Les fourmis font partie des êtres les plus fascinants du règne animal, notamment à cause de leurs structures sociales bien établies et des nombreux comportements uniques qui en découlent. Des chercheurs allemands l’ont prouvé une nouvelle fois en observant une espèce capable de réaliser de véritables prouesses médicales, comme reconnaître les signes d’infection et dispenser un véritable traitement antibiotique.
L’équipe, affiliée à l’université de Würzburg, s’est penchée sur les fourmis Megaponera analis. Cette espèce qui vit en Afrique subsaharienne est déjà bien connue des biologistes, car elle présente un tas de particularités remarquables. Elles est notamment connue pour la taille de ses individus; ils peuvent mesurer jusqu’à 2 centimètres de long, ce qui en fait l’une des plus grosses fourmis au monde.
Des guerres brutales contre les termites
Elles se distinguent aussi par leur régime alimentaire. Contrairement à la majorité de leurs cousines, qui sont souvent omnivores, elles se nourrissent exclusivement de termites. Un gibier à haut risque, car comme les fourmis, ce sont des insectes sociaux. Elles vivent au sein d’immenses colonies et se défendent farouchement entre elles. Pour se sustenter, les Megaponera organisent donc de vastes raids et suivent des stratégies d’attaque étonnamment complexes.
Ces combats sont souvent sanglants, car à cette échelle, les termites sont loin d’être des victimes impuissantes. Elles sont dotées de puissantes mandibules qui leur permettent de déchiqueter l’exosquelette de chitine des fourmis. Par conséquent, ces raids font souvent de nombreux blessés de guerre. Beaucoup de soldats rentrent estropiés à la maison. De plus, ces plaies ont tendance à s’infecter, ce qui augmente considérablement le taux de mortalité.
Du point de vue de la colonie, c’est un gros problème, car les reines de Megaponera analis ont une stratégie de reproduction assez atypique. Contrairement à la plupart des reines qui produisent des œufs à un rythme plutôt régulier, les Megaponera le font de façon plus sporadique. Lorsque les conditions sont réunies, par exemple après un raid réussi, elles pondent beaucoup d’œufs dans un intervalle de temps réduit. Mais entre temps, elles ne produisent aucune descendance.
Des petits médecins compétents et bien équipés
La colonie ne peut donc pas se permettre de perdre trop d’individus. Dans le cas contraire, il serait plus difficile de mener ces raids pour subvenir aux besoins du groupe en attendant la prochaine salve d’œufs. Contrairement à d’autres espèces qui misent essentiellement sur le nombre, quitte à sacrifier de nombreux soldats, les Megaponera ont donc développé une stratégie qui consiste à prendre soin de chaque individu.
En pratique, cela se manifeste par un système de soin diablement efficace. Les chercheurs allemands ont observé que les plaies infectées présentent une signature chimique bien précise que toutes les Megaponera sont capables de reconnaître. En d’autres termes, elles savent toutes faire la distinction entre une plaie saine et une blessure infectée. Mais le plus intéressant, c’est qu’elles ne font pas que constater. Au lieu de recycler les nutriments des individus estropiés à l’occasion d’un festin cannibale, elles tâchent de les sauver !
Elles se servent d’une glande située au niveau du thorax qui est capable de sécréter un véritable élixir de soin. Cette substance est composée de 112 substances dont la moitié présentent des propriétés cicatrisantes ou antibiotiques, et les fourmis s’en servent activement pour soigner leurs congénères. Un cas unique dans le monde animal, selon les chercheurs. Et le plus impressionnant, c’est que cette armée de médecins à six pattes fait un travail remarquable. Selon l’étude, ces traitements font chuter le taux de mortalité des fourmis infectées de 90 % !
« À l’exception des humains, je ne connais aucune autre créature vivante qui est capable de dispenser des traitements aussi sophistiqués pour soigner des blessures », explique Erik Frank, auteur principal de l’étude.
Vers de nouveaux antibiotiques pour les humains
La cerise sur le gâteau, c’est que la portée de cette étude dépasse le cadre de la myrmécologie — la branche de l’entomologie qui s’intéresse spécifiquement aux fourmis. Elle pourrait aussi déboucher sur des progrès en médecine.
En effet, il se trouve que la plupart des infections soignées par les Megaponera sont dues à un agent pathogène appelé Pseudomonas aeruginos, qui fait aussi partie des principales causes d’infection chez les humains. En outre, c’est l’une des bactéries les plus difficiles à traiter, car plusieurs souches ont développé de fortes résistances aux traitements antibiotiques. Elles sont donc responsables de plus en plus de maladies nosocomiales qui peuvent être particulièrement dangereuses, en particulier pour les patients immunodéprimés chez qui le taux de mortalité peut atteindre 50 %.
Pour les chercheurs, la prochaine étape va donc être d’analyser plus précisément la composition et le fonctionnement des antibiotiques produits par Megaponera. Avec un peu de chance, cela pourrait mener à la découverte d’une nouvelle famille d’antibiotique susceptible de sauver des vies humaines.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Merci pour cet article qui AMHA est fascinant.
Merci pour cet article aussi intéressant que bien rédigé!