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Météorite ou pas, les dinosaures étaient condamnés dans tous les cas

Les chercheurs considèrent depuis longtemps qu’un épisode volcanique majeur aurait pu éradiquer les dinosaures, et une étude récente renforce cette interprétation; la fameuse météorite n’a probablement fait que précipiter l’inévitable.

La disparition des dinosaures est une histoire qui fascine les paléontologues aussi bien que le grand public depuis des décennies. Aujourd’hui, la théorie la plus populaire suggère que c’est l’impact d’une immense météorite qui aurait porté le coup de grâce. Mais il existe d’autres pistes tout à fait solides. Et surtout, il est assez improbable qu’un seul facteur isolé ait mis fin de l’ère des grands reptiles. La réalité est certainement beaucoup plus nuancée, et une étude récente renforce cette hypothèse ; selon les auteurs, les dinosaures étaient probablement déjà condamnés avant l’impact fatidique.

Ces travaux proviennent de l’équipe de Don Baker, professeur de sciences planétaires à l’université canadienne de McGill. Pour retracer l’histoire des dinosaures, ils se sont aventurés au cœur d’une des structures géologiques les plus spectaculaires de la planète : les Trapps du Deccan.

Trapps Deccan
Les majestueux Trapps du Deccan. © Nichalp – Wikimedia Commons

Il s’agit d’une province magmatique située dans l’est de l’Inde, apparue à la suite d’un gigantesque épisode volcanique qui a déversé des centaines de milliers de kilomètres cubes de lave. Elle fait l’objet d’un intérêt particulier des géologues pour de nombreuses raisons, mais il y en a une en particulier qui a mis la puce à l’oreille des paléontologues : son âge.

En effet, les roches des Trapps du Deccan ont été datées entre la fin du Mésozoïque et le début du Cénozoïque, entre 60 à 68 millions d’années avant notre ère. Un timing tout sauf anodin, sachant que les dinosaures ont disparu… il y a environ 65 millions d’années, soit au beau milieu de cet épisode volcanique majeur.

La piste volcanique

Pour cette raison, de très nombreux chercheurs considèrent que ces éruptions massives sont directement impliquées dans la crise Crétacé-Tertiaire qui a sonné le glas des grands reptiles. Car ces événements, et en particulier ceux de cette ampleur, ne se contentent pas de déverser de grandes quantités de lave. Ils relarguent aussi de grandes quantités de gaz et de cendre.

Les modèles suggèrent notamment qu’une éruption de la taille de celle qui a formé les Trapps du Deccan aurait propulsé de grandes quantités de soufre dans l’atmosphère — suffisamment pour altérer le climat de toute la planète de façon substantielle.

C’est cette piste que les chercheurs de McGill ont choisi de creuser. Ils ont analysé plusieurs dépôts de lave dans le Deccan, mais aussi en Suède et en Angleterre afin d’estimer quelles quantités de soufre et de fluorine ont été rejetées dans l’atmosphère sur les 200 000 ans qui ont précédé l’extinction des dinosaures.

Pour y parvenir, ils ont développé une nouvelle technique qui les a aidés à décoder cette histoire volcanique. Pour l’expliquer, l’équipe a eu recours à une étonnante analogie culinaire.

« Imaginez que vous fassiez cuire des pâtes à la maison. Vous faites bouillir l’eau, vous ajoutez le sel, et enfin les pâtes. Une partie du sel de l’eau est transféré dans les pâtes — mais seulement une petite partie », explique Don Baker.

« Suivant la même logique, certains éléments se retrouvent piégés dans les minéraux lorsqu’ils refroidissent après une éruption. De la même façon que vous pouvez calculer la salinité de l’eau en analysant la teneur en sel des pâtes qui ont cuit dedans, cette nouvelle technique a permis de déduire la quantité de gaz rejetée pendant ces éruptions à partir des taux de soufre et de fluorine des échantillons de roche. »

Météorite ou pas, les dinosaures étaient condamnés

Au terme de ces analyses, ils ont pu confirmer que les taux de soufre émis par ces éruptions étaient suffisants pour déclencher une vaste chute des températures globales. Or, les dinosaures et les autres espèces d’animaux et de plantes dont ils dépendaient pour s’alimenter n’étaient tout simplement pas équipés pour supporter cet hiver volcanique très longtemps.

