Les astronomes du prestigieux European Southern Observatory viennent de publier une découverte remarquable : ils ont trouvé un disque de matière autour d’une jeune étoile dans le Grand Nuage de Magellan. C’est la première fois qu’un tel disque, identique à ceux qui forment des planètes dans la Voie lactée, est détecté dans une autre galaxie que la nôtre.
Cette découverte est l’aboutissement d’une longue enquête astronomique qui a commencé avec le Very Large Telescope (VLT), l’un des observatoires terrestres les plus performants jamais conçus. Il est constitué de quatre télescopes distincts, tous équipés d’un énorme miroir de plus de huit mètres de diamètre. Ensemble, ils forment un interféromètre de première catégorie qui permet d’observer une grande variété d’objets célestes avec une précision extrême, notamment grâce à un système d’optique adaptative très avancé qui corrige les fluctuations de l’atmosphère.
Le VLT est notamment équipé d’un instrument baptisé MUSE, pour Multi Unit Spectroscopic Explorer. Ce dernier a trouvé la trace d’un jet de matière caractéristique qui partait d’une étoile juvénile perdue au beau milieu du Grand Nuage de Magellan. Ce signal a fortement interpellé les chercheurs, car ces jets sont généralement associés à ce qu’on appelle des disques d’accrétion.
Une première hors de la Voie lactée
Ces derniers sont de grands amas de matière circulaires qui tournent autour d’un corps céleste. Ce sont des éléments extrêmement importants de la dynamique du cosmos, car c’est à partir de ce matériel que se forment les planètes et les étoiles. Ce sont donc de formidables laboratoires à ciel ouvert qui permettent d’étudier le cycle de vie des corps célestes.
Les astronomes en ont déjà observé un grand nombre dans la Voie lactée. Ils en ont aussi repéré en dehors de la Voie lactée, mais seulement autour d’objets comme des trous noirs supermassifs. Jusqu’à présent, personne n’en avait jamais trouvé un autour d’une planète dans une autre galaxie ; ils sont nettement plus petits et moins brillants, et donc plus difficiles à observer. Il s’agissait donc d’une perspective très enthousiasmante pour les chercheurs de l’ESO.
À ce stade, il ne leur restait plus qu’à confirmer directement la présence de ce disque. Pour y parvenir, il suffit de mesurer la vitesse de rotation de la matière. En effet, à cause du principe de conservation du moment cinétique, la zone centrale des disques d’accrétion tourne toujours nettement plus vite que la zone périphérique. Si l’on parvient à observer cette différence de vitesse, on obtient une preuve indiscutable qu’il s’agit bien d’une usine à planètes.
Malheureusement, le MUSE n’est pas capable de réaliser ce genre de mesure. C’est un spectromètre qui a plutôt vocation à déterminer la composition chimique de sa cible. Les astronomes de l’ESO se sont donc tournés vers l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), un grand interféromètre composé d’un ensemble de 66 radiotélescopes situés dans le désert de l’Atacama, dans le nord du Chili.
Grâce à ce bijou d’ingénierie (il s’agit de l’observatoire terrestre le plus cher de l’histoire), les troupes de l’ESO ont pu observer ce fameux gradient de vitesse, et confirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils avaient bel et bien affaire à un disque d’accrétion stellaire.
Un objet d’étude très prometteur
« Quand j’ai vu cette structure en rotation dans les données de l’ALMA, c’était vraiment un moment spécial. Je n’arrivais pas à croire que nous avions détecté le tout premier disque d’accrétion extragalactique », se réjouit Anna McLeod, professeure à l’Université de Durham et auteure principale de l’étude. « Nous savons que ces disques sont vitaux pour la formation des planètes et des autres étoiles dans notre galaxie, et pour la première fois, nous avons des preuves directes de leur présence dans une autre galaxie ».
Désormais, les astronomes vont pouvoir se concentrer spécifiquement sur ce disque pour étudier les mécanismes qui y ont lieu. Ils pourront les comparer à ceux qui ont été déjà documentés dans la Voie lactée pour affiner les modèles qui décrivent la formation des planètes comme notre Terre.
« Nous sommes dans une ère de développement technologique rapide des infrastructures astronomiques. Être en mesure d’étudier comment se forment les étoiles à ces distances incroyables, et dans une galaxie différente, c’est très excitant », conclut McLeod.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Merci
Merci ça fait du bien d apprendre des trucs comme ça des fois