Dans un communiqué repéré par Interesting Engineering, la startup japonaise Interstellar Technologies a annoncé avoir lancé les tests d’un moteur-fusée pas comme les autres. En effet, son carburant est produit à partir d’une matière première assez inattendue dans le contexte de l’aérospatiale, à savoir… la bouse de vache.
Ce moteur, baptisé Cosmos, a vocation à équiper un lanceur appelé ZERO. C’est une petite fusée à deux étages de 32 mètres de haut, avec une charge utile totale de 70 tonnes, destinée à envoyer de petits satellites en orbite terrestre basse. Même s’il est très loin des systèmes de propulsion les plus puissants du moment, Cosmos présente tout de même un point commun avec ceux de certaines fusées de toute nouvelle génération, comme les Raptors du Starship de SpaceX. Au même titre que ce dernier, ZERO est un lanceur methalox, c’est-à-dire qu’il fonctionne à l’aide d’un mélange d’oxygène et de méthane liquide.
C’est un mode de propulsion très prisé des leaders de l’industrie. Ces derniers sont presque tous en train de développer leurs propres moteurs methalox, car ils présentent quelques avantages particulièrement pertinents dans le cadre des futures missions de conquête planétaire qui se profilent à l’horizon. Ils ont notamment l’avantage d’être assez intéressants d’un point de vue écologique, notamment par rapport aux moteurs kerolox qui emploient du kérosène extrêmement polluant.
Des bovins aux ergols liquides
Mais pour maximiser leur intérêt environnemental, il est important de sélectionner des sources de méthane renouvelables. Or, c’est loin d’être évident, sachant que les fusées en consomment des quantités astronomiques. Par exemple, la version finale du Starship embarquera environ 1000 tonnes de méthane liquide par lancement.
Pour assurer cet approvisionnement, SpaceX utilise du méthane qui est extrait de réserves naturelles souterraines. Si l’impact écologique de cette démarche reste largement moins important que celui de la filière hydrocarbure, il est tout de même loin d’être négligeable. C’est pour cette raison qu’Interstellar a opté pour une approche différente. Au lieu d’aller ponctionner du méthane dans le sous-sol, elle a choisi d’utiliser du biométhane. Ce gaz est produit par un prestataire appelé Air Water qui collecte de la bouse de vache auprès d’une coopérative de fermes locales afin de la transformer dans de grands méthaniseurs.
C’est une approche qui serait difficilement envisageable dans le cas d’un engin du calibre du Starship, surtout que lorsqu’on tient compte du rythme de lancement affolant sur lequel compte Elon Musk. En revanche, elle est bien mieux adaptée aux lanceurs plus modestes qui ont pour mission de mettre de petits satellites en orbite. Ces derniers représentent une part significative des tirs de fusées, et leur nombre augmente fortement chaque année. Si une part significative des opérateurs choisissait d’adopter des engins propulsés au biométhane, cela pourrait donc amortir considérablement le bilan écologique de cette industrie en croissance rapide.
À terme, il faudra donc développer toute une chaîne logistique pour approvisionner cette ribambelle de lanceurs. Mais avant d’en arriver là, il convient déjà de consolider les fondations technologiques du concept. C’est sur ce point que travaille Interstellar en ce moment.
Une campagne de test qui commence bien
L’entreprise vient de boucler les premières étapes des test de mise à feu statique de son moteur au biométhane. Lors du premier essai, le Cosmos a fonctionné sans problème pendant une dizaine de secondes. Cela a permis de vérifier le bon fonctionnement de la chambre de combustion et de l’injecteur — la pièce centrale qui a pour mission de vaporiser les ergols liquides pour permettre la combustion. Elle va répéter l’opération à plusieurs reprises jusqu’à la fin du mois de janvier 2024 pour vérifier le comportement des autres parties du système de propulsion.
Si tous ces tests se déroulent comme prévu, la firme nipponne va ensuite s’attaquer à la construction du moteur de taille réelle. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un modèle réduit de Cosmos capable de développer une poussée d’environ 60 kN. La version finale sera environ deux fois plus performante, avec une poussée de 130 kN. Ce nouveau modèle sera testé pendant environ un an. Après cette échéance, l’entreprise compte procéder au premier lancement de ZERO à l’horizon 2025.
Un concept qui pourrait faire des émules
Il sera intéressant de suivre le déroulement du processus, car en cas de succès, l’initiative d’Interstellar pourrait convaincre d’autres opérateurs de se tourner vers le biométhane. Évidemment, il sera très difficile de répondre aux besoins de toute l’industrie en utilisant seulement des déjections bovines.
Mais il existe aussi d’autres procédés de méthanisation qui pourraient permettre de produire du carburant pour fusée propre, notamment à partir des déchets végétaux issus de l’agriculture. Si elle se démocratise, il s’agira d’une nouvelle plutôt encourageante pour cette industrie qui va sans doute peser de plus en plus lourd dans le bilan écologique mondial.
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C’est juste une fusée au méthane ! Une fusée au méthane chose est déjà opérationnelle et la plupart des boîtes du New Space bossent sur ce design, y compris Space X. Le méthane c’est du… méthane, quelle que soit sa source, c’est le même gaz. Faire du greenwashing buzz est de bonne guerre pour se faire connaître, mais là bouse de vache n’est juste pas a l’échelle pour alimenter l’industrie spatiale.