec Microsoft qui était prêt à saisir cette opportunité d’absorber des centaines d’employés d’OpenAI.

Zuckerberg semble avoir bien compris que ces ressources humaines seront un facteur déterminant dans la viabilité de son projet. Et le fait d’assembler ainsi une énorme équipe de professionnels extrêmement qualifiés sera sans doute un argument de poids.

Un investissement énorme dans le hardware IA

Encore faut-il que cette task force ait de quoi travailler — et là encore, le Zuck ne compte pas lésiner sur les moyens. Il compte faire l’acquisition d’une montagne de matériel de pointe pour se construire une force de frappe sans équivalent. “Nous construisons une infrastructure absolument massive pour supporter cela », a-t-il déclaré. « D’ici la fin de l’année, nous aurons environ 350 000 Nvidia H100, ou environ 600 000 équivalents si l’on inclut les autres GPU”.

Pour référence, le H100 est actuellement le nec plus ultra du hardware spécialisé dans l’IA. Au même titre que les professionnels qualifiés, il s’agit d’une ressource rare que tous les cadors du secteur s’arrachent, à tel point qu’Nvidia ne parvient même plus à suivre le rythme en termes de production. Elles se vendent généralement autour des 25 000 € pièce, et nous parlons donc d’un investissement qui devrait approcher les… 9 milliards.

Avec une telle puissance de calcul à sa disposition, Meta sera instantanément propulsé parmi les leaders de cette industrie. En fait, à l’heure actuelle, il n’y a que Microsoft qui pourrait rivaliser sur ce terrain. « Nous avons construit une capacité de travailler à une échelle potentiellement plus importante que n’importe quelle autre entreprise », a déclaré Zuckerberg.

Être ou ne pas être open source, telle est la question

Mais le point central de la grande annonce du géniteur de Facebook, c’est qu’il semble déterminé à partager son AGI avec le reste du monde au format open source. « Cette technologie est si importante que nous devons nous assurer qu’elle soit accessible au plus grand nombre », explique-t-il dans sa vidéo.

À première vue, il s’agit d’une bonne nouvelle. En effet, la question du contrôle de l’écosystème IA — et tout particulièrement des premières AGI — est absolument fondamentale. On peut d’ores et déjà affirmer que la première entreprise à y parvenir bénéficiera d’un pouvoir sans équivalent. Or, ces dernières années, nous avons déjà constaté à quel point ce genre de quasi-monopole sur tout un pan de l’écosystème numérique (comme, au hasard, les réseaux sociaux) peut avoir des conséquences assez terribles. Le fait que Meta envisage de renoncer à ce contrôle de son plein gré est donc plutôt rassurant.

Il convient toutefois de prendre ce genre d’affirmations avec des pincettes. Car dans le monde de la Big Tech, ce genre de philosophie altruiste a tendance à s’évaporer en un clin d’œil lorsque les bénéfices commencent à arriver. Tout le monde se souvient qu’en 2011, Facebook avait assuré que les données de ses utilisateurs ne seraient jamais partagées sans leur consentement explicite… une phrase qui a décidément très mal vieilli.

Au-delà des réseaux sociaux, il y a aussi des exemples très éloquents dans la niche de l’IA qui montrent qu’il ne faut pas attendre monts et merveilles en termes d’accès libre. On peut notamment citer OpenAI, qui a commencé avec un modèle à but non lucratif et la volonté d’open-sourcer son travail… avant de faire complètement machine arrière pour des raisons de “sécurité”, en expliquant qu’il serait imprudent de mettre un tel outil entre toutes les mains pour le moment.

Pourtant, Zuckerberg ne s’est pas privé de glisser un petit tacle aux troupes de Sam Altman dans une interview à The Verge, sans toutefois les citer explicitement. “Il y a toutes ces entreprises qui étaient ouvertes, qui publiaient, et expliquaient comment elles allaient mettre leur travail en open source. Je pense qu’on voit aujourd’hui une tendance, avec des gens qui ont réalisé : “Tiens, ça va bientôt avoir une grande valeur — ne le partageons pas.””

S’agit-il donc d’une promesse ? Zuckerberg s’est-il vraiment engagé à proposer une AGI open source ? Pas si vite. Car dans la même interview à The Verge, il a également pris soin d’assurer ses arrières… avec une rhétorique qui rappelle drôlement celle de Sam Altman. Ironie, quand tu nous tiens.

Tant que ça aura du sens, et que ce sera une approche sûre et responsable, je pense qu’en règle générale, nous voudrons tendre vers l’open source. Mais évidemment, vous ne voulez pas vous retrouver forcé de faire quelque chose parce que vous avez dit que vous le feriez…” Chassez le naturel, et il revient au galop.

Personne ne sait aujourd’hui qui sera le premier à produire une véritable intelligence artificielle générale, ni même si quelqu’un y parviendra un jour. Mais ce qui est certain, c’est que le Zuck a encore de la suite dans les idées, et la ferme intention de façonner le futur du numérique à sa manière. Il conviendra donc de suivre l’avancement de ces travaux avec une attention toute particulière, car il est fort probable que nous soyons à l’aube d’une nouvelle révolution technologique dans laquelle Meta compte bien jouer les premiers rôles.

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