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Médecine : L’ “Internet biologique” arrive, et ça va tout changer

L’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse travaille sur un projet innovant. Elle veut créer un système de communication pour les implants médicaux via la circulation sanguine.

Les implants médicaux sont actuellement en train de révolutionner de nombreuses branches de la médecine. Et en Europe, il y a une institution qui ne cesse de présenter des avancées spectaculaires dans ce domaine : l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse.

Rien que sur les deux dernières années, ses chercheurs ont réalisé quelques exploits cliniques assez spectaculaires. En 2022, ils ont par exemple permis à trois personnes paraplégiques de marcher à nouveau grâce à des neuroprothèses. Cette même technologie leur a aussi permis d’améliorer considérablement le quotidien d’un Français atteint de la maladie de Parkinson (voir notre article).

En parallèle de ces travaux, d’autres équipes travaillent aussi sur d’autres technologies encore plus fascinantes. Tout récemment, des chercheurs de l’EPFL ont dévoilé leur dernier projet en date : concevoir un nouveau système de communication qui pourrait permettre à des implants médicaux de communiquer à travers la circulation sanguine.

Les micro-implants, le futur de la médecine

Ce projet se place dans un nouveau champ de recherche appelé Internet of Bio-Nano Things, ou IoBNT. L’idée, c’est de collecter et de traiter des données directement à l’intérieur du corps humain à l’aide pour ouvrir la voie à une véritable révolution médicale. C’est une niche absolument fascinante qui fait intervenir des tas de disciplines de pointe, de la bio-ingénierie à la biologie synthétique en passant par les nanotechnologies.

« C’est un champ de recherche très excitant », explique Haitham Al Hassannieh, chef de laboratoire à l’EPFL. « L’idée, c’est que les biocapteurs vont révolutionner la médecine, parce qu’ils peuvent atteindre des endroits inaccessibles et faire des choses dont les appareils et les implants actuels sont incapables ».

Les chercheurs et médecins ont déjà proposé des tas d’applications potentielles à ces technologies. Par exemple, des biocapteurs pourraient fournir des données à des “laboratoires sur puce” capables de conduire des analyses médicales directement à l’intérieur du corps. On peut aussi imaginer des bactéries reprogrammées pour détecter et détruire des pathogènes, ou même des nanorobots capables d’administrer un traitement avec une précision phénoménale.

L’épineuse question de la communication

Mais développer une nouvelle génération de nano-implants ultrasophistiqués n’aura aucun intérêt s’ils ne sont pas capables de communiquer. Et c’est un défi considérable dans le corps humain.

Par exemple, les techniques traditionnelles, comme les ondes radio, fonctionnent plutôt bien avec les implants de grande taille comme les pacemakers. Mais les technologies de miniaturisation ne sont pas encore assez avancées pour que ces dispositifs puissent fonctionner à l’échelle micro- ou nanoscopique. De plus, les fluides corporels constituent un obstacle de taille pour les signaux sans fil.

Les chercheurs de l’EPFL ont donc opté pour une autre approche. Au lieu d’utiliser des ondes électromagnétiques, ils ont misé sur la communication chimique qui existe déjà dans le corps humain. Ils veulent utiliser des molécules biologiques en tant que vecteurs d’information – une version biologique du Web, en somme.

« La communication biomoléculaire s’est imposée comme l’une des solutions les mieux adaptées à la communication des nanoimplants. C’est une idée incroyable qui permet de transmettre des données en les encodant dans des molécules qui se déplacent au gré de la circulation sanguine », précise Al Hassanieh.

Une version biologique de l’Internet

Mais pour transférer des données exploitables, avoir un support ne suffit pas. Il faut aussi définir ce qu’on appelle un protocole, c’est-à-dire une stratégie globale qui définit des formats, des modalités d’échange, et tous les autres paramètres nécessaires à la communication. Par exemple, vous connaissez sans doute le protocole HTTP sur lequel est construit une grande partie du Web moderne. Tout l’enjeu, c’est de concevoir un système analogue, mais applicable à un support biologique.

Or, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Car contrairement aux réseaux informatiques, les organismes vivants sont des environnements complexes et extrêmement dynamiques, truffés de mécanismes subtils qu’il n’est pas évident d’intégrer à l’équation. Pour le moment, la plupart des recherches sur ce sujet sont donc très théoriques.

Par conséquent, ces concepts fonctionnent rarement en pratique ; ils ne tiennent pas suffisamment compte des innombrables nuances de cet environnement biologique. « La plupart des théories existantes partent du principe que ces canaux sont stables et figés, alors qu’en réalité, ils changent très rapidement », explique Al Hassannieh.

Une preuve de concept très encourageante

Pour surmonter cet obstacle, son équipe a présenté un nouveau protocole baptisé MoMA, pour Molecular Multiple Access. Il permet de détecter des paquets — les unités fondamentales d’un système de communication, de les décoder, et de les encoder sur un support moléculaire.

Pour tester ce protocole, les chercheurs ont conçu une plateforme de test simple. Il s’agissait d’un réseau de pompes et de tubes remplis de liquide censé émuler la circulation sanguine, avec quatre transmetteurs disposés en différents points du système. À partir de là, ils ont réussi à encoder, à détecter et à décoder des données transmises d’un bout à l’autre du réseau, avec un degré de préservation du signal nettement supérieur à ce dont les autres systèmes actuels sont capables.

Epfl Bio Wireless
© EPFL

L’équipe de l’EPFL insiste toutefois sur le fait qu’il ne s’agit que d’un début, et que la deuxième marche va être bien plus difficile à franchir. Leur plateforme de test est une version extrêmement simplifiée d’un véritable organisme vivant. Elle ne peut pas tenir compte de toutes les subtilités physiologiques inhérentes à ce milieu.

En revanche, ils considèrent qu’il s’agit d’un premier pas très encourageant dans cette direction. Leur modèle est une preuve de concept qui permet de commencer à appréhender les problèmes de protocole et de mécanique des fluides qui sont à la base de la communication moléculaire.

« Je suis très excité, parce que c’est un tout nouveau modèle de communication. Désormais, nous en sommes enfin au stade où nous trouvons des collaborateurs, et où nous allons vraiment pouvoir avancer », se réjouit Al Hassanieh. Nous vous donnons donc rendez-vous d’ici quelques années pour observer les progrès de ces techniques qui pourraient déboucher sur une immense révolution médicale.

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Source : EPFL

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