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Une simple bouffée de gaz permet de produire des super-plantes, selon une étude

Des chercheurs américains ont déterminé que le fait d’exposer des graines à de l’éthylène peut accélérer la croissance des végétaux tout en améliorant leur résistance au stress – une combinaison typiquement difficile à obtenir et très prometteuse.

Des chercheurs ont récemment découvert que le fait de traiter des graines de plantes avec du gaz d’éthylène peut avoir un tas d’effets bénéfiques, comme une accélération de la croissance et une résistance accrue au stress.

En biologie végétale, la notion de stress désigne un ensemble de facteurs qui empêchent les plantes de grandir correctement. On peut par exemple citer des stress abiotiques, comme le manque d’eau ou une température trop éloignée des conditions idéales. Il y a aussi des stress biotiques provoqués par des insectes, champignons ou micro-organismes pathogènes, ou encore des stress oxydatifs produits par différents types de produits chimiques susceptibles de nuire au bon fonctionnement des cellules.

Un compromis permanent entre croissance et résistance

Pour tous les professionnels qui travaillent avec des plantes, et en particulier les agriculteurs, la gestion de ces facteurs est donc une priorité absolue, car cela influe directement sur le rendement des cultures. C’est en partie pour cette raison que les humains se sont tournés vers la sélection et les modifications génétiques.

Le problème, c’est que ces modifications sont toujours une affaire de compromis. Par exemple, lorsqu’on modifie une variété pour en augmenter le rendement, la plante doit forcément mobiliser plus de ressources pour sa propre croissance, et cela se fait souvent au détriment de la protection contre le stress. À l’inverse, lorsqu’on produit des plantes plus tenaces, elles ont tendance à être moins productives.

Des chercheurs explorent donc de nouvelles approches pour avancer sur les deux terrains à la fois, en favorisant la croissance sans sacrifier la résistance pour augmenter le rendement global.

C’est notamment le cas de Brad Binder, un chercheur de l’Université du Tennessee qui travaille sur l’éthylène. Cet hydrocarbure, souvent utilisé dans les systèmes de réfrigération, est aussi une hormone extrêmement importante chez les plantes. Il joue un rôle crucial dans de nombreux processus physiologiques, de la maturation à la réponse à différents types de stress.

Une découverte accidentelle

Plus spécifiquement, son laboratoire se focalise sur la façon dont les plantes et les bactéries répondent à l’éthylène, et comment ce composé interagit avec d’autres hormones pour réguler la croissance des végétaux. Et au cours de ces travaux, les chercheurs ont fait une découverte accidentelle qui pourrait avoir des retombées importantes.

Tout a commencé avec une expérience qui consistait à observer la germination de graines d’Arabidopsis — un modèle très courant en biologie végétale — dans une chambre noire. Certaines semences ont été exposées à du gaz d’éthylène, afin d’observer son impact sur le processus physiologique qui provoque la germination.

Après avoir collecté les données nécessaires, l’expérience aurait dû s’arrêter. Mais exceptionnellement, les chercheurs ont sorti les pousses de la chambre noire afin de continuer la croissance pour produire des graines pour des expériences futures.

Or, après quelques jours, ils ont observé une différence surprenante. Les pousses qui avaient reçu une dose de ce gaz présentaient des feuilles plus grandes et des systèmes racinaires beaucoup plus complexes que celles du groupe de contrôle sans éthylène. Ils ont continué de laisser pousser les plantes, et cette tendance s’est vérifiée tout au long de leur vie. Les individus dopés à l’éthylène grandissaient plus vite, et atteignaient une taille plus importante.

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Deux plantes cultivées dans les mêmes conditions. Celle de gauche, dont la graine a été traitée à l’éthylène, a grandi plus vite et atteint une taille plus importante. © Binder laboratory, University of Tennessee

Des plantes puis productives et résistantes

Les chercheurs ont donc voulu vérifier si Arabidopsis était un cas particulier, ou si ce constat était aussi valable pour d’autres espèces. Et après avoir traité des graines de tomate, de concombre et de blé à l’éthylène, ils ont conclu que c’était effectivement le ca (voir ce papier de recherche).

Mais la vraie cerise sur le gâteau est arrivée plus tard. Et en analysant ces nouvelles pousses, ils ont constaté que ces plantes n’étaient pas seulement plus productives : étonnamment, elles présentaient aussi une résistance accrue à différents types de stress abiotiques et oxydatifs.

Depuis cette découverte survenue à l’été 2023, l’équipe de Binder a cherché à trouver les mécanismes physiologiques à l’origine de ces différences spectaculaires. Ils ne sont pas encore parvenus à trouver une réponse définitive, mais quelques pistes convaincantes ont émergé. La plus prometteuse, c’est que ce traitement à l’éthylène augmente l’efficacité de la photosynthèse.

Pour rappel, il s’agit du processus qui permet aux plantes vertes de convertir le dioxyde de carbone et la lumière du soleil en sucre — et par extension, en énergie disponible pour la croissance et les mécanismes de résistance au stress.

Plus spécifiquement, le gaz agirait sur la fixation du carbone. C’est le processus qui permet aux plantes d’extraire le CO2 de l’atmosphère pour le convertir en différents éléments utilisés dans la production des sucres. En effet, les chercheurs ont observé que les plantes traitées à l’éthylène fixaient beaucoup plus de carbone que les autres. Au bout de la chaîne, cela se traduit par une augmentation massive de différents carbohydrates comme l’amidon, le sucrose et le glucose.

Une perspective très intéressante pour l’agroalimentaire

Cela signifie-t-il que nous sommes à deux doigts d’une véritable révolution agroalimentaire ? Pas si vite. Avant de crier victoire, il faudra d’abord déterminer exactement de quels mécanismes physiologiques sont impliqués. À partir de là, il faudra que d’autres laboratoires parviennent à répliquer ces expériences pour vérifier la solidité de ces résultats impressionnants. Et une fois toutes ces cases cochées, il faudra encore trouver un processus industriel adéquat et économiquement viable pour mettre ce concept en application à grande échelle.

Vous l’aurez compris, ces travaux sont encore loin d’être terminés. Mais le potentiel de cette approche est évident, et le jeu en vaut donc la chandelle. On peut imaginer que le rendement de nombreuses cultures pourrait grimper en flèche grâce à un simple traitement à l’éthylène. Étant donné que l’éthylène est relativement facile à produire à l’échelle industrielle (c’est même l’un des composés organiques les plus produits au monde), ce serait une excellente nouvelle pour la sécurité alimentaire mondiale.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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