Dans une étude repérée par ScienceAlert, des chercheurs néerlandais ont confirmé qu’il existe bel et bien plusieurs variantes distinctes de la maladie d’Alzheimer. Elles présentent toutes des différences non négligeables dans la façon dont elles affectent le cerveau et, potentiellement, dans la façon dont elles répondent aux traitements. Ces travaux pourraient donc avoir des implications importantes au niveau clinique.
Pour arriver à cette conclusion, ils ont analysé le fluide cérébrospinal — le liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière — de 606 personnes, 419 atteintes d’Alzheimer et 187 patients sains en guise de groupe de contrôle.
À l’aide d’une technique appelée séquençage des protéines par spectrométrie de masse, ils ont réalisé un grand inventaire des protéines présentes dans ce liquide. Au total, ils ont identifié 1058 protéines différentes susceptibles d’être utilisées en tant que marqueur. En analysant leur concentration, les chercheurs ont pu dresser un profil pour chaque patient.
Cinq variantes distinctes de la maladie
Après avoir passé les résultats au peigne fin, ils ont constaté que les 419 sujets pouvaient être répartis dans cinq catégories distinctes qui correspondent chacune à une variante de la maladie. Chacun de ces sous-types est caractérisé par des écarts significatifs dans les quantités de protéines associées à différents processus moléculaires.
Le premier est défini par des protéines liées à la neuroplasticité — les processus qui permettent au cerveau de modifier la structure des neurones au fil du développement et de l’apprentissage. Dans ce cas de figure, un problème dans la régulation de la croissance des cellules conduirait à l’accumulation des fameuses plaques amyloïdes et des protéines tau souvent, deux objets associés aux symptômes d’Alzheimer.
Le deuxième sous-type concerne les mécanismes du système immunitaire inné, qui peut souffrir d’un dérèglement qui le pousse à attaquer des structures pourtant saines du cerveau
La troisième catégorie est définie par des protéines associées à des problèmes dans la régulation de l’ARN qui empêchent les cellules nerveuses de fonctionner correctement.
Le quatrième groupe présente des protéines typiques d’un dysfonctionnement du plexus choroïde, une structure du cerveau qui joue un rôle central dans la production du liquide cérébrospinal. Lorsqu’il est touché, cela peut affecter l’approvisionnement du cerveau en nutriments.
Enfin, la cinquième et dernière catégorie rassemble des patients qui présentent des protéines généralement associées à une déficience de la barrière hémato-encéphalique, qui sert de séparation et d’interface entre la circulation sanguine et le système nerveux central.
Des implications importantes pour la recherche
Cette classification pourrait s’avérer très importante dans la prise en charge. Historiquement, Alzheimer a longtemps été considéré comme une maladie unique. Mais de plus en plus de travaux montrent désormais que le tableau clinique est loin d’être homogène chez tous les patients. Or, malgré cet état de fait, ces différences n’ont pas toujours été prises en compte par les laboratoires qui tentent de développer des traitements.
Concrètement, cela signifie que certains des médicaments testés par le passé pourraient avoir été jugés inefficaces et donc écartés à tort. Il est probable que certains traitements ne conviennent pas à certains patients atteints d’une variante spécifique de la maladie, et qu’ils pourraient s’avérer plus efficaces pour soigner un autre sous-type. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi les traitements actuels rencontrent un succès assez limité.
« Compte tenu des processus moléculaires distincts, et des différents profils de risque génétique de la maladie d’Alzheimer, il est probable que les différents sous-types nécessitent des traitements spécifiques », expliquent les auteurs de l’étude dans leur papier.
Cette distinction pourrait être d’autant plus importante qu’un traitement inapproprié pourrait générer des effets secondaires graves. « Les effets secondaires associés à certains traitements pourraient aussi dépendre du sous-type. Par exemple, un patient de type 5 traité avec des anticorps pourrait présenter un risque accru d’hémorragie cérébrale », expliquent les auteurs.
Ces conclusions ne signifient pas que la prise en charge de la maladie va radicalement changer du jour au lendemain. En revanche, cette nouvelle classification est une référence qui pourrait s’avérer très utile pour les prochaines études sur le sujet.
Elle va aider les chercheurs à abandonner définitivement l’ancien paradigme qui voyait Alzheimer comme une maladie unique, et les encourager à se concentrer plus spécifiquement sur le traitement des différents sous-types. La route est encore longue, mais à terme, cela pourrait enfin déboucher sur des protocoles thérapeutiques plus performants, au moins pour certaines variantes de la maladie.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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