Une nouvelle expérience qui cherchait à identifier des particules de matière noire est malheureusement revenue bredouille — ou presque. Si les chercheurs n’ont pas réussi à mettre la main sur les objets recherchés, cette initiative a fait émerger de nouvelles limites qui pourraient aider les expériences futures à affiner la recherche de cette substance insaisissable.
Les modèles qui décrivent la matière noire suggèrent généralement qu’elle représente un peu plus de 25 % de la matière totale de l’Univers. Mais elle reste techniquement hypothétique. Ce concept a été inventé pour combler de vastes lacunes théoriques ; il permet d’expliquer certaines observations singulières, notamment sur la structure et la répartition des galaxies, qui seraient autrement incohérentes avec les lois de la physique.
Si l’idée de matière noire est aujourd’hui relativement bien acceptée, c’est parce qu’elle offre souvent des explications satisfaisantes à ces curieuses observations. Mais jusqu’à présent, personne n’a encore réussi à prouver rigoureusement son existence en observant une entité physique qui correspond à cette définition. En d’autres termes, si la matière noire existe effectivement, on ne sait toujours pas de quoi elle pourrait être constituée.
Mais cela n’empêche pas les physiciens de spéculer. Au fil des années, ils ont proposé plusieurs types de particules théoriques qui pourraient convenir à ce modèle. Ce n’est pas seulement un exercice de pensée ; en définissant ainsi des candidats potentiels, les spécialistes peuvent cibler leurs recherches en se basant sur les propriétés attendues de ces objets, au lieu de lancer des hameçons au hasard.
La chasse aux quarks sombres
Parmi les candidats les plus prometteurs, on trouve notamment les WIMP (Weakly Interactive Massive Particles). Ce sont des particules hypothétiques qui n’interagiraient quasiment pas avec la matière ordinaire, à une exception près : elles pourraient tout de même exercer une influence gravitationnelle sur les atomes classiques. Ce modèle permettrait de justifier ces différences dans la structure des galaxies, tout en expliquant pourquoi il est si difficile d’identifier ces particules.
De nombreux laboratoires consacrent des ressources considérables à la traque de ces WIMP. On peut notamment citer le CERN, avec son Large Hadron Collider — l’accélérateur de particules le plus performant de la planète.
Mais même cet instrument de pointe n’a jamais réussi à les mettre en évidence. Cela force les chercheurs à donner davantage de crédit aux autres pistes qui étaient autrefois considérées comme moins convaincantes.
Cela concerne notamment une théorie alternative qui suppose que ces particules de matière noire ne sont pas du tout inertes. A la place, elles pourraient interagir fortement avec certains des objets décrits dans le modèle standard de la physique des particules.
Dans ce scénario, la matière noire est constituée non pas d’un seul type d’objet, mais de toute une ménagerie de quasi-particules « sombres » définies par analogie avec celles qui constituent la matière ordinaire. On peut notamment citer les quarks sombres, dérivés des minuscules particules qui constituent les neutrons et les protons dans le modèle standard.
Des jets de particules fantômes
C’est là qu’interviennent Deepak Kar et Sukanya Sinha, deux chercheurs respectivement affiliés aux universités de Johannesbourg et de Manchester. Ensemble, ils ont développé une nouvelle technique qui permettra de traquer ces quarks sombres grâce au LHC.
Comme leur nom l’indique, les accélérateurs tels que le LHC ont pour objectif de propulser des particules (généralement des protons) à une vitesse proche de celle de la lumière afin qu’elles se percutent avec une grande violence. Ces impacts forcent les constituants des protons, comme les quarks et les gluons, à se séparer. Mais ces objets sont instables; très rapidement, ils se décomposent à leur tour en produisant des jets de sous-particules. Ce sont ces derniers que les physiciens étudient pour pour mieux comprendre de quoi est constituée la matière.
Ces collisions pourraient aussi générer des quarks sombres. Ils se décomposeraient alors en ce que les chercheurs appellent des « jets semi -visibles ». Ces derniers comporteraient un mélange de particules sombres (la partie invisible) et ordinaires (la partie visible).
Kar et Sinha ont suggéré que si un jet classique et un jet semi-visible étaient produits côte à côte, on observerait un déséquilibre dans les mesures des détecteurs qui enregistrent ces déluges de sous-particules. Une partie de l’énergie attendue manquerait à l’appel, car elle serait portée par ces particules sombres indétectables par les méthodes traditionnelles.
C’est cette lacune énergétique que les deux chercheurs proposent d’exploiter. Elle pourrait être considérée comme une sorte de signature qui témoigne de la présence de quarks sombres.
Une idée à approfondir
Pour l’instant, ces travaux n’ont pas encore produit de résultats concrets. Mais à ce stade, il est encore très difficile de dire si c’est parce que ces quarks sombres n’existent pas, ou si la méthode n’est pas encore au point. En effet, l’identification de ces signatures nécessite un degré de précision phénoménal. La moindre erreur de mesure peut aussi générer un léger déséquilibre qui peut facilement être interprété comme cette fameuse signature.
Il va donc falloir continuer à peaufiner cette approche en attendant d’avoir accès à des détecteurs plus précis, ou à de nouvelles méthodes de calibration qui permettront d’éliminer ces erreurs de mesure.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Oui mais , en fin de compte, toutes ces recherches concernant la matière noire, etc…, aux coûts que l’on suppose … astronomiques, elles serviront à quoi pour le commun des mortels❓