Vu de la Terre, le Soleil semble imperturbable ; nos ancêtres les plus lointains et toutes les civilisations qui ont vécu depuis observaient exactement la même boule de gaz incandescente qui nous illumine et nous réchauffe au quotidien. Pourtant, il n’est pas aussi placide qu’il en a l’air. C’est un objet incroyablement capricieux qui est le siège d’un tas de phénomènes dynamiques, et nous abordons justement une période où il commence à se montrer particulièrement actif. Nous vous proposons donc un petit lexique de circonstance ; voici ce qu’il faut savoir pour mieux comprendre la météo solaire et ses implications.
Le cycle d’activité du Soleil
Parmi tous les éléments du Soleil, il y en a un qui est particulièrement capricieux : son champ magnétique. Il est généré par de puissants flux de plasma — un amas de particules chargées arrachées — qui parcourent continuellement l’étoile, et se comportent donc comme une énorme dynamo.
Or, ce plasma se déplace à des vitesses différentes en fonction de la latitude ; il est nettement plus rapide au niveau de l’équateur. Au fil des rotations, les lignes du champ magnétique solaire se tordent, se croisent et s’entremêlent ; elles accumulent de grandes quantités d’énergie qui finissent par se rompre de façon brutale., ces lignes de champ arrivent donc à un point de rupture ; elles se brisent brutalement, avant de se reconnecter dans une configuration différente pour rétablir l’équilibre du système.
Tous les mécanismes impliqués ne sont pas encore parfaitement compris par les physiciens. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que ces événements ont une conséquence très concrète : tous les onze ans en moyenne, ces changements de configuration provoquent une inversion brutale du champ magnétique.
On peut donc définir un cycle d’activité solaire de onze ans au cours duquel la dynamique de l’étoile change considérablement. Nous approchons en ce moment du pic de ce cycle d’activité (on parle de maximum solaire) ; les astrophysiciens estiment qu’il arrivera à son paroxysme entre janvier et octobre 2024.
Lorsqu’il approche du pic d’activité qui conduit à la rupture (on parle de maximum solaire), on observe notamment un nombre croissant de taches solaires.
Les taches solaires
Lorsque le Soleil approche du pic de son cycle d’activité (on parle de maximum solaire), on observe notamment l’apparition temporaire d’un nombre croissant de taches solaires. Ce sont des régions sombres que l’on peut observer à la surface du Soleil, à condition d’avoir accès au matériel adéquat. Même si elles restent extrêmement chaudes du point de vue des humains, elles sont aussi beaucoup plus froides que les régions avoisinantes.
Elles correspondent à des zones où le champ magnétique est particulièrement intense, ce qui a tendance à ralentir les mouvements du plasma. Par conséquent, ces perturbations sont souvent associées à un tas d’autres phénomènes parfois spectaculaires comme les boucles coronales, de grandes boucles de plasma particulièrement photogéniques.
Les éruptions solaires
Ces taches peuvent aussi être à l’origine d’éruptions solaires. Lorsqu’une ligne de champ magnétique se rompt, elle produit une décharge extrêmement intense de rayons X et gamma, d’ultraviolets et d’ondes radio qui perturbe fortement l’atmosphère du Soleil et les autres objets avoisinants.
Ces éruptions sont classées à l’aide d’une nomenclature un peu particulière. Elle commence par une lettre (A, B, C, M ou X) qui désigne la catégorie de puissance. A désigne les plus petites ; à l’opposé, X désigne les éruptions les plus violentes. Cette lettre est assortie d’un chiffre qui désigne la taille de l’éruption dans cette catégorie. Plus le chiffre augmente, plus elle est violente, et plus la quantité de particules est importante.
