Après des années de retards et d’incertitudes, Ariane 6 est finalement sur de bons rails. Après le succès du dernier test de mise à feu des moteurs Vulcain 2.1, l’ESA est enfin assez confiante pour proposer une date relativement précise pour le baptême de l’air. Si tout se déroule comme prévu, le nouveau fer de lance de l’aérospatiale européenne partira pour sa toute première mission à l’été 2024.
« En partant du principe que nous ne rencontrerons pas de problème majeur, nous nous attendons à ce que le vol inaugural d’Ariane 6 ait lieu entre le 15 juin et le 30 juillet de l’année prochaine », a expliqué Josef Aschbacher, directeur général de l’agence, lors d’un briefing.
Il a toutefois incité le public à mesurer ses attentes. « Nous parlons d’aérospatiale, et par conséquent, il convient de partir du principe qu’il pourrait y avoir un ou deux délais supplémentaires », a-t-il nuancé par la suite. « Il serait présomptueux de dire que tous les problèmes sont derrière nous », a également déclaré Martin Sion, PDG d’ArianeGroup.
En effet, il s’agit incontestablement d’un grand pas en avant. Et pour cause : c’est la première fois que l’ESA se prononce ainsi. Jusqu’à présent, elle s’était contentée d’affirmer timidement que l’objectif était de décoller en 2024. Ce pas en avant en termes de communication est un signe relativement fort. Le lanceur aborde véritablement sur la dernière ligne droite, et c’est une excellente nouvelle pour toute l’aérospatiale européenne.
La fin de la crise des lanceurs ?
Pour rappel, cela fait déjà quelque temps que le Vieux continent est complètement démuni en termes de lanceurs. Avec la mise à la retraite de la formidable Ariane 5 et les difficultés du programme Vega, l’Europe est presque entièrement privée de son accès à l’espace. C’est un problème majeur en termes d’autonomie stratégique, mais aussi de souveraineté technologique, puisque chaque jour passé sans fusée opérationnelle continue de creuser le fossé qui existe entre l’Europe et les grandes puissances spatiales.
Une situation épineuse qu’Aschbacher lui-même a qualifiée de « crise des lanceurs ». Mais désormais, le ton a changé ; lors de ce même briefing, le dirigeant s’est mis à parler de cet épisode au passé.
« Nous avons appris la leçon. Nous avons pris des mesures très claires pour surmonter la crise. Parce qu’il s’agissait littéralement d’une crise. Nous devions absolument en sortir — et nous l’avons enfin fait ensemble. Ce n’était pas seulement l’ESA », a-t-il déclaré en référence à Arianespace, à ArianeGroup, et au CNES.
Cette formulation est quelque peu surprenante. L’optimisme d’Aschbacher sur la question de la crise tranche avec sa prudence par rapport à la date du vol inaugural. Étant donné que le développement du lanceur a été un long chemin de croix, ne vaudrait-il pas mieux attendre qu’Ariane 6 décolle une fois pour toutes avant de parler de sortie de crise ? La question mérite d’être posée. Car même si le lanceur n’a jamais été aussi proche de voler, il reste encore quelques étapes avant d’en arriver là.
Prochaine étape : les tests en conditions dégradées
Le 7 décembre prochain, l’ESA va procéder à un nouveau test sur la base de Lampoldshausen, en Allemagne. Les ingénieurs vont observer comment les moteurs Vinci de l’étage supérieur se comportent dans des conditions « dégradées ». Une semaine plus tard, c’est le premier étage qui subira un test similaire sur la base de Kourou. Il s’agit de vérifier si la fusée sera tout de même capable d’acheminer sa cargaison en orbite en cas de dysfonctionnement non critique.
C’est un protocole de test important pour la fiabilité du lanceur. Ariane 5 était un exemple à suivre à ce niveau. Et sa petite sœur devra absolument se montrer à la hauteur afin de rassurer les clients qui l’attendent comme le messie.
Si ces deux tests en conditions dégradées, il ne restera plus qu’à peaufiner les derniers détails techniques avant la toute dernière échéance majeure de la feuille de route : la qualification définitive, attendue au printemps 2024. Nous vous donnons donc rendez-vous les 7 et 15 décembre, en espérant qu’Ariane 6 donne entière satisfaction aux ingénieurs.
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