Une représentante du Department of Defense américain a récemment annoncé que l’institution allait bientôt sélectionner des candidats pour son prochain grand programme militaire , baptisé Replicator (« Réplicateurs »). Une initiative qui pourrait marquer le début d’un grand changement de paradigme dans la façon de se faire la guerre.
Le nom de ce programme aura certainement fait tiquer les fans de science-fiction. Et pour cause : il est directement tiré de Stargate SG-1. Dans la série, les Réplicateurs sont des entités mécaniques capables de se reproduire pour servir les intérêts militaires de leurs créateurs.
Le concept recherché par le Pentagone repose plus ou moins sur le même concept. Évidemment, l’idée n’est pas de concevoir des nanites militaires. A la place, les États-Unis comptent développer une chaîne logistique qui permettra de produire de très grandes quantités de drones de combat autonomes en un temps record.
Cette approche est diamétralement opposée à celle que le Pentagone a privilégiée jusqu’à présent. En effet, l’Oncle Sam dispose d’une vaste flotte de drones de combat autonomes lourds et extrêmement sophistiqués, comme le MQ-9 Reaper. Les engins du programme Replicator, en revanche, ont vocation à être peu chers et « jetables ». L’objectif, c’est de pouvoir les produire, les déployer et les sacrifier en masse pour submerger l’adversaire.
Contrer l’essor militaire chinois
L’approche actuelle a déjà offert des avantages stratégiques déterminants aux États-Unis sur de nombreux champs de bataille. On peut donc se demander ce qui a motivé cette initiative. Et comme souvent en ce moment, il s’agit d’une réaction directe aux progrès de la Chine.
Cela fait quelque temps déjà que la Maison-Blanche tente par tous les moyens d’endiguer sa montée en puissance, car elle voit la Chine comme une menace directe à sa suprématie. Nous l’avons déjà constaté avec des mesures comme le CHIPS and Science Act, un gigantesque plan d’investissement de 280 milliards de dollars dont l’objectif revendiqué est de « contrer » l’influence technologique et scientifique grandissante de son meilleur ennemi.
En ce sens, on peut concevoir le programme Replicator comme une déclinaison militaire du CHIPS Act. Aujourd’hui, l’arsenal américain reste plus avancé que celui de la Chine. Mais ses capacités augmentent rapidement, au grand dam de l’Oncle Sam. Et surtout, il y a un paramètre sur lequel les États-Unis commencent à être clairement dépassés : la « masse », c’est-à-dire le nombre de véhicules et de soldats qu’une nation peut mobiliser.
« La Chine a passé les 20 dernières années à construire une force militaire spécifiquement conçue pour limiter les avantages opérationnels dont nous avons bénéficié depuis des décennies », a déclaré Kathleen Hicks, secrétaire adjointe à la Défense.
En produisant des drones de combat autonomes en masse, le Pentagone espère désormais inverser cette tendance afin de préserver sa suprématie militaire. Selon Hicks, cela marque le début d’un changement sur le long terme dans la façon dont la Défense américaine aborde les conflits.
Un changement de paradigme à l’échelle mondiale
Et c’est peut-être le point le plus intéressant avec ce programme Replicator. Au-delà de l’aspect strictement géopolitique, l’initiative témoigne aussi d’une transformation rapide des mœurs, aux États-Unis mais également dans le reste du monde.
Sur la dernière décennie, de très nombreux pays et organisations non gouvernementales ont appelé à bannir purement et simplement les armes létales autonomes. En insistant sur le fait qu’elles pourraient être à l’origine d’une véritable catastrophe humanitaire. Malgré tout, ces dernières années, de plus en plus de grandes puissances ont investi des sommes très importantes dans de nouvelles technologies de combat basées sur l’IA. On peut citer les États-Unis, la Russie, la Corée du Sud, le Royaume-Uni et Israël, qui ont tous placé ces technologies au centre de leur feuille de route militaire.
Tous ces pays estiment que les lois internationales en vigueur sont déjà suffisantes pour réguler convenablement l’usage de ces technologies. Mais leur prolifération pose tout de même de nombreuses questions stratégiques, et surtout éthiques.
Certes, les États-Unis tentent de faire bonne figure. Début novembre, la vice-présidente Kamala Harris a par exemple présenté la Déclaration Politique sur l’Utilisation Militaire Responsable de l’Intelligence Artificielle, un texte qui vise à encadrer plus fermement l’usage de l’IA dans le domaine militaire. Mais si de nombreux pays (dont la France) l’ont signé, certains grands noms brillent par leur absence… à commencer par la Chine. Or, traité ou pas, il y a peu de chances que l’Oncle Sam accepte de se laisser distancer par son meilleur ennemi à cause de ce genre de traité.
Certes, nous sommes encore relativement loins d’un futur à la Armored Core où l’humanité s’oblitère à grands coups de robots de destruction massive. Mais ces initiatives montrent qu’il faudra prêter une attention toute particulière à l’évolution de ces armes et des régulations qui les encadrent.
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Une chose est sûr: dans Stargate ce n’était pas quelque chose de bien
C’est juste un retour à la bonne vieille, intelligente et efficace tactique militaire de la saturation. Les systèmes de défense actuels sont devenus tellement efficace que le seul moyen de les surpasser c’est de les saturer avec des menaces plus nombreuses et moins chères que le système qui défend. On le voit avec les Russes en Ukraine qui balancent des drones iraniens relativement low tech et moins chers, ou en Israël qui doit utiliser des missiles patriot et équivalents hors de prix intercepter des drones ou Roquettes beaucoup moins chers et sophistiqués.