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Un minuscule accélérateur de particules s’offre un record d’énergie étourdissant

Ce petit engin de la taille d’une boîte à chaussures rivalise avec des accélérateurs de particules de trois kilomètres de long.

Des chercheurs de l’Université d’Austin, au Texas, ont réalisé un petit exploit : ils ont réussi à générer un flux d’électrons extrêmement énergétique à l’aide d’un minuscule accélérateur de particules.

Les accélérateurs de particules sont des équipements qui, vous l’aurez deviné, permettent d’accélérer des particules à une vitesse prodigieuse. Il en existe globalement deux catégories qui sont formidablement utiles dans des contextes différents.

Le premier type est utilisé dans de nombreux domaines de l’industrie. On s’en sert par exemple dans l’agroalimentaire pour stériliser des produits sans avoir recours à des produits chimiques, ou dans l’énergie pour produire des combustibles nucléaires et en traiter les déchets radioactifs. Ils sont aussi couramment utilisés en imagerie médicale ou à des fins de sécurité ; si les employés des aéroports peuvent regarder à l’intérieur de vos bagages sans avoir à les ouvrir, c’est en partie grâce à des accélérateurs de particules.

Du matériel particulièrement exclusif

La deuxième catégorie est consacrée à la recherche fondamentale. Il s’agit généralement de dispositifs nettement plus puissants, capables de propulser des particules à des niveaux d’énergie extrêmes. Ils permettent aux physiciens d’étudier les constituants fondamentaux de la matière pour mieux comprendre le fonctionnement de notre univers à la plus petite des échelles.

En règle générale, les accélérateurs de cette catégorie souffrent tous du même problème : ils sont absolument gigantesques — une condition sine qua non pour permettre aux particules d’accélérer à ces vitesses ébouriffantes. Par exemple, l’accélérateur de particules le plus performant au monde, le Large Hadron Collider (LHC) du CERN, dispose d’un circuit d’aimants supraconducteurs de… 27 kilomètres.

© Samuel Joseph Hertzog – CERN

Il s’agit d’une limite très importante. En effet, cela implique que les accélérateurs les plus performants sont réservés à une poignée d’institutions d’élite qui disposent à la fois du budget et de la place pour les construire. Forcément, cette exclusivité limite la productivité de la recherche en physique des particules.

Un ratio énergie/distance record

De plus en plus de laboratoires travaillent donc à concevoir des accélérateurs nettement plus petits et donc plus accessibles. Par exemple, des chercheurs allemands ont récemment présenté un concept d’accélérateur de particules si petit qu’il tient sur une pièce de monnaie.

Mais ces petits engins sont encore bien trop faiblards pour être utiles en pratique. Tout l’enjeu, c’est donc de trouver un compromis idéal pour produire des particules de très haute énergie dans un espace réduit.

C’était précisément l’objectif des chercheurs texans avec leur petit prototype, et il s’agit d’un succès retentissant. Lors des tests préliminaires, ils ont réussi à générer un flux d’électrons avec une énergie supérieure à 10 milliards d’électrons-volts (10 GeV). Certes, ce prototype reste encore loin derrière les accélérateurs de première catégorie ; le LHC, par exemple, dépasse allègrement les 10 000 GeV, ou 10 TeV

Mais ce qui est vraiment impressionnant, c’est qu’il a atteint ce score dans une chambre d’accélération de seulement dix centimètres de long ! Aux États-Unis, il n’y a que deux autres accélérateurs capables de franchir cette barre symbolique – et tous les deux utilisent des chambres d’accélération de plus de trois kilomètres de long. Il s’agit donc d’un record étourdissant en termes de rapport énergie/distance.

L’ingrédient secret : des nanoparticules de métal

Pour fournir une telle énergie dans un espace aussi réduit, les chercheurs ont peaufiné une vieille idée des années 1970. Le concept tourne autour d’un laser extrêmement puissant qui traverse un gaz d’hélium. Ce dernier chauffe ainsi jusqu’à se transformer en plasma. Cela crée des ondes qui ont pour effet d’éjecter les électrons des atomes, produisant ainsi un flux de particules à haute énergie.

Mais cette technique est insuffisante pour atteindre les 10 GeV dans un espace aussi réduit. Les chercheurs ont donc ajouté un ingrédient supplémentaire à cette recette : un laser auxiliaire qui vient frapper une plaque métallique à l’intérieur de la chambre. Cela génère un flux de nanoparticules (d’aluminium en l’occurrence) qui a pour effet d’amplifier l’énergie que l’onde de plasma transmet aux électrons.

« Le laser est comme un bateau survolant un lac, laissant derrière lui un sillage, et les électrons chevauchent cette onde de plasma comme des surfeurs », explique Bjorn Manuel Hegelich, co-auteur de l’étude. « Dans notre accélérateur, des nanoparticules relâchent leurs électrons juste au bon endroit et au bon moment, dont ils sont parfaitement positionnés pour surfer sur cette vague. C’est notre sauce secrète », sourit le chercheur.

Vers une nouvelle génération de micro-accélérateurs de particules

À terme, cette idée très ingénieuse pourrait permettre de développer des accélérateurs à la fois tout petits et ultra-performants. Mais avant d’en arriver là, il va encore falloir surmonter un dernier obstacle de taille.

Pour atteindre les 10 GeV dans une chambre d’accélération si petite, les chercheurs ont dû s’appuyer sur le Texas Petawatt Laser. C’est l’un des lasers les plus puissants de la planète, et il mesure une vingtaine de mètres de long. Tout l’enjeu va donc être de répliquer ces résultats avec un laser plus compact. Cela permettra de limiter au maximum l’encombrement de l’accélérateur.

Les chercheurs espèrent y parvenir avec un laser suffisamment petit pour tenir sur une table standard. Cela demandera de gros efforts d’ingénierie, et il s’agit donc d’un objectif sur le long terme. Mais une fois que cet obstacle sera franchi, on se retrouvera avec un accélérateur extrêmement puissant, compact et polyvalent qui pourra faire le bonheur d’un grand nombre de laboratoires moins bien lotis. Avec tout ce que cela implique pour la médecine, l’industrie, et la recherche fondamentale.

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