« Nos recherches démontrent que les conditions climatiques étaient certainement instables, avec des hivers volcaniques répétés qui auraient pu durer des décennies. Cette instabilité aurait rendu la vie très difficile pour les plantes et les animaux, conduisant à l’extinction des dinosaures », résume Baker.

À noter que ces travaux n’ont pas du tout exploré l’influence de la fameuse météorite. Ils ne permettent donc pas de déterminer exactement ce qui a définitivement mis fin à leur existence. En revanche, cette étude confirme que météorite ou pas, les dinosaures étaient sans doute condamnés à disparaître quoi qu’il arrive, comme le suggéraient déjà de nombreuses théories. Le sort s’est décidément acharné sur ces majestueux reptiles.

Les supervolcans, une menace existentielle

Accessoirement, ces travaux peuvent aussi être interprétés comme une piqûre de rappel par rapport à la menace que représentent les supervolcans. En effet, il serait très prétentieux de penser que l’humanité s’en sortirait mieux que les dinosaures si une éruption comparable à celle qu’a subi le Deccan frappait la Terre aujourd’hui.

À l’automne 2022, des chercheurs ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en affirmant que ce risque était largement sous-estimé. Ils ont notamment brandi une statistique qui fait froid dans le dos. Selon leurs estimations, l’humanité a environ 1 chance sur 6 de subir une éruption de magnitude 7 sur 8 — soit 10 à 100 fois plus puissante que celle du Hunga Tonga en janvier 2022 — d’ici la fin du siècle. C’est donc une issue bien plus probable que l’impact d’un astéroïde, par exemple.

 

Ces chercheurs ont aussi insisté sur le fait que l’humanité n’est absolument pas préparée à un tel événement. Ses conséquences seraient donc catastrophiques. Il faut donc impérativement accentuer les efforts de recherche autour des supervolcans pour anticiper ces éruptions le mieux possible, et éventuellement limiter les dégâts. Autrement, il est tout à fait possible que l’humanité rejoigne les dinosaures parmi les victimes des caprices de notre planète.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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2 commentaires
  1. Quitte à utiliser midjourney (avec lequel je n’ai pas de soucis) pour vos photos, essayez de lui faire simuler au moins des dinosaures qui ont existés et pas des trucs bizarres.

  2. Cette hypothèse du volcanisme n’est pas du tout nouvelle. D’autres grandes extinctions ont été dues à celui-ci. Il faut dire que ces extinctions s’étaient étalées sur des dizaines de milliers d’années, ce qui est assez long pour que cela se voit dans le registre fossile. Or, l’extinction crétacé tertiaire est extrêmement brutale. Mais, jusqu’à la découverte de l’impact, au large du Mexique, l’hypothèse du volcanisme était privilégiée.
    Il faut ajouter qu’un pb de l’hypothèse du météore est qu’il en tombe, en moyenne, tous les cents millions d’années. Or, on n’observe pas aussi souvent de grandes extinctions et, surtout, c’est la seule grande extinction due à un impact Météoritique.
    Les scientifiques ont pensé un certain temps que les deux événements se sont cumulés. Mais, selon cette hypothèse, les dinosaures auraient montré un déclin préalable à l’impact, ce qui n’est pas observé.
    J’ai vu, sans en avoir gardé la source, que la météorite est tombé dans une zone favorable à des émissions toxiques. Ce qui expliquerait pourquoi c’est la seule extinction majeure due à un impact.
    Reste l’autre question: est-ce que les dinosaures (en plus des oiseaux, qui sont des dinosaures) auraient passé la crise du Deccan?
    Se prononcer me semble extrêmement spéculatif.

Les commentaires sont fermés.

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