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Vulcan Centaur réussit son vol inaugural, Peregrine part pour la Lune

Premier vol de Vulcan Centaur, début du voyage de Peregrine, cargaison… voilà ce qu’il faut retenir de la première grande mission spatiale de 2024.

Ce lundi 8 janvier, peu après huit heures du matin, la fusée Vulcan Centaur d’ULA a décollé depuis le spatioport du Cap Canaveral, manquant ainsi le début d’une épopée importante pour le futur de l’exploration spatiale. Petit résumé des enjeux de cette mission qui devrait se terminer sur la Lune d’ici quelques semaines.

Il s’agissait du premier lancement de Vulcan Centaur, le tout nouveau lanceur lourd d’United Launch Alliance (ULA). Cette entreprise privée, qui fait partie des tauliers de l’aérospatiale américaine, fait le bonheur de ses clients depuis de longues années grâce à la fiabilité exceptionnelle de ses lanceurs Atlas et Delta. Mais elle compte désormais passer un nouveau cap grâce à cette nouvelle fusée, qui va devenir le fer de lance de son armada spatiale.

Il s’agit d’un lanceur lourd propulsé par les moteurs BE4 de Blue Origin. Ce sont des moteurs methalox, au sein desquels le kérosène ou l’hydrogène sont remplacés par du méthane. C’est une approche plus moderne à laquelle tous les grands fabricants sont en train de se convertir, car elle présente des avantages significatifs en termes de logistique et de réutilisation des lanceurs.

Mais c’est aussi une technologie relativement difficile à implémenter. Nous l’avons encore constaté chez SpaceX, qui a eu beaucoup de mal à peaufiner ses fameux moteurs Raptor. Ce n’est qu’en juillet 2023 qu’un lanceur methalox a réussi à atteindre l’orbite terrestre pour la première fois ; il s’agissait de la fusée chinoise Zhuque-2.

Mais contrairement à cette dernière, qui a eu besoin de deux essais pour y parvenir (avec cinq ans d’écart), Vulcan Centaur y est parvenue du tout premier coup. Un sacré tour de force technique qui témoigne de l’expertise des ingénieurs d’ULA. C’est d’autant plus impressionnant qu’il s’agit d’un lanceur relativement lourd, capable d’emporter un peu moins de 30 tonnes en orbite basse. Pour référence, c’est significativement plus que la vedette du moment, le Falcon 9 de SpaceX, qui est limité à un peu moins de 23 tonnes.

Il s’agit donc d’une entrée en matière parfaite pour le nouveau fer de lance d’ULA, et d’une excellente publicité qui va sans doute accentuer la compétition dans l’aérospatiale privée américaine, qui reste pour le moment dominée par SpaceX.

Vers le premier alunissage privé de l’histoire

L’autre point qui rend ce lancement si captivant, c’est qu’il ne s’agissait pas seulement d’une preuve de concept, même si elle était baptisée Cert-1 (pour Certification-1). C’était déjà une véritable mission en bonne et due forme, et avec des enjeux considérables. En effet, Vulcan Centaur a emporté une charge utile très précieuse : l’alunisseur Peregrine, conçu par la société Astrobotics.

Cet engin, déployé par la fusée après environ 50 minutes de vol, est désormais en route pour la Lune. Il devrait s’insérer en orbite de notre satellite dans environ deux semaines avant d’amorcer la descente le 23 février.

Peregrine
© Astrobotic

S’il parvient à se poser, il s’agira d’un succès historique. Ce sera la première fois qu’un engin américain va toucher la surface de la Lune depuis la capsule d’Apollo 17, en décembre 1972. Et surtout, ce sera la première fois de l’histoire qu’une mission privée atteindra cet objectif autrefois réservé aux agences spatiales gouvernementales, comme la NASA.

Ce second point n’est cependant pas garanti. En effet une autre entreprise privée (Intuitive Machines) va bientôt lancer un autre alunisseur baptisé Nova-C, et ce dernier pourrait atteindre la Lune un peu avant Peregrine. Cette course est probablement très importante pour les deux entreprises, sachant qu’une grande première historique est en jeu. Mais pour l’aérospatiale en générale, peu importe qui va arriver le premier. L’important, c’est qu’il s’agirait d’une réussite fondatrice pour tout le New Space, cette seconde course à l’espace dont les entreprises privées (surtout américaines et chinoises pour le moment) sont le principal moteur.

Une cargaison mi-scientifique, mi-symbolique

Cela ne signifie cependant pas que la NASA est totalement absente. Elle a également fourni une partie des instruments qui permettront à Peregrine de participer à l’étude de la Lune. L’engin embarque notamment plusieurs spectromètres qui permettront de mesurer les radiations cosmiques, la quantité d’hydrogène de la surface, ou encore la concentration de différents éléments volatils dans l’atmosphère ténue de la Lune.

Au-delà de l’agence américaine, de nombreux autres acteurs gouvernementaux et privés ont contribué à cette mission en fournissant des capsules remplies d’objets à vocation plus symbolique que scientifique. On peut citer Celestis, une entreprise américaine qui envoie des cendres de personnes incinérées dans l’espace pour leur offrir une sorte de stèle cosmique.

Même d’autres organisations qui ne sont traditionnellement pas spécialement associées à l’aérospatiale se sont jointes à la fête. On peut citer la fondation VideoLAN, qui gère le célèbre lecteur multimédia VLC. Elle a fourni des cartes micro SD d’1TB protégées par des capsules d’aluminium… en forme de cône, comme la célèbre icône du logiciel. Ces cartes contiennent 10 000 messages vidéo fournis par la communauté d’utilisateurs, tous les films de Georges Méliès dont le fameux Voyage dans la lune, ainsi que 1000 des « meilleurs films au monde ».

En plus de ces cartes, les troupes de VideoLan ont aussi ajouté une « arche de Noé ADN ». Elle contient le patrimoine génétique de 50 hommes et femmes sous forme de bulbes de cheveux et de poils, ainsi que l’ADN de 50 animaux grâce à la contribution de l’École vétérinaire de Nantes. Leur paquet à destination de la Lune contient aussi d’autres éléments symboliques amusants comme une reproduction de la Terre à l’échelle 1:1 sous forme de carte Minecraft, un token Dogecoin, une sauvegarde complète de l’encyclopédie numérique Wikipédia, ou encore des œufs d’artémia, un petit crustacé marin qui est souvent élevé dans le cadre de projets éducatifs — de quoi rappeler de beaux souvenirs aux lecteurs du regretté Pif Gadget !

Ils ont aussi eu l’occasion d’y ajouter quelques objets plus personnels. Julien Navas, le « Chief Space Officer » de l’organisation, y a par exemple déposé… un bijou destiné à sa fille. « Si elle devient astronaute un jour, elle pourra le récupérer », s’amuse-t-il avec un sourire.

Une mission déjà compromise ?

Mais pour cela, il faudra aussi que Peregrine arrive jusqu’à la Lune. Astrobotic vient de publier une mise à jour où elle explique que l’engin a rencontré une “anomalie” qui a empêché les ingénieurs de l’aligner correctement.

L’entreprise travaille activement à la résolution de ce problème. Mais même s’ils parviennent à en reprendre le contrôle, il faudra encore que l’engin réussisse son alunissage — un exercice complexe, comme en témoignent les accidents des alunisseurs japonais, indiens et israéliens ces dernières années. Il conviendra donc de suivre attentivement le déroulement de cette mission aussi ambitieuse que fascinante.

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