En 2018, une équipe de chercheurs de l’Université de Duke, aux États-Unis, a découvert un phénomène particulièrement étrange : à chaque fois que nos yeux bougent, nos oreilles produisent un petit bruit sourd. Il est nettement trop faible pour être perçu — et heureusement, car sachant que les globes oculaires se déplacent deux à trois fois par seconde, cela produirait un tintamarre insupportable.
Selon Jennifer Groh, auteure principale de ces travaux, l’origine de ce son curieux n’est pas entièrement claire. Son équipe estime qu’ils sont probablement générés soit par deux processus distincts. D’un côté, il y a de petites contractions des muscles intermédiaires de l’oreille qui permettent d’amortir les sons violents. De l’autre, il y a des follicules pileux — les cellules qui servent de racine aux poils qui permettent d’amplifier les sons les plus ténus.
Évolutivement parlant, il s’agirait d’un moyen d’adapter la sensibilité l’ouïe en fonction de l’objet observé. Un constat intéressant, certes ; mais force est de constater que l’intérêt pratique de cette découverte est pour le moins limité.
Les oreilles trahissent les mouvements des yeux
Ou du moins, c’était le cas jusqu’à présent. Cinq ans plus tard, les mêmes chercheurs ont enfin trouvé une façon d’exploiter ce phénomène. D’après leur étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences et repérée par New Atlas, ces sons peuvent permettre de déterminer dans quelle direction l’individu regarde.
Pour arriver à cette conclusion, les auteurs ont fait appel à cinq volontaires, tous avec une bonne vue et sans problème auditif, pour leur proposer un test simple. Chaque cobaye devait s’installer devant un écran pour suivre les déplacements d’un point vert en gardant la tête parfaitement immobile. Pendant ce temps, une caméra enregistrait la direction du regard. En parallèle, un microphone extrêmement sensible placé dans le conduit auditif était chargé d’enregistrer ces fameux grincements imperceptibles.
Une fois que les 16 volontaires avaient terminé cet exercice, les chercheurs ont passé les données en revue pour vérifier s’il existait une corrélation directe entre la direction du regard et la nature de ces sons.
Et contre toute attente, cette expérience insolite a porté ses fruits. Les chercheurs ont remarqué que chaque mouvement vertical ou horizontal de l’œil produisait différents sons bien identifiables. Ils ont donc compilé ces résultats dans un modèle unifié qui permet de déterminer la direction du regard à partir du son enregistré.
« Puisqu’un mouvement diagonal peut être décomposé en un mouvement vertical et un mouvement horizontal, mon co-auteur David Murphy a réalisé qu’on pouvait combiner ces deux composants pour déterminer quel genre de signal ils produiraient ensemble », explique Stephanie Lovich, co-autrice principale de l’étude. « À partir de là, on peut repartir dans le sens inverse pour déterminer où la personne était en train de regarder, par exemple à 30° vers la gauche ».
Intrigués par cette idée, les chercheurs sont repassés sur les enregistrements sonores pour tenter de déterminer la direction du regard, sans consulter l’enregistrement vidéo associé. Et à chaque fois, ils ont pu déterminer exactement quelle région de l’écran le volontaire était en train de regarder, rien qu’à partir de cette signature sonore.
Des applications beaucoup plus concrètes que prévu
Et à partir de là, cette expérience est tout de suite devenue beaucoup plus intéressante. Les chercheurs estiment que ce phénomène pourrait avoir un rôle important dans la perception globale, et ces travaux pourraient donc avoir des implications très concrètes en médecine.
« Si chaque partie de l’oreille contribue individuellement à moduler le signal qui parvient au tympan, on pourrait se servir de ces bruits en tant qu’outil clinique pour déterminer quelle partie de l’oreille ne fonctionne pas correctement », explique Lovich. L’équipe prévoit de tester cette hypothèse en reproduisant l’expérience avec des personnes qui souffrent de problèmes visuels ou auditifs.
Plus largement, des dysfonctionnements de ce mécanisme pourraient aussi être à l’origine d’autres problèmes de perception qui sont aujourd’hui interprétés comme des troubles neurologiques. S’il se trouve qu’ils sont en fait liés à ces bruits, il sera peut-être possible de trouver de nouvelles pistes thérapeutiques, par exemple pour soulager des gens qui souffrent de vertiges ou qui éprouvent des difficultés à s’orienter dans l’espace.
Les auteurs n’en parlent pas dans leur papier, mais avec un peu d’imagination, on peut aussi suggérer d’autres applications potentielles. Par exemple, ces sons pourraient permettre de contrôler un appareil à distance en utilisant simplement une paire d’oreillettes spécialisées.
Il conviendra donc de suivre les retombées de ces travaux qui prouvent qu’une trouvaille en apparence anodine peut déboucher sur d’autres découvertes bien plus intéressantes.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Vous écrivez « auteure » puis plus loin « autrice ».
Pourriez-vous s’il vous plaît écrire en français ?
De plus vers le début un mot manque.
Je n’en termine même pas votre article qui promettait d’être intéressant.
à Sandro,
ça a le mérite d’avoir été écrit par un humain, et comme tout le monde le sait, l’erreur est humaine, et sur ce thème, encore, personne n’est infaillible, surtout avec le français.
Donc, sachez pardonnez, et ne vous privez pas d’un article aussi intéressant.