L’exception française. Depuis la fin des années 80, la France est le seul pays à réglementer la diffusion des métrages projetés dans ses salles sur le petit écran. Avec l’émergence des réseaux linéaires, le gouvernement avait fait naître une loi visant à protéger les salles obscures de la démocratisation du divertissement à la maison, bien avant que les plateformes de streaming ne fassent leur entrée dans la danse. Depuis, cette chronologie des médias a bénéficié de plusieurs révisions pour s’adapter au marché changeant, et notamment la démocratisation de la SVOD. Le dernier changement en date remonte à l’année 2022, au sortir d’une crise sanitaire ayant entraîné la fermeture des cinémas pendant plusieurs mois et la multiplication des offres du genre. Depuis bientôt deux ans, Disney+, Prime Video et Apple TV+ peuvent proposer les films 17 mois après le début de leur exploitation sur le grand écran, contre 36 auparavant. Netflix profite quant à elle d’un traitement de faveur au regard de son investissement plus important dans la création locale.
Si ces nouvelles dispositions sont plus favorables aux acteurs de la SVOD, elles continuent d’être au cœur de nombreuses tensions entre les géants de l’industrie et le ministère de la Culture. Disney+ avait par exemple engagé un bras de fer avec l’institution française en privant les cinémas français du film Avalonia : l’étrange voyage et en menaçant d’en faire de même pour Black Panther : Wakanda Forever. Si le film Marvel avait finalement bénéficié d’une exploitation cinématographique dans nos vertes contrées, Disney rappelle régulièrement les contraintes que représente cette chronologie des médias pour ses activités. Selon une enquête réalisée par BFM TV, il existe une zone grise dont les différentes entreprises du secteur pourrait s’emparer.
Un nouveau film pour une nouvelle vie
Ridley Scott a annoncé il y a plusieurs mois avoir préparé une version “Director’s Cut” de son film Napoléon. Longue de plus de quatre heures et demie, elle inclurait des scènes principalement consacrées à Joséphine, de celles qui ont été coupées pour éviter que le film original ne passe la barre des trois heures. Alors que les États-Unis attendent encore de pouvoir profiter du film porté par Joaquin Phoenix en streaming, Apple TV+ pourrait-elle trouver une solution pour lui permettre d’investir son catalogue en France à la même période ? Cette version promettant d’être très différente de celle diffusée au cinéma, elle ne devrait logiquement pas tomber sous le coup de la chronologie des médias. BFM TV — qui cite une source anonyme proche du secteur — explique ainsi que ces considérations sont assez nouvelles pour ne pas avoir été anticipée par la chronologie des médias. Profitant d’un autre visa d’exploitation, elle ne serait ainsi pas considérée comme ayant déjà été proposée au cinéma. “On est dans une zone grise, le CNC devrait se prononcer au cas par cas”, l’intervenant prévient néanmoins qu’il doit s’agir de “deux œuvres différentes, que ce soit un souhait du réalisateur”.
Rien n’indique pour l’heure que ce soit la voie qu’Apple TV+ et ses concurrents décideront d’emprunter à l’avenir. C’est un jeu dangereux pour les studios, qui ont tout à gagner à conserver de bonnes relations avec les exploitants de salles et les institutions gouvernementales françaises. Des sources proches du milieu de la SVOD confient à nos confrères : “Sur le papier, utiliser un autre visa d’exploitation est possible. Mais cela pourrait susciter une énorme levée de bouclier de la part des exploitants de salles”. C’est d’autant plus vrai en 2024, à l’heure où la chronologie des médias s’apprête à connaître une nouvelle révision. La présidente de Disney France, Hélène Etzi expliquait récemment à Ouest France que de premières discussions devraient avoir lieu plus tard cette année.
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