Les éjections de masse coronale
Parfois, ces éruptions solaires peuvent être associées à ce qu’on appelle des éjections de masse coronale (CME). Lorsqu’une ligne de champ magnétique se rompt de façon particulièrement brutale, elle peut arracher une immense bulle de plasma, constituée de plusieurs milliards de tonnes de particules chargées. La décharge catapulte ensuite ce nuage dans une direction bien précise à une vitesse prodigieuse, parfois à plus de 3000 kilomètres par seconde !
Les tempêtes géomagnétiques
Parfois, les rayonnements de haute énergie du Soleil peuvent filer droit vers la Terre. La majorité de ces particules chargées se heurtent à une barrière très performante : le champ magnétique terrestre (ou magnétosphère) qui se comporte comme un vaste bouclier.
Cela ne signifie pas qu’elles se dispersent aux quatre coins de l’espace sans laisser de trace. Lorsque le produit d’une éruption solaire ou d’une CME percute la magnétosphère, ce matériel lui transfère une partie du surplus d’énergie accumulé lors du phénomène violent qui les a éjectées jusqu’à chez nous. Cela provoque ce qu’on appelle une tempête géomagnétique.
Leur intensité varie considérablement en fonction de la quantité de particules chargées. Les plus faibles n’ont aucun effet perceptible. Celles d’intensité modérée, en revanche, ont tendance à provoquer des aurores boréales et australes qui brillent de mille feux aux hautes latitudes. Mais au-delà de ces superbes spectacles lumineux, les tempêtes géomagnétiques peuvent aussi avoir des conséquences bien plus ennuyeuses.
Elles peuvent notamment perturber les systèmes de communication et de navigation. Par exemple, sur les derniers mois, les spécialistes ont enregistré plusieurs black-out radio de grande envergure qui ont été attribués aux caprices de notre étoile. Heureusement, elles étaient toujours de courte durée.
Mais le bilan peut encore être bien plus conséquent. Car au-delà d’un certain seul d’intensité, ces tempêtes sont capables de générer un courant électrique non négligeable dans des matériaux conducteurs. Et c’est un gros, gros problème ; en pratique, cela signifie que les éruptions solaires et surtout les CME les plus violentes représentent une menace de premier plan pour notre technologie.
Les objets les plus exposés sont les satellites et les fusées, qui évoluent dans une zone où le champ magnétique terrestre est très légèrement moins intense. Par exemple, en mars 2023, SpaceX a été forcé de retarder le départ d’une fusée pour éviter qu’elle ne rencontre un flux de particules potentiellement dévastateur.
En règle générale, les appareils électroniques situés sur Terre sont relativement épargnés… tant que nous n’avons pas affaire à une tempête géomagnétique extrême, dite de classe G5. Ces dernières sont susceptibles de provoquer des dégâts catastrophiques un peu partout sur la planète.
Pour l’illustrer, le meilleur exemple est sans doute l’Événement de Carrington, en 1859. C’est ainsi qu’a été baptisée l’éruption solaire la plus intense jamais documentée. Elle a provoqué une éjection coronale absolument titanesque qui a enfoncé le champ magnétique terrestre à la manière d’un immense bélier invisible, diminuant ainsi l’efficacité de ce bouclier contre les particules chargées. Par conséquent, de nombreux incendies se sont déclarés spontanément sur l’ensemble du réseau télégraphique, et de nombreux opérateurs ont subi de violentes décharges électriques.
Or, en 1859, l’électricité était loin d’être aussi ubiquitaire qu’aujourd’hui. Si un nouvel événement de type Carrington – ou encore plus puissant – survenait à notre époque, il pourrait véritablement plonger notre société dans le chaos en détraquant les réseaux électriques, les systèmes de communication (y compris l’accès à Internet), les transports, les services sanitaires et de santé, les chaînes logistiques…
Malheureusement, à l’heure actuelle, l’humanité ne dispose d’aucun moyen de se protéger complètement contre ces déluges de particules venues de l’espace. Il conviendra donc de croiser les doigts pour que notre Soleil se montre clément lors de cette phase d’activité intense.
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